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08/04/2020 | FRANCE | N°18NC02547

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 08 avril 2020, 18NC02547


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... B... A... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 21 mars 2018 portant refus de renouvellement d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination, d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer un titre de séjour et, à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification du ju

gement à intervenir, de dire qu'il lui sera délivré une autorisation provisoir...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... B... A... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 21 mars 2018 portant refus de renouvellement d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination, d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer un titre de séjour et, à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, de dire qu'il lui sera délivré une autorisation provisoire de séjour pendant l'instruction de son dossier et de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me D... de la somme de 1 200 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 1802995 du 6 juillet 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée sous le n° 18NC02547 le 22 septembre 2018, Mme C... représentée par Me D... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 6 juillet 2018 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 21 mars 2018 portant refus de renouvellement de son titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de dire qu'il lui sera délivré une autorisation provisoire de séjour pendant l'instruction de son dossier et subsidiairement, d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de dire qu'il lui sera délivré à une autorisation provisoire de séjour pendant l'instruction de son dossier ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me D... de la somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

S'agissant de la décision refusant de renouveler son titre de séjour :

- le préfet a méconnu l'alinéa 2 de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ne tenant pas compte des violences morales qu'elle a subies de la part de son époux et de la particularité de sa situation ;

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :

- cette décision est privée de fondement légal au regard de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et d'un défaut d'examen de la situation personnelle ;

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- cette décision est privée de fondement légal au regard de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 novembre 2018, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.

Le préfet du Haut-Rhin fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 3 février 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 17 février 2020 à 12 heures.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 23 août 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Goujon-Fischer, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante malgache, née le 21 décembre 1986, est entrée sur le territoire français le 31 octobre 2017 sous couvert d'un visa valable un an, en qualité de conjointe d'un ressortissant français. Par arrêté du 21 mars 2018, le préfet du Haut-Rhin, relevant l'absence de vie commune entre Mme C... et son mari, a refusé de renouveler à celle-ci son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé son pays de destination. Mme C... relève appel du jugement du 6 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de la décision de refus de renouvellement d'un titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français (...) ". Aux termes de l'article L. 313-12 du même code : " (...) Le renouvellement de la carte de séjour délivrée au titre du 4° de l'article L. 313-11 est subordonné au fait que la communauté de vie n'ait pas cessé, sauf si elle résulte du décès du conjoint français. Toutefois, lorsque l'étranger a subi des violences familiales ou conjugales et que la communauté de vie a été rompue, l'autorité administrative ne peut procéder au retrait du titre de séjour de l'étranger et en accorde le renouvellement. En cas de violence commise après l'arrivée en France du conjoint étranger mais avant la première délivrance de la carte de séjour temporaire, le conjoint étranger se voit délivrer, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale". (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme A..., a épousé, le 16 juillet 2016 à Tatanarive (Madagascar), M. C..., ressortissant français. Ce dernier a regagné la France quinze jours après la célébration de ce mariage, avec le projet de permettre à son épouse de le rejoindre durablement à son domicile en France à une date ultérieure, qu'il lui indiquerait. Sans attendre l'invitation de son époux à le rejoindre, Mme C... a sollicité un visa de long séjour, obtenu le 10 février 2017 et valable jusqu'au 10 février 2018, sous couvert duquel elle est entrée en France le 31 octobre 2017. Son époux ayant alors refusé de l'accueillir à son domicile, Mme C... a été accueillie par sa soeur, qui réside en France.

4. Si Mme C... et son mari n'ont entretenu aucune cohabitation à compter du départ de ce dernier de Madagascar en 2016, cette situation ne faisait pas obstacle, par elle-même, à l'existence d'une communauté de vie, au sens des dispositions précitées, dès lors qu'il ressort des éléments versés au dossier que celle-ci s'est bâtie, à la suite du mariage des époux, sur le projet partagé de vivre ensemble à moyen terme sur le territoire français ainsi que sur la poursuite d'une relation à distance et la contribution de l'époux de Mme C... à l'entretien de celle-ci au moyen de l'envoi de sommes d'argent. Il ressort également des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté contesté, l'époux de Mme C... n'avait toujours pas consenti à l'accueillir à son domicile, tout en continuant à entretenir avec elle des contacts au travers d'échanges épistolaires ou électroniques au cours desquels il lui reprochait sa désobéissance et lui demandait de la reconnaître en lui rappelant la précarité de sa situation au regard du séjour en France. Au regard d'une telle situation, constitutive de violences conjugales, au sens des dispositions de l'article L. 312-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et de la rupture de la communauté de vie constatée dans ce contexte, le préfet a fait une inexacte application des dispositions de cet article en refusant de faire droit à la demande de renouvellement de son titre de séjour présentée par Mme C.... Il y a lieu, par suite, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 6 juillet 2018 et l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 21 mars 2018.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".

6. Eu égard au motif d'annulation retenu, l'exécution du présent arrêt implique que soit délivré à Mme C... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", sous réserve d'un changement de circonstances de droit et de fait à la date de la nouvelle décision du préfet du Haut-Rhin. Il y a lieu, par suite, en application des dispositions précitées de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de délivrer ce titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, en revanche, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais de l'instance :

7. Mme C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Son avocat peut, par suite, se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me D..., avocat du requérant, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me D... de la somme de 1 500 euros.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg en date du 6 juillet 2018 et l'arrêté du 21 mars 2018 du préfet du Haut-Rhin sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Haut-Rhin de délivrer à Mme C... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me D... une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... épouse C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.

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N° 18NC02547


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18NC02547
Date de la décision : 08/04/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. KOLBERT
Rapporteur ?: M. Jean-François GOUJON-FISCHER
Rapporteur public ?: Mme KOHLER
Avocat(s) : SABATAKAKIS

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-04-08;18nc02547 ?
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