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25/02/2020 | FRANCE | N°19NC01407

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 25 février 2020, 19NC01407


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 15 mars 2019 par lequel le préfet du Bas-Rhin a décidé son transfert aux autorités italiennes responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1902259 du 11 avril 2019, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a d'une part, annulé l'arrêté du 15 mars 2019, d'autre part, enjoint au préfet du Bas-Rhin de délivrer à Mme D... une attestation de demandeur d

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 15 mars 2019 par lequel le préfet du Bas-Rhin a décidé son transfert aux autorités italiennes responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1902259 du 11 avril 2019, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a d'une part, annulé l'arrêté du 15 mars 2019, d'autre part, enjoint au préfet du Bas-Rhin de délivrer à Mme D... une attestation de demandeur d'asile en procédure normale et un formulaire de demande d'asile dans un délai d'un mois à compter de la notification de ce jugement, en outre mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros à Me C... au tire des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et enfin, a rejeté le surplus des conclusions de Mme D....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 mai 2019, le préfet de la région Grand-Est, préfet du Bas-Rhin, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg du 11 avril 2019 ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme D... devant le tribunal administratif de Strasbourg.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'une erreur de droit sur l'application de l'article 17 du règlement UE n° 604 / 2013 du 26 juin 2017, qui lui laisse un large pouvoir d'appréciation ;

- Mme D... n'a pas fait part des éléments relatifs à sa situation en Italie et notamment de son intégration au sein d'un réseau de prostitution, alors que la légalité de sa décision s'apprécie à la date de son édiction ;

- Mme D... n'établit pas la réalité des faits allégués ;

- il n'est pas établi que sa sortie du réseau de prostitution ne pourrait pas être poursuivie en Italie, par des associations italiennes ;

- le jugement attaqué est entaché d'erreur de droit en ce qu'il lui enjoint de délivrer à Mme D... une attestation de demandeur d'asile en procédure normale, alors qu'il aurait dû lui enjoindre de réexaminer sa situation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 août 2019, Mme A... D..., représentée par Me C..., conclut à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à l'annulation de l'arrêté du 15 mars 2019 par lequel le préfet du Bas-Rhin a décidé son transfert aux autorités italiennes en vue de l'examen de sa demande d'asile et à ce qu'une somme de 1 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- elle a fait part de son souhait de ne pas être transférée vers l'Italie lors de l'entretien individuel ;

- les réseaux de prostitution de femmes nigérianes sont très bien organisés et ont des ramifications importantes notamment en Italie et en Espagne ;

- il n'est pas établi qu'une association telle que celle " Mouvement du Nid " qui l'accompagne en France pourra le faire en Italie ;

- les autres moyens soulevés par le préfet du Bas-Rhin ne sont pas fondés.

Par un mémoire, enregistré le 16 janvier 2020, le préfet du Bas-Rhin conclut, d'une part, à ce qu'il n'y a pas lieu de statuer sur l'article 1er du jugement du 11 avril 2019 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg qui annule l'arrêté du 15 mars 2019 portant transfert de Mme D... vers l'Italie et, d'autre part, à l'annulation de l'article 2 du jugement du 11 avril 2019 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg qui lui enjoint de délivrer à Mme D... une attestation de demande d'asile en procédure normale et un formulaire de demande d'asile dans un délai d'un mois à compter de la notification de ce jugement.

Il soutient que :

- le délai de transfert de six mois est expiré depuis le 15 septembre 2019 ;

- Mme D... a obtenu un rendez-vous auprès des services de la préfecture du Bas-Rhin en vue de faire enregistrer sa demande d'asile ;

- le jugement attaqué n'est pas suffisamment motivé en ce qui concerne l'injonction de délivrer à Mme D... une attestation de demandeur d'asile en procédure normale ;

- il méconnaît l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce qu'il lui enjoint de délivrer à Mme D... une attestation de demandeur d'asile en procédure normale, alors qu'il aurait dû lui enjoindre de réexaminer sa situation ;

- les dispositions spéciales de l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile font obstacle à ce que le juge fasse usage des pouvoirs généraux d'injonction prévus par les articles L. 911-1 et L. 911-2 du code de justice administrative.

Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 septembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme B..., présidente assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., ressortissante nigériane née le 25 avril 1995, est entrée en France le 13 février 2019 et a déposé une demande d'asile, le 19 février suivant. Par un arrêté du 15 mars 2019, le préfet du Bas-Rhin a décidé sa remise aux autorités italiennes responsables de l'examen de sa demande d'asile. Par un jugement du 11 avril 2019, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a, d'une part, annulé l'arrêté du 15 mars 2019, d'autre part, enjoint au préfet du Bas-Rhin de délivrer à Mme D... une attestation de demandeur d'asile en procédure normale et un formulaire de demande d'asile dans un délai d'un mois à compter de la notification de ce jugement, en outre mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros à Me C... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et, enfin, a rejeté le surplus des conclusions de Mme D.... Le préfet de la région Grand-Est, préfet du Bas-Rhin, relève appel de ce jugement.

Sur l'objet du litige :

2. Aux termes de l'article 29, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, le transfert du demandeur vers l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile doit s'effectuer " dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de la prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3 ". Aux termes du paragraphe 2 du même article : " Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant".

3. L'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date à laquelle le jugement du tribunal administratif statuant au principal sur cette demande, a été notifié à l'administration, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel, ni le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement précité, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale.

4. La requête de Mme D... devant le tribunal administratif de Strasbourg a interrompu le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Italie. Ce délai a recommencé à courir à compter de la notification au préfet du Bas-Rhin du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 11 avril 2019 et n'a pas été interrompu par l'appel du préfet devant la cour.

5. Le préfet du Bas-Rhin a informé la cour, par un mémoire enregistré le 16 janvier 2020, de ce que le délai de transfert de six mois était expiré et que la France était devenue responsable de l'examen de la demande d'asile de Mme D....

6. Par suite, les conclusions de la présente requête tendant à l'annulation du jugement du 11 avril 2019 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg en ce qu'il annule l'arrêté du 15 mars 2019 portant transfert de Mme D... aux autorités italiennes responsables de l'examen de sa demande d'asile sont privées d'objet. Il n'y a pas lieu d'y statuer.

Sur l'injonction :

7. Il résulte de l'instruction que, par un courrier du 15 juillet 2019, le préfet du Bas-Rhin a informé Mme D... qu'elle ne relevait plus de la procédure " Dublin " et l'a convoquée pour un rendez-vous aux services de la préfecture en vue du réexamen de sa situation. La demande d'asile de Mme D... a été enregistrée en procédure normale par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le 12 août 2019.

8. Par suite, les conclusions du préfet du Bas-Rhin tendant à l'annulation de l'injonction prononcée par l'article 2 du jugement attaqué sont également devenues sans objet. Il n'y a pas lieu d'y statuer.

Sur les frais liés à l'instance :

9. Mme D... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Cependant, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce de faire droit aux conclusions que présente Me C..., avocate de Mme D..., au titre de ces dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête du préfet du Bas-Rhin.

Article 2 : Les conclusions présentées par Mme D... au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme A... D....

Copie en sera adressée pour information au préfet de la région Grand-Est, préfet du Bas-Rhin.

2

N° 19NC01407


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC01407
Date de la décision : 25/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière - Légalité interne - Étrangers ne pouvant faire l`objet d`une OQTF ou d`une mesure de reconduite - Demandeurs d'asile.


Composition du Tribunal
Président : M. DEVILLERS
Rapporteur ?: Mme Christine GRENIER
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : SNOECKX

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-02-25;19nc01407 ?
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