Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer, en droits et pénalités, la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales qui lui ont été assignés au titre de l'année 2015.
Par un jugement n° 1702479 du 8 novembre 2018, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 18 décembre 2018 ainsi qu'un mémoire complémentaire enregistré le 22 mai 2019, M. B..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) de prononcer l'annulation du jugement du 8 novembre 2018 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités contestées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'apport des titres de la société Champagne Claude B... et Fils au profit de la société Anico ayant été pur et simple, c'est à tort que l'administration, suivie en cela par le jugement attaqué, a considéré que cet apport avait été réalisé, à titre onéreux, avec une soulte constituée par la prise en charge par la société Anico de sa dette envers sa soeur ; en conséquence, c'est à tort que cet apport a été regardé comme un évènement de nature à remettre en cause le report d'imposition des plus-value de l'article 151 nonies III du code général des impôts, sur les titres de la société Champagne Claude B... et Fils, constatée lors de l'option de cette société pour l'impôt sur les sociétés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 avril 2019 le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code civil
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée.
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- et les conclusions de Mme Peton, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. A la suite d'un contrôle sur pièces, par proposition de rectification du 12 octobre 2016, l'administration fiscale a imposé M. B... au titre de l'année 2015, selon la procédure contradictoire, sur le montant d'une plus-value d'apport des titres de la société civile d'exploitation viticole (SCEV) Champagne Claude B... et Fils. Par le jugement attaqué du 8 novembre 2018, dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales et des majorations correspondantes qui lui ont été assignés à la suite de cette procédure de rectification.
2. Aux termes de l'article 150-0 A du code général des impôts : " I.-1. Sous réserve des dispositions propres aux bénéfices industriels et commerciaux, aux bénéfices non commerciaux et aux bénéfices agricoles ainsi que des articles 150 UB et 150 UC, les gains nets retirés des cessions à titre onéreux, effectuées directement, par personne interposée ou par l'intermédiaire d'une fiducie, de valeurs mobilières, de droits sociaux, de titres mentionnés au 1° de l'article 118 et aux 6° et 7° de l'article 120, de droits portant sur ces valeurs, droits ou titres ou de titres représentatifs des mêmes valeurs, droits ou titres, sont soumis à l'impôt sur le revenu ". Aux termes de l'article 150-0 B ter du même code : " I. L'imposition de la plus-value réalisée, directement ou par personne interposée, dans le cadre d'un apport de valeurs mobilières, de droits sociaux, de titres ou de droits s'y rapportant tels que définis à l'article 150-0 A à une société soumise à l'impôt sur les sociétés ou à un impôt équivalent est reportée si les conditions prévues au III du présent article sont remplies. Le contribuable mentionne le montant de la plus-value dans la déclaration prévue à l'article 170. /Les apports avec soulte demeurent soumis à l'article 150-0 A lorsque le montant de la soulte reçue excède 10 % de la valeur nominale des titres reçus ". Aux termes de l'article 151 nonies du même code : " III. En cas d'assujettissement à l'impôt sur les sociétés d'une société visée au paragraphe I ou de sa transformation en société passible de cet impôt, l'imposition de la plus-value constatée est reportée à la date de cession, de rachat ou d'annulation des parts ou actions de l'associé. Ce report est maintenu en cas de transmission, à titre gratuit, des parts ou actions de l'associé à une personne physique si celle-ci prend l'engagement de déclarer en son nom cette plus-value lors de la cession, du rachat ou de l'annulation de ces parts ou actions./Ces dispositions s'appliquent aux plus-values constatées à compter du 1er janvier 1988 (...) V. - Les reports d'impositions mentionnés aux II, III et IV sont maintenus en cas d'échange de droits sociaux résultant d'une fusion ou d'une scission jusqu'à la date de cession, de rachat ou d'annulation des droits reçus lors de l'échange ". L'article 151-0 octies du même code dispose enfin que : " Les reports d'imposition mentionnés aux articles 151 octies à 151 nonies sont maintenus en cas de report ou de sursis d'imposition des plus-values constatées à l'occasion d'événements censés y mettre fin, jusqu'à ce que ces dernières deviennent imposables, qu'elles soient imposées ou exonérées, ou que surviennent d'autres événements y mettant fin à l'occasion desquels les plus-values constatées ne bénéficient pas d'un report ou d'un sursis d'imposition ".
