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08/04/2020 | FRANCE | N°19NC02308

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 08 avril 2020, 19NC02308


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... E... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 12 novembre 2018 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de renouveler son attestation de demande d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 190

1207 du 5 avril 2019, la vice-présidente désignée par la présidente du tribunal admi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... E... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 12 novembre 2018 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de renouveler son attestation de demande d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 1901207 du 5 avril 2019, la vice-présidente désignée par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 juillet 2019 et un mémoire, enregistré le 28 février 2020, Mme C... E... A..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1901207 du 5 avril 2019 de la vice-présidente désignée par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Bas-Rhin du 12 novembre 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- la décision portant refus de séjour est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen particulier ;

- la décision en litige est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination ont été prises à l'issue d'une procédure méconnaissant son droit d'être entendu ;

- les décisions en litige sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elles méconnaissent les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elles méconnaissent également les stipulations du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'un an est insuffisamment motivée ;

- la décision en litige est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

La requête a été régulièrement communiquée au préfet du Bas-Rhin, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par ordonnance du 8 janvier 2020, l'instruction a été close au 29 janvier 2020.

Mme A... a produit un mémoire complémentaire enregistré le 28 février 2020, postérieurement à la clôture de l'instruction.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 mai 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit ;

1. Mme C... E... A... est une ressortissante angolaise, née le 24 juillet 1975. Elle a déclaré être entrée irrégulièrement en France, en dernier lieu, le 15 mars 2016. Le 3 mai 2016, elle a présenté une demande d'asile, qui a été successivement rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le 28 septembre 2017, puis par la Cour nationale du droit d'asile, le 4 octobre 2018. En conséquence de ces refus, le préfet du Bas-Rhin, par un arrêté du 12 novembre 2018, a refusé de lui renouveler son attestation de demande d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'un an. Mme A... a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 novembre 2018. Elle relève appel du jugement n° 1901207 qui rejette sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la décision portant refus de renouvellement d'une attestation de demande d'asile :

2. En premier lieu, la décision en litige énonce, dans ses visas et motifs, les considérations de droit et de fait, qui en constituent le fondement. Elle est ainsi suffisamment motivée au regard des exigences de l'article L. 211-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait et il ne peut, dès lors, qu'être écarté.

3. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Bas-Rhin se serait abstenu, avant de prendre la décision en litige, de procéder à un examen particulier de la situation de Mme A.... Si la requérante conteste l'affirmation du préfet selon laquelle elle aurait déclaré, lors du dépôt de sa demande d'asile, être célibataire et sans enfant, elle ne produit en tout état de cause aucune pièce permettant d'établir qu'elle aurait informé l'administration de la réalité de sa situation familiale en France. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen particulier doit être écarté.

4. En troisième lieu, les circonstances relatives à la vie privée et familiale de Mme A... sont sans incidence sur le refus de renouvellement de son attestation de demande d'asile. Le moyen tiré de ce que le préfet du Bas-Rhin aurait commis une erreur manifeste d'appréciation doit dès lors être écarté.

En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination :

5. En premier lieu, compte tenu de ce qui vient d'être dit, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de renouvellement de l'attestation de demande d'asile ne peut être accueilli.

