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06/02/2020 | FRANCE | N°18NC02387

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 06 février 2020, 18NC02387


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 4 septembre 2018 et le 9 mai 2019, la société Mandeure Distribution, représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du maire de Valentigney du 10 juillet 2018 accordant à la SNC Lidl un permis de construire et une autorisation d'exploitation commerciale ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Valentigney la somme de 6 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le

projet d'exploitation commerciale méconnaît l'objectif d'aménagement du territoire en détour...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 4 septembre 2018 et le 9 mai 2019, la société Mandeure Distribution, représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du maire de Valentigney du 10 juillet 2018 accordant à la SNC Lidl un permis de construire et une autorisation d'exploitation commerciale ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Valentigney la somme de 6 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le projet d'exploitation commerciale méconnaît l'objectif d'aménagement du territoire en détournant le trafic de la commune ;

- son accessibilité en transports collectifs, par voie piétonne et cyclable n'est pas assurée dès lors que la plus grande part des déplacements s'effectuera en automobile, alors que l'arrêt de bus le plus proche se situe à quatre-cents mètres et que la route départementale forme un obstacle pour les cyclistes et piétons ;

- il présente un risque en matière environnementale et pour la protection des consommateurs, dès lors qu'il est implanté en zone bleue du plan de prévention du risque d'inondation du Doubs-Allan et qu'un canal est présent sous le terrain d'assiette.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 décembre 2018, la commune de Valentigney, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Mandeure Distribution en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le moyen tiré de l'effet du commerce sur la zone de chalandise est inopérant ;

- les autres moyens ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 janvier 2019, la SNC Lidl, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Mandeure Distribution en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable, faute pour la société Mandeure Distribution de justifier de la qualité pour agir de son représentant ;

- le moyen tiré de l'effet du commerce sur la zone de chalandise est inopérant ;

- les autres moyens ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce modifié notamment par la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Dietenhoeffer, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., substituant Me D... pour la société Mandeure Distribution et celles de Me E..., pour la SNC Lidl.

Considérant ce qui suit :

1. Le 19 décembre 2017, la SNC Lidl a déposé une demande de permis de construire un bâtiment à usage de vente et d'autorisation d'y exploiter une surface commerciale de 1 274 m² sur un terrain situé 1 rue de la Libération à Valentigney. Le 16 février 2018, la commission départementale d'aménagement commercial du Doubs a émis un avis favorable au projet. La Commission nationale d'aménagement commercial a rejeté, le 7 juin 2018, le recours présenté par la société Mandeure Distribution contre cet avis. Le 10 juillet 2018, la commune de Valentigney a alors délivré à la SNC Lidl un permis de construire tenant lieu d'autorisation d'exploitation commerciale au sens de l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme. Par la présente requête, la société Mandeure Distribution demande l'annulation de ce permis.

Sur la légalité du permis de construire :

2. Aux termes du I de l'article L. 752-17 du code de commerce, dans sa version applicable en l'espèce : " Conformément à l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme, le demandeur, le représentant de l'Etat dans le département, tout membre de la commission départementale d'aménagement commercial, tout professionnel dont l'activité, exercée dans les limites de la zone de chalandise définie pour chaque projet, est susceptible d'être affectée par le projet ou toute association les représentant peuvent, dans le délai d'un mois, introduire un recours devant la Commission nationale d'aménagement commercial contre l'avis de la commission départementale d'aménagement commercial. / La Commission nationale d'aménagement commercial émet un avis sur la conformité du projet aux critères énoncés à l'article L. 752-6 du présent code, qui se substitue à celui de la commission départementale. (...) ". En outre, aux termes de l'article L. 752-6 du même code, dans sa version applicable en l'espèce : " I.- (...) La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : / 1° En matière d'aménagement du territoire : / a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; / b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; / c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; / d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; / 2° En matière de développement durable : / a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; / b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; / c) Les nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer au détriment de son environnement proche. / Les a et b du présent 2° s'appliquent également aux bâtiments existants s'agissant des projets mentionnés au 2° de l'article L. 752-1 ; / 3° En matière de protection des consommateurs : / a) L'accessibilité, en termes, notamment, de proximité de l'offre par rapport aux lieux de vie ; / b) La contribution du projet à la revitalisation du tissu commercial, notamment par la modernisation des équipements commerciaux existants et la préservation des centres urbains ; / c) La variété de l'offre proposée par le projet, notamment par le développement de concepts novateurs et la valorisation de filières de production locales ; / d) Les risques naturels, miniers et autres auxquels peut être exposé le site d'implantation du projet, ainsi que les mesures propres à assurer la sécurité des consommateurs. / II.-A titre accessoire, la commission peut prendre en considération la contribution du projet en matière sociale. ".

