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27/02/2020 | FRANCE | N°19NC02783

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 27 février 2020, 19NC02783


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les décisions du 19 juin 2019 par lesquelles le préfet du Bas-Rhin a décidé son transfert aux autorités italiennes et l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 1904716 du 4 juillet 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 6 septembre 2019, M. B..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugem

ent du 4 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ;

2°) d'an...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les décisions du 19 juin 2019 par lesquelles le préfet du Bas-Rhin a décidé son transfert aux autorités italiennes et l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 1904716 du 4 juillet 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 6 septembre 2019, M. B..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 4 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ;

2°) d'annuler ces deux arrêtés du 19 juin 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de réexaminer sa situation en vue du placement de sa demande d'asile en procédure normale ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

En ce qui concerne l'arrêté de transfert vers l'Italie :

- le jugement contesté est entaché d'une erreur de fait et d'une erreur d'appréciation dès lors qu'il bénéficie d'un traitement médicamenteux en France et qu'il est dans une situation de particulière vulnérabilité eu égard à ses problèmes de santé ; les conséquences pour sa santé d'un transfert vers l'Italie dans les conditions actuelles d'accueil des demandeurs d'asile dans ce pays seraient particulièrement graves ;

- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen approfondi de sa situation personnelle au regard des conditions d'accueil des demandeurs d'asile en Italie ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions des articles 3 et 17 du règlement n°604/2013 du 26 juin 2013 compte tenu de son état de santé et des graves défaillances systémiques constatées actuellement en Italie dans la prise en charge des personnes réadmises en situation de vulnérabilité ; le préfet n'a obtenu des autorités italiennes aucune garantie de sa prise en charge individuelle, préalablement à son transfert.

En ce qui concerne l'arrêté portant assignation à résidence :

- il est entaché d'une erreur matérielle concernant son pays de naissance ;

- il est irrégulier dès lors qu'il est fondé sur une décision de transfert elle-même illégale.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de prononcer un non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation de la décision de transfert, cette décision ne pouvant plus être légalement exécutée compte tenu de l'expiration du délai de transfert prévu à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

Par une réponse au moyen d'ordre public et un mémoire en défense, enregistrés les 14 et 17 janvier 2020, le préfet du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- l'arrêté de transfert est toujours susceptible d'être exécuté puisque M. B... est en fuite ;

- les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par une décision du 8 août 2019, le président du bureau d'aide juridictionnelle a accordé à M. B... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n°603/2013 du 26 juin 2013 ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant afghan, s'est présenté le 3 avril 2019 au guichet unique de la préfecture du Bas-Rhin en vue de demander l'asile. La consultation du fichier VIS a révélé que l'intéressé était en possession d'un visa périmé depuis moins de six mois délivré par les autorités italiennes au moment du dépôt de sa demande d'asile. Le 10 avril 2019, le préfet du Bas-Rhin a saisi les autorités italiennes d'une demande de prise en charge du requérant. Le 10 juin 2019, les autorités italiennes ont implicitement donné leur accord à cette mesure. En conséquence, le préfet du Bas-Rhin a, par deux arrêtés du 19 avril 2019, décidé le transfert de M. B... aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile et l'a assigné en résidence. Le requérant relève appel du jugement du 4 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux arrêtés.

En ce qui concerne la décision de transfert aux autorités italiennes :

2. En premier lieu, l'article 29 du règlement UE n° 604/213 du 26 juin 2013 ci-dessus visé dispose que : " 2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite ". Le préfet du Bas-Rhin soutient, sans être contesté, que M. B... se trouve en situation de fuite et justifie que ses services ont déclaré cette situation à l'Italie le 24 octobre 2019. Par suite, le préfet du Bas-Rhin est fondé à soutenir que l'exécution de son arrêté portant remise de M. B... est toujours possible, le délai de dix-huit mois prévu par les dispositions de l'article 29 du règlement du 26 juin 2013 n'étant pas expiré. Dès lors, la requête d'appel de M. B... n'est pas dépourvue d'objet et il y a lieu de statuer sur ses conclusions.

3. En deuxième lieu, l'arrêté attaqué comporte les considérations de droit et de fait qui constituent son fondement. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté comme manquant en fait.

4. En troisième lieu, il ne ressort pas des termes de la décision contestée ni des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen approfondi de la situation personnelle de M. B..., notamment au regard des conditions d'accueil des demandeurs d'asile en Italie. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.

5. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Les Etats membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul Etat membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable. Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un Etat membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier Etat membre auprès duquel la demande a été introduite, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable devient l'Etat membre responsable (...) ". Aux termes de l'article 17 du même règlement européen : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) ". Enfin aux termes de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'autorité administrative estime que l'examen d'une demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat qu'elle entend requérir, l'étranger bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la fin de la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet Etat. (...) Le présent article ne fait pas obstacle au droit souverain de l'Etat d'accorder l'asile à toute personne dont l'examen de la demande relève de la compétence d'un autre Etat ".

6. L'Italie étant membre de l'Union Européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il doit être présumé que le traitement réservé aux demandeurs d'asile dans cet Etat membre est conforme aux exigences de la convention de Genève ainsi qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cette présomption est toutefois réfragable lorsqu'il y a lieu de craindre qu'il existe des défaillances systémiques de la procédure d'asile et des conditions d'accueil des demandeurs d'asile dans l'Etat membre responsable, impliquant un traitement inhumain ou dégradant. Dans cette hypothèse, il appartient à l'administration d'apprécier dans chaque cas, au vu des pièces qui lui sont soumises et sous le contrôle du juge, si les conditions dans lesquelles un dossier particulier est traité par les autorités italiennes répondent à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile.

7. En l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment des éléments produits par M. B... que la situation générale en Italie ne permettait pas d'assurer, à la date à laquelle la décision en litige a été prise, un niveau de protection suffisant aux demandeurs d'asile ni que ce pays aurait exposé l'intéressé à un risque personnel de traitement inhumain ou dégradant. Le requérant soutient qu'étant dans une situation de particulière vulnérabilité en raison de son état de santé, les conséquences pour sa santé d'un transfert vers l'Italie, dans les conditions actuelles d'accueil des demandeurs d'asile dans ce pays, seraient particulièrement graves. Toutefois, si les documents relatifs à la situation des migrants en Italie, produits à l'instance par le requérant, consistant en des extraits des rapports établis en décembre 2018 par le Danish Refugee Council et l'Organisation Suisse d'aide aux réfugiés (OSAR) et en mai 2019 par l'OSAR, attestent la dégradation des conditions de prise en charge des demandeurs d'asile en Italie, ils ne permettent pas de considérer comme établie l'existence, à la date de la décision litigieuse, de défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile dans ce pays ou d'une incapacité structurelle d'examiner les demandes d'asile. De même, ils ne permettent pas de considérer que M. B..., dont les difficultés de santé sont certes établies par les certificats médicaux qu'il produit, ne pourrait pas bénéficier d'un traitement médical adapté en Italie, à l'instar de celui dont il bénéficie en France. Dans ces conditions, la circonstance que l'accord des autorités italiennes pour la prise en charge de l'intéressé soit intervenue implicitement, comme le prévoit expressément le 7° de l'article 22 du règlement n° 604/2013 susvisé, est sans incidence sur la légalité de la décision contestée. Par suite, les moyens tirés de ce que l'arrêté par lequel le préfet du Bas-Rhin a décidé la remise de M. B... aux autorités italiennes aurait été pris en méconnaissance des dispositions du 2 de l'article 3 et de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doivent être écartés. Pour les mêmes raisons, le préfet n'a pas commis d'erreur de fait ni d'erreur manifeste d'appréciation au regard de son état de santé.

En ce qui concerne la décision portant assignation à résidence :

8. En premier lieu, il ressort de ce qui vient d'être dit que M. B... n'établit pas que l'arrêté portant transfert aux autorités italiennes serait entaché d'illégalité. Par suite, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de l'arrêté de transfert soulevé à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision d'assignation à résidence doit être écarté.

9. En second lieu, si le requérant fait valoir que l'arrêté contesté indique, de manière erronée, qu'il est né en Ukraine et non pas en Afghanistan, cette erreur, pour regrettable qu'elle soit, est sans incidence sur sa légalité. Par suite, le moyen tiré d'une erreur matérielle doit être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande d'annulation des arrêtés du 19 juin 2019.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

11. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté attaqué, n'implique aucune mesure particulière d'exécution. Par suite, les conclusions susvisées ne peuvent être accueillies.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

12. Il résulte des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner la partie perdante à lui verser la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait pas eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit, en cas de condamnation, le recouvrement de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

13. L'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, ne saurait être condamné à verser à l'avocat de M. B... une somme en application de ces dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.

2

N° 19NC02783


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC02783
Date de la décision : 27/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Laurence STENGER
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : LE GUENNEC - SCHMITT

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-02-27;19nc02783 ?
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