6. En deuxième lieu, Mme A... se prévaut de sa bonne intégration et de la présence en France de sa fille et de son fils mineurs, nés respectivement les 20 octobre 2003 et 22 avril 2006, de sa soeur et de son frère de nationalité française, ainsi que de sa mère, titulaire d'une carte de résident de longue durée valable jusqu'au 4 octobre 2026. Toutefois, il n'est pas contesté que la requérante, qui n'est présente sur le territoire français que depuis le 15 mars 2016, a vécu séparée des membres de sa famille pendant plus de huit ans et que la tutelle de ses enfants, arrivés en France en février 2008 avec la mère de l'intéressée, a été confiée à sa soeur par un jugement du tribunal de grande instance de Strasbourg du 10 décembre 2012. Si Mme A... prétend que sa présence auprès de son fils malade serait indispensable, elle ne justifie pas, par les pièces qu'elle produit, de la réalité des liens qu'elle allègue entretenir avec ses enfants, lesquels, au demeurant, résidaient au domicile de leur tante en région parisienne à la date de la décision en litige. En outre, si la requérante fait valoir, d'une part, qu'elle a sollicité son admission au séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 ou, subsidiairement, sur celui de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'autre part, que son fils, scolarisé à Strasbourg depuis la rentrée scolaire 2019, vit désormais avec elle dans un hébergement social, enfin, qu'elle a saisi, en accord avec sa soeur, le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire d'Evry afin de retrouver l'autorité parentale sur ses deux enfants, de telles circonstances sont postérieures à la décision contestée et sont, par suite, sans incidence sur sa légalité. Dans ces conditions, Mme A..., qui n'est pas isolée dans son pays d'origine, où elle a vécu jusqu'à l'âge de quarante ans, n'est pas fondée à soutenir que le préfet du Bas-Rhin aurait commis une erreur manifeste d'appréciation ni qu'il aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant.

7. En troisième lieu, lorsqu'il présente une demande d'asile, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche, qui tend à son maintien régulier sur le territoire français sur ce fondement, ne saurait ignorer que, en cas de rejet de sa demande, il pourra faire l'objet, le cas échéant, d'un refus d'admission au séjour et, lorsque la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire lui a été refusé, d'une mesure d'éloignement du territoire français. Il lui appartient, lors du dépôt de sa demande d'asile, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles et notamment celles de nature à permettre à l'administration d'apprécier son droit au séjour au regard d'autres fondements que celui de l'asile. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux.

8. Il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme A... n'aurait pas été entendue lors du dépôt de sa demande d'asile, ni qu'elle aurait été empêchée, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration tous les éléments jugés utiles à la compréhension de sa situation. Par suite, et alors que l'intéressée ne pouvait raisonnablement ignorer que, en cas de rejet de sa demande, elle était susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement du territoire français, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu ne peut qu'être écarté.

9. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

10. Si la requérante fait valoir qu'elle est susceptible, en cas de retour en Angola, d'être exposée à des traitements prohibés par les stipulations en cause en raison de sa participation à une manifestation et des fonctions exercées par un frère comme chef du renseignement, ses allégations sur les risques encourus à titre personnel ne sont étayées par aucun élément probant. Par suite, et alors que, au demeurant, la demande d'asile de l'intéressée a été successivement rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides, puis par la Cour nationale du droit d'asile, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dont serait entachée la décision portant fixation du pays de destination doit être écarté.

En ce qui concerne la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

11. En premier lieu, aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (...) / Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. / (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. ".

12. Pour justifier l'adoption d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an à l'encontre de Mme A..., le préfet du Bas-Rhin a retenu que l'intéressée a déclaré être entrée irrégulièrement en France il y a deux ans et huit mois environ, qu'elle n'établit pas être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine et qu'elle ne démontre pas l'intensité de ses liens avec la France. Dans ces conditions, le préfet, qui n'était pas tenu de préciser expressément que la requérante n'a pas fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement et qu'elle ne présentait pas une menace pour l'ordre public, a suffisamment motivé sa décision au regard des critères énoncés au III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation ne peut qu'être écarté.

13. En second lieu, eu égard à la durée de son séjour en France et aux autres circonstances relatives à sa vie privée et familiale analysées au point 6, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que le préfet du Bas-Rhin aurait commis une erreur d'appréciation en lui interdisant le retour sur le territoire français pendant un an.

14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du préfet du Bas-Rhin du 12 novembre 2018. Par suite, elle n'est pas davantage fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la vice-présidente désignée par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et ses conclusions à fin d'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent elles aussi être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Me D... pour Mme C... E... A... en application des dispositions de l'article 13 de l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.

N° 19NC02308 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC02308
Date de la décision : 08/04/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: Mme SEIBT
Avocat(s) : GOLDBERG

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-04-08;19nc02308 ?
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