La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/04/2020 | FRANCE | N°18NC01268

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 08 avril 2020, 18NC01268


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B..., assistée de son curateur, M. B..., a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner le centre hospitalier régional de Metz-Thionville ou, à titre subsidiaire, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à réparer les préjudices qu'elle a subis en raison de fautes commises lors de sa prise en charge au sein de cet établissement hospitalier.

La caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Marne a de

mandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner le centre hospitali...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B..., assistée de son curateur, M. B..., a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner le centre hospitalier régional de Metz-Thionville ou, à titre subsidiaire, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à réparer les préjudices qu'elle a subis en raison de fautes commises lors de sa prise en charge au sein de cet établissement hospitalier.

La caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Marne a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner le centre hospitalier régional de Metz-Thionville à lui verser la somme de 46 491,75 euros, correspondant aux débours de la caisse primaire d'assurance maladie des Vosges, ainsi que l'indemnité forfaitaire de gestion prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.

Par un jugement n° 1604149, 1605539 du 27 mars 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 avril 2018, et un mémoire complémentaire, enregistré le 20 mars 2019, Mme C... B..., assistée de Mme G... B..., sa curatrice, et représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 27 mars 2018 ;

2°) de condamner, à titre principal, le centre hospitalier régional de Metz-Thionville et, à titre subsidiaire, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à lui verser la somme de 858 551,60 euros ainsi qu'une rente mensuelle de 1 560 euros ;

3°) de condamner le centre hospitalier régional de Metz-Thionville et l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à lui verser une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la surveillance dont elle a fait l'objet n'a pas été adaptée à son état et à ses antécédents ; la prise en charge dont elle a fait l'objet n'a pas été conforme aux règles de l'art ;

- à titre subsidiaire, elle a été victime d'un accident médical intervenu à l'occasion d'un acte de diagnostic ;

- elle est fondée à obtenir la réparation de ses préjudices qui peuvent être indemnisés par l'allocation d'une somme 858 551, 60 euros et d'une rente mensuelle de 1 560 euros.

Par un mémoire, enregistré le 3 mai 2018, la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Marne, agissant pour le compte de la caisse primaire d'assurance maladie des Vosges et représentée par Me F..., demande au tribunal :

1°) de condamner le centre hospitalier régional de Metz-Thionville à lui verser la somme de 46 491,75 euros, assortie des intérêts et la capitalisation des intérêts ;

2°) de mettre à la charge du centre hospitalier régional de Metz-Thionville l'indemnité forfaitaire de gestion ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier régional de Metz-Thionville la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que la prise en charge dont Mme B... a fait l'objet au centre hospitalier régional de Metz-Thionville n'a pas été conforme aux règles de l'art.

Par un mémoire, enregistré le 27 juin 2018, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, représenté par Me E..., conclut au rejet des conclusions de la requête dirigées à son encontre.

Il fait valoir que les conditions prévues au II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique ne sont pas remplies.

Par un mémoire, enregistré le 24 septembre 2018, le centre hospitalier régional de Metz-Thionville, représenté par Me H..., conclut au rejet de la requête et des conclusions de la CPAM de la Haute-Marne.

Il fait valoir qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- les conclusions de Mme Seibt, rapporteur public,

- et les observations de Me I... pour le centre hospitalier régional de Metz-Thionville.

Considérant ce qui suit :

1. Le 13 novembre 2007, Mme C... B..., qui souffrait notamment de crises d'épilepsie, a été hospitalisée au centre hospitalier régional de Metz-Thionville pour la réalisation d'un électro-encéphalogramme (EEG) continu sur 24 heures avec privation de sommeil. Lors de cette hospitalisation, elle a été victime d'une crise d'épilepsie avec perte de conscience. Mme B..., qui a été retrouvée inconsciente dans son cabinet de toilette, a présenté après sa chute un traumatisme facial ainsi qu'un traumatisme du rachis cervical. Elle a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner le centre hospitalier régional de Metz-Thionville ou, à titre subsidiaire, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à réparer les préjudices qu'elle a subis du fait de cette chute. Assistée de sa curatrice, elle relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. (...) ".

3. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expertise réalisée dans le cadre de la procédure devant la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux (CRCI) de Lorraine et des réponses apportées par un des experts à certaines interrogations de la CRCI que l'EEG continu sur 24 heures avec privation de sommeil pratiqué lors de l'hospitalisation de Mme B... constitue un examen " banal " lors duquel le patient porte pendant 24 heures un boitier relié à des électrodes qui permet de réaliser un enregistrement en continu de l'activité électrique du cerveau. Il résulte par ailleurs de l'instruction que, par rapport à un tracé ponctuel, cette procédure permet d'augmenter les chances d'observer une anomalie épileptique, notamment en cas de doute sur l'existence d'une épilepsie authentique. L'expert note que les patients sont normalement autorisés à déambuler dans le périmètre de l'unité de soins et peuvent se rendre seuls au toilettes. Si l'expert relève que les patients considérés comme à haut risque de faire des crises dans le contexte de l'EEG bénéficient d'un enregistrement continu dans un lit et ne peuvent pas se lever, l'expert indique que Mme B... " ne présentait aucun critère justifiant cette mesure ". Contrairement à ce qu'a estimé la CRCI, il ne résulte pas de l'instruction que l'état de la patiente ou ses antécédents auraient justifié une surveillance particulière. Il résulte enfin des conclusions du rapport d'expertise que " la crise qui a occasionné la chute aurait pu survenir à n'importe quel moment, y compris avant l'hospitalisation " et que la prise en charge de Mme B... a été conforme aux règles de l'art. Dans ces conditions, l'existence d'une faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier régional de Metz-Thionville n'est pas établie.

4. En second lieu, aux termes du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. / Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret ".

5. S'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que la privation de sommeil peut augmenter la sensibilité à l'examen " dans la mesure où certaines épilepsies ont davantage de risques d'apparaitre dans ce contexte, soit sous forme uniquement électrique, soit sous la forme d'une crise clinique ", la survenue de telles crises présente une faible probabilité. Par ailleurs, il résulte des termes du rapport d'expertise qu'en l'espèce, la privation de sommeil n'avait pas entraîné des modifications du tracé de l'électroencéphalogramme et que la patiente avait dormi avant la survenue de la crise, ainsi qu'en attestent les fiches de suivi infirmier. Par suite, les préjudices dont Mme B... demande réparation ne peuvent être regardés comme étant directement imputables à l'électroencéphalographie réalisée.

6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... et la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Marne ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes. Leurs conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête présentée par Mme C... B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Marne sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Me A... pour Mme C... B... en application des dispositions de l'article 13 de l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020, au centre hospitalier régional de Metz-Thionville, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Marne.

2

N° 18NC01268


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NC01268
Date de la décision : 08/04/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation.


Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: Mme Guénaëlle HAUDIER
Rapporteur public ?: Mme SEIBT
Avocat(s) : SCP DELGENES VAUCOIS JUSTINE DELGENES

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-04-08;18nc01268 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award