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16/06/2020 | FRANCE | N°18NC01660

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 16 juin 2020, 18NC01660


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 20 octobre 2015 par laquelle le ministre de l'intérieur a prononcé son déplacement d'office à titre disciplinaire, de la circonscription de sécurité publique de Mulhouse à celle de Remiremont.

Par un jugement n° 1600158 du 4 avril 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cette décision.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 juin 2018, le ministre de l'int

rieur demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 20 octobre 2015 par laquelle le ministre de l'intérieur a prononcé son déplacement d'office à titre disciplinaire, de la circonscription de sécurité publique de Mulhouse à celle de Remiremont.

Par un jugement n° 1600158 du 4 avril 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cette décision.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 juin 2018, le ministre de l'intérieur demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 4 avril 2018 ;

2°) de rejeter la demande de Mme A....

Il soutient que :

- les premiers juges ont commis une erreur d'appréciation en estimant que les témoignages des agents affectés sous les ordres de Mme A... durant l'année 2013 ne permettaient pas de caractériser l'existence d'un management humainement inapproprié et autoritaire ;

- ils ont également commis une erreur de fait en relevant que son évaluateur avait fait état de son approche diplomatique et respectueuse envers ses collègues ;

- ils ont également commis une erreur d'appréciation en estimant que la sanction prononcée était disproportionnée ;

- les faits reprochés à Mme A... sont fautifs et justifient le prononcé d'une sanction ;

- la sanction de déplacement d'office n'est pas disproportionnée malgré les bons états de service de Mme A... et l'absence d'antécédent disciplinaire.

Par un mémoire enregistré le 23 juillet 2018, Mme A..., représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges n'ont commis aucune erreur d'appréciation en estimant que son management n'était pas humainement inapproprié ou autoritaire ;

- l'erreur de fait commise par les premiers juges est sans incidence sur l'appréciation des faits ;

- la sanction prononcée était disproportionnée au regard des faits fautifs établis ;

- l'obligation de loyauté de son employeur a été méconnue ;

- elle a été sanctionnée à deux reprises en raison des mêmes faits ;

- la sanction a été prononcée sans respecter le principe du contradictoire posé à l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ;

- cette sanction n'est pas motivée.

Par ordonnance du 11 juin 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 26 juin 2019 à 12h00.

Mme A... a présenté des mémoires, enregistrés le 9 juillet 2019 et le 2 mars 2020, après la clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la sécurité intérieure ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- l'arrêté du 6 juin 2006 portant règlement général d'emploi de la police nationale ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Antoniazzi, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Michel, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., brigadier-chef, de police, a été nommée au mois de janvier 2013 responsable du commissariat de secteur Sud à Mulhouse, où elle était affectée depuis le 9 décembre 2002. A la suite de l'ouverture d'une enquête administrative diligentée le 23 septembre 2013 pour vérifier la gestion de son service, Mme A... a fait l'objet d'une sanction de déplacement d'office à la circonscription de sécurité publique de Remiremont, par une décision du ministre de l'intérieur du 20 octobre 2015. Le ministre de l'intérieur relève appel du jugement du 4 avril 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cette décision.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne le moyen retenu par les premiers juges :

2. En vertu de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, les sanctions disciplinaires susceptibles d'être infligées aux fonctionnaires de l'Etat sont réparties en quatre groupes. Relèvent du premier groupe les sanctions de l'avertissement et du blâme, du deuxième groupe celles de la radiation du tableau d'avancement, de l'abaissement d'échelon, de l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de quinze jours et du déplacement d'office, du troisième groupe celles de la rétrogradation et de l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois à deux ans et, enfin, du quatrième groupe celles de la mise à la retraite d'office et de la révocation.

3. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

4. Aux termes de l'article R. 434-6 du code de la sécurité intérieure : " I. - Le supérieur hiérarchique veille en permanence à la préservation de l'intégrité physique de ses subordonnés. Il veille aussi à leur santé physique et mentale. Il s'assure de la bonne condition de ses subordonnés. (...) ". Aux termes de l'article 111-2 de l'arrêté du 6 juin 2006 portant règlement général d'emploi de la police nationale : " (...) L'exercice de l'autorité implique non seulement de donner ou transmettre des ordres mais également, à partir de la prise de décision, de mobiliser une équipe et de rechercher son adhésion autour de projets et d'objectifs. / Il incombe au décideur de vérifier que les ordres donnés ont été correctement reçus et compris et de s'assurer de la motivation de chacun. / Il lui revient d'apprécier si l'activité déployée et les résultats obtenus sont conformes aux objectifs fixés, compte tenu des moyens mis en oeuvre. (...) ". Aux termes de l'article 111-8 de ce même règlement : " L'autorité hiérarchique, dans l'intérêt des personnels, veille, en permanence, à la qualité des rapports sociaux et humains ainsi qu'à leur suivi médical, psychologique et social, au sein de chaque service ou unité organique de la police nationale et des unités qui les composent. (...) ".

5. Mme A... a exercé les fonctions d'adjointe au chef du commissariat de secteur Sud à Mulhouse à compter du début de l'année 2007 avant d'être nommée responsable de ce commissariat au mois de janvier 2013. A la suite d'accusations de harcèlement moral présentées par l'un des agents placés sous son autorité, une enquête administrative a été diligentée à partir du 23 septembre 2013 sur la gestion par Mme A... de son service. Cette dernière a ainsi reconnu avoir envoyé un " SMS " à cet agent durant ses congés, sur son téléphone personnel, lui reprochant les accusations portées à son encontre. De plus, contrairement à ce qu'ont jugé les premiers juges, il ressort tant des auditions des agents en poste au sein de son service au cours de l'année 2013, que de ceux qui y étaient affectés antérieurement et étaient ainsi placés sous l'autorité de Mme A..., qui exerçait les fonctions d'ajointe de ce service depuis 2007, que cette dernière a adopté, à plusieurs reprises, à l'égard de certains subordonnés un management excessivement autoritaire. Enfin, elle ne conteste pas avoir demandé à deux adjointes de sécurité de mentir et d'indiquer qu'elle s'était elle-même chargée de saisir des données dans le logiciel d'enregistrement des procédures. Dans ces conditions, il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, les griefs reprochés à Mme A... sont établis et constitutifs de fautes de nature à justifier le prononcé d'une sanction.

6. Toutefois, si les faits commis par Mme A... présentent un certain caractère de gravité, il ressort également des pièces du dossier que celle-ci n'a fait l'objet d'aucune sanction depuis le début de sa carrière, et que son professionnalisme et ses excellents états de service sont régulièrement rappelés lors de chacune de ses notations. Dans ces circonstances, la sanction de déplacement d'office de l'intéressée doit être regardée comme présentant un caractère disproportionné.

7. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 20 octobre 2015 par laquelle il a prononcé le déplacement d'office à titre disciplinaire de Mme A....

Sur les frais liés au litige :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme A... de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête du ministre de l'intérieur est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Mme A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme C... A....

Délibéré après l'audience du 26 mai 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Devillers, président,

- Mme Grenier, président assesseur,

- Mme Antoniazzi, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 juin 2020.

Le rapporteur,

Signé : S. AntoniazziLe président,

Signé : P. Devillers

La greffière,

Signé : F. Dupuy

La République mande et ordonne au préfet de la Moselle en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

F. Dupuy

2

N° 18NC01660


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NC01660
Date de la décision : 16/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Sanctions.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'annulation.


Composition du Tribunal
Président : M. DEVILLERS
Rapporteur ?: Mme Sandrine ANTONIAZZI
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : GENTIT

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-06-16;18nc01660 ?
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