3. En application de l'article 150-0 A du CGI, la plus-value qu'une personne physique retire d'un apport de titres ou droits est soumise à l'impôt sur le revenu au titre de l'année de sa réalisation. Toutefois, le contribuable bénéficie, en vertu des dispositions précitées de l'article 150-0 B ter du même Code, d'un report d'imposition si l'apport est effectué à une société qu'il contrôle et que le montant de la soulte perçue, le cas échéant, n'excède pas 10 % de la valeur nominale des titres reçus à l'échange.
4. En instaurant un mécanisme de report d'imposition, le législateur a entendu favoriser les restructurations d'entreprises susceptibles d'intervenir par échange de titres en évitant que l'imposition immédiate de la plus-value constatée à l'occasion d'une telle opération, alors que le contribuable ne dispose pas des liquidités lui permettant d'acquitter cet impôt, fasse obstacle à sa réalisation. Il a cependant limité le champ de ce régime aux seules opérations pour lesquelles l'échange de titres n'est accompagné du versement de liquidités que dans une faible proportion, ce pour éviter, notamment au titre de la lutte contre l'évasion fiscale, que des opérations puissent en bénéficier alors qu'elles ne se limitent pas à un échange de titres, mais dégagent également une proportion significative de liquidités.
5. M. D... B... est associé fondateur de la SCEV Champagne Claude B... et Fils et a reçu lors de sa création en 1989, 120 parts sur les 500 parts d'une valeur nominale de 200 euros composant le capital de cette société. La société ayant opté le 26 juin 2002 pour son assujettissement à l'impôt sur les sociétés, la plus-value constatée par les associés à cette occasion a été placée sous le régime du report d'imposition prévu par le III de l'article 151 nonies du code général des impôts. M. B... est devenu par la suite propriétaire de 260 parts supplémentaires de la SCEV Champagne Claude B... et Fils à la suite d'une donation du 20 décembre 2007 par laquelle ses parents lui ont transmis 10 parts de la société ainsi qu'à la suite d'une donation-partage du 9 juillet 2015 par laquelle il a reçu 250 titres de la société d'une valeur de 2 000 000 euros moyennant le versement, au plus tard le 31 octobre 2015, d'une soulte de 1 000 000 d'euros à sa soeur. Par acte du 23 juillet 2015, M. B... a fait apport à la société Anico de la pleine propriété de 370 des 380 parts de la SCEV dont il était propriétaire pour une valeur totale de 2 960 000 euros moyennant d'une part, l'attribution de 1 960 000 parts de la société Anico d'une valeur unitaire d'un euro, d'autre part, de la prise en charge par la société Anico du versement de la soulte de 1 000 000 euros due à sa soeur en vertu de l'acte de donation-partage du 9 juillet 2015. Le service, afin de procéder à l'imposition immédiate de la plus-value sur les titres de la SCEV Champagne Claude B... et Fils placée en report d'imposition, a estimé que la prise en charge par la société Anico du paiement de la soulte due à la soeur de M. B... devait elle-même s'analyser comme une soulte, supérieure à 10 % de la valeur nominale des titres de la SCEV apportés, de nature à mettre fin, dans cette mesure, au report d'imposition prévu par le III de l'article 151 nonies du code général des impôts en application des dispositions du deuxième alinéa du I de l'article 150-0 B ter du même code.
6. Il résulte de l'instruction, et notamment de l'opération ci-dessus analysée, que l'apport des titres de la SCEV Champagne Claude B... et Fils effectué par M. B... à la société Anico n'a pas consisté en un simple échange de titres mais a été rémunéré pour partie par la prise en charge par la société Anico, en qualité de débiteur délégué, de sa dette d'un million d'euros à l'égard de sa soeur en vertu de l'article 3.2 du traité d'apport du 23 juillet 2015. Par suite, alors même que l'opération d'apport n'a entraîné en elle-même aucune plus-value imposable et ne s'est pas traduite, au profit du requérant, par des liquidités ou une contrepartie sous forme de paiement en numéraire, c'est à juste titre que l'administration a regardé ce paiement par délégation comme une soulte supérieure à 10 % de la valeur nominale des titres, de nature à mettre fin au régime de report d'imposition de la plus-value initiale. M. B... ne saurait par ailleurs utilement tirer aucun argument de ce qu'à cette occasion le service s'est borné à n'imposer la plus-value que dans la mesure de cette soulte plutôt que dans sa totalité.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 8 novembre 2018, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions contestées. Par suite, sa requête d'appel doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'action et des comptes publics.
N° 18NC03395 2