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08/04/2020 | FRANCE | N°18NC01175

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 08 avril 2020, 18NC01175


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 18 mars 2016 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, d'une part, a annulé la décision de l'inspectrice du travail du 22 septembre 2015 et, d'autre part, a autorisé son licenciement.

Par un jugement n° 1602697 du 14 février 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, en

registrée le 10 avril 2018, et un mémoire complémentaire, enregistré le 21 novembre 2019, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 18 mars 2016 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, d'une part, a annulé la décision de l'inspectrice du travail du 22 septembre 2015 et, d'autre part, a autorisé son licenciement.

Par un jugement n° 1602697 du 14 février 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 avril 2018, et un mémoire complémentaire, enregistré le 21 novembre 2019, M. D... B..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 14 février 2018 ;

2°) d'annuler la décision du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social du 18 mars 2016 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les faits qui lui sont reprochés, commis en dehors de l'exécution de son contrat de travail, ne pouvaient pas motiver un licenciement pour motif disciplinaire ;

- la société n'avait invoqué aucun manquement à l'obligation de loyauté et de bonne foi dans sa demande d'autorisation de licenciement ;

- la société ne peut utilement se prévaloir d'un motif de licenciement qui ne figurait pas dans sa demande d'autorisation de licenciement ;

- les faits qui lui sont reprochés sont prescrits ;

- en tout état de cause, les faits qui lui sont reprochés ne constituent pas une faute d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement et n'ont causé aucun trouble à l'entreprise.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 novembre 2019, la ministre du travail conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir qu'elle s'en rapporte aux écritures produites en première instance.

Par un mémoire, enregistré le 3 janvier 2020, Me G..., liquidateur judiciaire de la société Cityveille, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce que les dépens et une somme de 2 000 euros soient mis à la charge de M. B... sur le fondement, respectivement, des articles R. 761-1 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens du requérant n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- l'accord national interprofessionnel du 10 février 1969 relatif à la sécurité de l'emploi ;

- l'accord national du 12 juin 1987 sur les problèmes généraux de l'emploi ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- les conclusions de Mme Seibt, rapporteur public,

- et les observations de Me F..., substituant Me A..., pour Me G..., liquidateur de la société Cityveille.

1. La société Cityveille a sollicité l'autorisation de licencier pour motif disciplinaire M. B..., qui occupait les fonctions d'agent de sécurité et de prévention au sein de la société et qui exerçait par ailleurs les mandats de délégué syndical, délégué du personnel et membre du comité d'entreprise. Il était reproché au salarié d'avoir " abusé de la confiance du comité d'entreprise " en se faisant rembourser, par ce dernier, des frais inexistants ou qui lui avaient déjà été payés, d'avoir soustrait une note de frais et d'avoir fourni de fausses notes de frais afin de dissimuler ces faits et, enfin, d'avoir " accusé la planificatrice d'un manquement de sa part afin d'ajouter en sa faveur des heures de délégation ". Par une décision du 22 septembre 2015, l'inspectrice du travail de la 8ème section de l'unité de contrôle n° 1 de l'unité territoriale du Bas-Rhin de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi du Grand Est a refusé d'autoriser ce licenciement. Saisi d'un recours hiérarchique formé par la société, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a, par une décision du 18 mars 2016, d'une part, annulé la décision de l'inspectrice du travail et, d'autre part, autorisé le licenciement de M. B.... Celui-ci relève appel du jugement du 14 février 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette dernière décision.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Lorsque le licenciement d'un salarié légalement investi de fonctions représentatives est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec son appartenance syndicale. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi. Un agissement du salarié intervenu en-dehors de l'exécution de son contrat de travail ne peut motiver un licenciement pour faute, sauf s'il traduit la méconnaissance par l'intéressé d'une obligation découlant de ce contrat.

3. En l'espèce, le ministre chargé du travail a considéré qu'il était établi que M. B..., qui occupait les fonctions de trésorier du comité d'entreprise, s'était fait rembourser deux fois par le comité d'entreprise ses frais de déplacement pour la période du 1er octobre au 31 décembre 2014 et avait tenté de dissimuler ce second remboursement en subtilisant une note de frais et en établissant une fausse note de frais. Le ministre a, par ailleurs, relevé qu'il était " apparu des anomalies dans les différentes notes de frais, notamment des déplacements syndicaux remboursés par la trésorerie du comité d'entreprise ou des frais remboursés sans aucune correspondance avec un bon de délégation ".

4. Ainsi que l'a relevé le ministre, ces faits ont été commis par le salarié dans l'exercice de ses mandats représentatifs, au détriment du comité d'entreprise. Contrairement à ce qu'a estimé le ministre, ils ne peuvent pas être regardés comme traduisant la méconnaissance par l'intéressé d'une obligation découlant de son contrat de travail et, notamment, des obligations de loyauté et de bonne foi qui seraient inhérentes à ce contrat. La méconnaissance de telles obligations n'avait au demeurant pas été invoquée par l'employeur à l'appui de sa demande d'autorisation de licenciement. Les griefs reprochés au salarié ne pouvant ainsi pas motiver un licenciement pour faute, le ministre chargé du travail a entaché la décision litigieuse d'une erreur de droit.

5. Il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur les frais d'instance :

6. La présente instance n'ayant pas donné lieu à des dépens, les conclusions de Me G..., en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Cityveille, tendant à ce que M. B... soit condamné aux dépens doivent, en tout état de cause, être rejetées.

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas la partie perdante en la présente instance, la somme demandée par Me G..., en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Cityveille, au titre des frais exposés par cette société et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1602697 du tribunal administratif de Strasbourg du 14 février 2018 et la décision du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social du 18 mars 2016 sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à M. B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions présentées par Me G..., en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Cityveille, au titre des articles R. 761-1 et L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Me C... pour M. D... B... et à Me A... pour Me G..., liquidateur de la société Cityveille, en application des dispositions de l'article 13 de l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 et à la ministre du travail.

2

N° 18NC01175


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NC01175
Date de la décision : 08/04/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Travail et emploi - Licenciements - Autorisation administrative - Salariés protégés - Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation - Licenciement pour faute.

Travail et emploi - Licenciements - Autorisation administrative - Salariés protégés - Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation - Motifs autres que la faute ou la situation économique - Comportement du salarié en dehors du travail.


Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: Mme Guénaëlle HAUDIER
Rapporteur public ?: Mme SEIBT
Avocat(s) : SCP DULMET - DÖRR

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-04-08;18nc01175 ?
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