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08/04/2020 | FRANCE | N°18NC01807

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 08 avril 2020, 18NC01807


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 3 février 2016 par lequel le préfet du Doubs a accordé au GAEC de Derrière le Crêt une autorisation d'exploiter portant sur les parcelles n° D004 d'une surface de 37 a 60 ca située à Belleherbe, n° Z1 20 et ZI 21 d'une surface respectivement de 4 ha 55 a 80 ca et 3 ha situées à Provenchère et n° ZC94 d'une surface de 3 ha 11 a 24 ca située à Surmont, d'annuler l'arrêté du 3 février 2016 par lequel le préfet du

Doubs lui a refusé l'autorisation d'exploiter les mêmes parcelles, d'enjoindre, à tit...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 3 février 2016 par lequel le préfet du Doubs a accordé au GAEC de Derrière le Crêt une autorisation d'exploiter portant sur les parcelles n° D004 d'une surface de 37 a 60 ca située à Belleherbe, n° Z1 20 et ZI 21 d'une surface respectivement de 4 ha 55 a 80 ca et 3 ha situées à Provenchère et n° ZC94 d'une surface de 3 ha 11 a 24 ca située à Surmont, d'annuler l'arrêté du 3 février 2016 par lequel le préfet du Doubs lui a refusé l'autorisation d'exploiter les mêmes parcelles, d'enjoindre, à titre principal, au préfet du Doubs de lui délivrer l'autorisation d'exploiter sollicitée dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, d'enjoindre au préfet, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation et de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1600515 du 26 avril 2018, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 25 juin 2018, sous le n° 18NC01807, et un mémoire, enregistré le 15 mai 2019, M. A..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Besançon du 26 avril 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté par lequel le préfet du Doubs a accordé au GAEC de Derrière le Crêt une autorisation d'exploiter portant sur les parcelles n° D004 située à Belleherbe, n° ZI 20 et n° ZI 21 situées à Provenchère et n° ZC 94 située à Surmont ;

3°) d'annuler l'arrêté par lequel le préfet du Doubs lui a refusé l'autorisation d'exploiter portant sur les mêmes parcelles ;

4°) d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer l'autorisation d'exploiter sollicitée dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir ; subsidiairement, d'enjoindre au préfet de procéder à un nouvel examen de sa situation ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le préfet aurait dû faire application du schéma directeur régional des exploitations agricoles de Franche-Comté du 23 décembre 2015, entré en vigueur le 1er janvier 2016, et non du schéma départemental des structures agricoles du Doubs, dès lors que les règles d'application dans le temps prévues par le décret du 22 juillet 2015 ne concernaient que les dispositions réglementaires du code rural et de la pêche maritime ;

- il ne pouvait faire prévaloir la règle de la systématicité des autorisations d'exploiter en faveur des regroupements énoncée par le schéma départemental mais non reprise dans le schéma régional ;

- M. E..., âgé de 61 ans, ne remplissait pas la condition d'âge posée par ce schéma régional, au moment du dépôt de sa demande d'autorisation d'exploiter ;

- à supposer que le schéma départemental ait été applicable, la situation du GAEC de Derrière le Crêt ne pouvait pas être regardée comme un regroupement au sens de ce schéma dès lors que M. E... envisageait de prendre sa retraite et avait considérablement réduit son activité ;

- cette demande devait donc faire l'objet d'un refus, tout particulièrement au regard des intérêts économiques, sociaux et environnementaux énoncés parmi les objectifs et les orientations de ce schéma ;

- toujours dans cette hypothèse, si le regroupement était en réalité considéré comme un simple agrandissement, les demandes présentées par le GAEC de Derrière le Crêt, d'une part, et la sienne d'autre part, étaient concurrentes et devaient être départagées en application des critères secondaires du schéma départemental ;

- le cas échéant, l'agrandissement excessif du GAEC, la pérennité de sa propre situation et la configuration des lieux militaient en faveur du choix de son exploitation ;

- à supposer que la qualification de regroupement puisse être retenue, aucun des objectifs énoncés à l'article 1 du schéma départemental n'a été examiné ;

- les arrêtés contestés encourent l'annulation puisque le GAEC bénéficiaire était dépourvu d'existence juridique à la date de la décision ;

- le préfet n'a pas tenu compte de la distance qui sépare les exploitations regroupées dans le GAEC, comme s'il était en situation de compétence liée alors que dans le cas contraire, il n'aurait pas écarté sa demande.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 25 avril et 17 juin 2019, le GAEC de Derrière le Crêt, représenté par Me F..., conclut au rejet de la requête, au rejet des conclusions et à ce que soit mis à la charge de M. A... le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 avril 2019, le ministre de l'agriculture et de la pêche conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

- le décret n° 2015-713 du 22 juillet 2015 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Goujon-Fischer, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant le GAEC de Derrière le Crêt.