3. Il résulte de ces dispositions que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi. Il appartient dès lors aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce. En outre, depuis l'entrée en vigueur de la loi du 4 août 2008, la densité d'équipement commercial de la zone de chalandise concernée ne figure plus au nombre de ces critères.

En ce qui concerne l'aménagement du territoire :

4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le projet contesté est situé à proximité du centre de la commune de Valentigney, qui peut être rejoint directement par un pont enjambant le Doubs. Par ailleurs, ce projet permettra la résorption d'une friche industrielle existante et contribuera ainsi à la densification de l'espace urbain. Dans ces conditions, alors qu'il ressort notamment du constat d'huissier et de l'étude de vacance commerciale produits au dossier que le centre-bourg connaît déjà une vacance commerciale élevée, les seules allégations de la société requérante selon lesquelles l'implantation du commerce en cause détournerait le trafic ou limiterait l'attractivité du centre de la commune ne suffisent pas à remettre en cause les effets positifs attendus de la réalisation du projet sur l'animation de la vie urbaine.

5. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que le projet contesté est desservi directement par une piste cyclable longeant la route départementale 437 ainsi que par un cheminement piétonnier sécurisé qui rejoint le centre-bourg par le pont sur le Doubs, sans qu'aucun des deux ne traverse la route départementale. Le constat d'huissier produit par la SNC Lidl permet également de vérifier que le centre de la commune de Valentigney est accessible à pied en six minutes. En outre, selon le dossier de demande d'autorisation, un arrêt de bus desservi par deux lignes, présentant un cadencement minimum de quinze minutes et une amplitude horaire supérieure à quinze heures par jour, se trouve à quatre cents mètres du projet. Il n'est, enfin, pas contesté que le réseau routier ne sera pas saturé par l'affluence de véhicules à destination du commerce en cause, lequel ne provoquera pas de flux de transport supplémentaire. Par suite, nonobstant la desserte imparfaite en transports en commun et la circonstance que la clientèle empruntera, pour sa plus grande part, un véhicule individuel, l'effet limité du projet sur les flux de transport ne saurait justifier un refus d'autorisation.

En ce qui concerne le développement durable et la protection des consommateurs :

6. Il ressort des pièces du dossier que, pour tenir compte du risque d'inondation, le projet a prévu une implantation du bâtiment au niveau NGF 326,61 mètres, dont il n'est pas contesté qu'il est supérieur à celui de la crue centennale, ainsi qu'un retrait de dix mètres par rapport aux berges du Doubs, la réduction de la surface imperméable par la réalisation d'une part importante des places de stationnement en sol stabilisé perméable et enfin la construction d'un déversoir de crue. A cet égard, les photographies du site prises alors que le niveau de la rivière était élevé, mais sans excéder celui du quai, n'établissent pas l'existence d'un risque particulier d'inondation du terrain d'assiette. Enfin, si la requérante rappelle la présence, sous ce terrain, d'un canal souterrain qui communique avec la rivière, elle n'allègue aucun risque spécifique à ce titre, alors que la SNC Lidl indique, sans être sérieusement contestée, avoir tenu compte de cette circonstance dans l'étude géotechnique fournie devant la Commission nationale d'aménagement commercial.

7. Par suite, la seule circonstance que le projet est implanté en zone " bleu clair " du plan de prévention du risque d'inondation du Doubs-Allan, lequel comporte par ailleurs deux niveaux de risques plus élevés, ne suffit pas à établir un risque d'atteinte aux intérêts protégés par les dispositions précitées en ce qui concerne le développement durable, d'une part, et la protection des consommateurs, d'autre part.

8. Il résulte de ce qui précède que la société Mandeure Distribution n'est pas fondée à demander l'annulation du permis de construire valant autorisation d'exploitation délivré le 10 juillet 2018 à la SNC Lidl. Par suite, sa requête doit être rejetée, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par la SNC Lidl.

Sur les frais liés à l'instance :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Valentigney, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société Mandeure Distribution demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Mandeure Distribution le versement à la commune de Valentigney et à la SNC Lidl d'une somme de 1 500 euros chacune sur le fondement des mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Mandeure Distribution est rejetée.

Article 2 : La société Mandeure Distribution versera à la SNC Lidl une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La société Mandeure Distribution versera à la commune de Valentigney une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Mandeure Distribution, à la commune de Valentigney, à la SNC Lidl et à la Commission nationale d'aménagement commercial.

N° 18NC02387 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18NC02387
Date de la décision : 06/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

14-02-01-05 Commerce, industrie, intervention économique de la puissance publique. Réglementation des activités économiques. Activités soumises à réglementation. Aménagement commercial.


Composition du Tribunal
Président : M. KOLBERT
Rapporteur ?: M. Jérôme DIETENHOEFFER
Rapporteur public ?: Mme KOHLER
Avocat(s) : LESAGE ORAIN PAGE VARIN CAMUS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-02-06;18nc02387 ?
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