Considérant ce qui suit :

1. Le 28 décembre 2015, M. A... a demandé au préfet du Doubs l'autorisation d'exploiter plusieurs parcelles agricoles situées sur le territoire des communes de Belleherbe, Provenchère et Surmont. Par deux arrêtés du 3 février 2016, le préfet du Doubs a rejeté cette demande et a fait droit à la demande concurrente déposée, le 29 septembre 2015, sur les mêmes parcelles, par le GAEC de Derrière le Crêt. M. A... fait appel du jugement du 26 avril 2018 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa requête dirigée contre ces deux arrêtés.

Sur la légalité des arrêtés contestés :

2. Aux termes de l'article L. 312-1 du code rural et de la pêche maritime dans sa rédaction issue de la loi du 13 octobre 2014 : " Le schéma directeur régional des exploitations agricoles fixe les conditions de mise en oeuvre du chapitre Ier du titre III du livre III du même code, relatif au contrôle des structures des exploitations agricoles ". Aux termes du IX de l'article 93 de la loi du 13 octobre 2014 : " Les schémas directeurs régionaux des exploitations agricoles mentionnés à l'article L. 312-1 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction résultant de la présente loi, sont arrêtés dans un délai d'un an à compter de sa publication./ Jusqu'à l'entrée en vigueur du schéma directeur régional des exploitations agricoles, le contrôle des structures s'applique selon les modalités, les seuils et les critères définis par le schéma directeur des structures agricoles de chaque département./ (...) ". Le I de l'article 4 du décret du 22 juillet 2015, pris pour l'application de la loi du 13 octobre 2014 dispose que les articles 2 et 3 de ce décret, relatifs respectivement à la procédure d'autorisation des installations, agrandissements et réunions d'exploitations agricoles et à son application aux rétrocessions opérées par les SAFER, entrent en vigueur, dans chaque région, à la même date que le schéma directeur régional des exploitations agricoles. Le II du même article dispose que : " Les demandes et déclarations déposées en application des I ou II de l'article L. 331-2 dans sa rédaction antérieure à la loi du 13 octobre 2014 susvisée avant la date mentionnée au I, ainsi que, le cas échéant, les dossiers concurrents relevant des mêmes dispositions déposés après cette date, demeurent soumis aux dispositions des articles R. 331-1 à R. 331-12 dans leur rédaction antérieure au présent décret ". Enfin, aux termes de l'article L. 331-3 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction antérieure à la loi du 13 octobre 2014 : " L'autorité administrative se prononce sur la demande d'autorisation en se conformant aux orientations définies par le schéma directeur départemental des structures agricoles applicable dans le département dans lequel se situe le fonds faisant l'objet de la demande. Elle doit notamment : / 1° Observer l'ordre des priorités établi par le schéma départemental entre l'installation des jeunes agriculteurs et l'agrandissement des exploitations agricoles, en tenant compte de l'intérêt économique et social du maintien de l'autonomie de l'exploitation faisant l'objet de la demande (...) ".

3. En premier lieu, il résulte des dispositions précitées du IX de l'article 93 de la loi du 13 octobre 2014 que le législateur a subordonné l'application de l'ensemble des dispositions du code rural et de la pêche maritime relatives au contrôle des structures issues de cette loi à l'entrée en vigueur des schémas directeurs régionaux des exploitations agricoles. Contrairement à ce que soutient M. A..., le II de l'article 4 du décret du 22 juillet 2015 ne peut donc être interprété comme ayant restreint le champ d'application de cette règle aux seules dispositions de procédure définies à ses articles 2 et 3. Il suit de là que les demandes d'autorisation d'exploitation agricole déposées antérieurement à l'entrée en vigueur du schéma directeur régional des exploitations agricoles demeurent ....

4. En l'espèce, il est constant que le schéma directeur régional des exploitations agricoles de Franche-Comté approuvé le 23 décembre 2015 est entré en vigueur le 1er janvier 2016, à la suite de sa publication au recueil des actes administratifs spécial de Franche-Comté du 31 décembre 2015. Les demandes d'autorisation d'exploiter déposées concurremment par le GAEC de Derrière le Crêt et M. A..., respectivement les 29 septembre et 28 décembre 2015, sont antérieures à cette entrée en vigueur et elles devaient donc être appréciées, dans le cadre des dispositions de l'article L. 331-3 du code rural et de la pêche maritime dans sa rédaction antérieure à la loi du 13 octobre 2014, au regard de l'ordre des priorités établi par le schéma directeur départemental des exploitations agricoles du Doubs. Il en résulte que le moyen tiré de la méconnaissance, par les arrêtés contestés, des dispositions du schéma directeur régional des exploitations agricoles de Franche-Comté du 23 décembre 2015 doit être écarté comme inopérant.

5. En deuxième lieu, il résulte des dispositions précitées de l'article L. 331-3 du code rural et de la pêche maritime que le préfet du Doubs était tenu, pour statuer sur les demandes d'autorisation qui étaient présentées devant lui, de respecter l'ordre des priorités établi par le schéma directeur départemental des structures agricoles. Or, aux termes de l'article 3.6.1 " Regroupements d'exploitations existantes " du schéma directeur départemental du Doubs du 14 mai 2003 : " Sous réserve de l'application des plafonds en matière de distance, les autorisations d'exploiter seront accordées systématiquement en cas de regroupement d'exploitations existantes sans agrandissement ni diminution du nombre de chefs d'exploitation ou d'actifs ".

6. Il ressort des pièces du dossier que le GAEC de Derrière le Crêt résulte de la transformation de l'EARL de Derrière le Crêt, dont l'unique associée et exploitante était Mme G..., à la suite de l'apport de sa propre exploitation individuelle par M. E..., devenu à son tour associé de la nouvelle structure. La demande d'autorisation présentée par le GAEC avait donc pour effet de permettre la réunion et l'exploitation des parcelles jusqu'alors exploitées séparément par l'EARL de Derrière le Crêt et M. E... et cette opération avait ainsi le caractère, non d'un agrandissement mais d'un regroupement d'exploitations existantes au sens des dispositions précitées de l'article 3.6.1. du schéma directeur départemental du Doubs. Elle bénéficiait ainsi de la priorité instituée par ces dispositions, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que M. E... aurait été proche de la retraite et avait déjà diminué son activité.

7. En troisième lieu, il résulte également de ce qui précède que contrairement à ce que soutient M. A..., dont la demande ne portait que sur un projet d'agrandissement de son exploitation, le préfet n'a pas commis d'erreur de droit en s'abstenant de comparer les demandes concurrentes dont il était saisi au regard des seuls critères secondaires définis à l'article 3.4. du schéma départemental.

8. En quatrième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à l'examen de la demande du GAEC de Derrière le Crêt au regard des plafonds de distance visés à l'article 3.2.1 du schéma départemental ni qu'en l'espèce ces plafonds auraient fait obstacle, s'agissant des parcelles objets de la demande, à l'application de la priorité donnée, par l'article 3.6.1, aux regroupements d'exploitations existantes.

9. En cinquième lieu, dès lors que la demande du GAEC de Derrière le Crêt bénéficiait, en application de l'article 3.6.1 du schéma départemental, d'une priorité sur celle du requérant, celui-ci ne saurait utilement se prévaloir des objectifs énoncés à l'article 1er de ce schéma.

10. En dernier lieu, si les statuts de l'EARL de Derrière le Crêt n'ont été modifiés que postérieurement au dépôt de la demande d'autorisation d'exploiter, il ressort des pièces du dossier que le projet de regroupement et de transformation de l'EARL en GAEC était en cours à la date de cette demande et que le GAEC de Derrière le Crêt a été agréé par un arrêté du préfet du 8 décembre 2015, soit antérieurement à l'autorisation d'exploiter contestée. Le moyen tiré de ce que l'auteur de la demande aurait été dépourvu d'existence juridique ne peut dès lors qu'être écarté.

11. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 3 février 2018.

Sur les frais liés à l'instance :

12. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... le versement au GAEC de Derrière le Crêt de la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées à ce titre par M. A... à l'encontre du GAEC de Derrière le Crêt, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : M. A... versera au GAEC de Derrière le Crêt la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A..., au GAEC de Derrière le Crêt et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

Copie en sera adressée pour information au préfet du Doubs.

2

N° 18NC01807


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18NC01807
Date de la décision : 08/04/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

03-03-03-01 Agriculture et forêts. Exploitations agricoles. Cumuls et contrôle des structures. Cumuls d'exploitations.


Composition du Tribunal
Président : M. KOLBERT
Rapporteur ?: M. Jean-François GOUJON-FISCHER
Rapporteur public ?: Mme KOHLER
Avocat(s) : DSC AVOCATS - SCP DUFAY SUISSA CORNELOUP WERTHE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-04-08;18nc01807 ?
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