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04/02/2020 | FRANCE | N°19NC02691

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 04 février 2020, 19NC02691


Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

Mme B... C... et M. D... C... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 19 juillet 2019 par lesquels le préfet de la Moselle a refusé de de renouveler leurs attestations de demandeur d'asile, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de leur éventuelle reconduite d'office à la frontière, a prononcé à leur encontre une interdiction de retour d'un an et les a assignés à résidence.

Par un jugement n°1906034 et 1906035 du 16 août 2019, le magistrat désigné par le pr...

Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

Mme B... C... et M. D... C... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 19 juillet 2019 par lesquels le préfet de la Moselle a refusé de de renouveler leurs attestations de demandeur d'asile, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de leur éventuelle reconduite d'office à la frontière, a prononcé à leur encontre une interdiction de retour d'un an et les a assignés à résidence.

Par un jugement n°1906034 et 1906035 du 16 août 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a annulé les décisions du 19 juillet 2019 portant interdiction de retour sur le territoire français pendant un an et a rejeté le surplus des conclusions des requêtes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 août 2019, le préfet de la Moselle demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1906034 et 1906035 du tribunal administratif de Strasbourg du 16 août 2019 en tant qu'il annule les décisions du 19 juillet 2019 par lesquelles il a prononcé à l'encontre de M. et de Mme C... une interdiction de retour sur le territoire français d'un an ;

2°) de rejeter les demandes de M. et de Mme C... dirigées contre les décisions du 19 juillet 2019 portant interdiction de retour sur le territoire pendant un an ;

Il soutient que :

- c'est à tort que le magistrat désigné du tribunal administratif de Strasbourg a annulé les décisions en litige ;

- il n'a pas commis d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation, ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en prononçant à l'encontre de M. et de Mme C... une interdiction de retour sur le territoire français d'un an.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 octobre 2019, M. et Mme C..., représentés par Me A..., concluent au rejet de la requête.

Ils soutiennent que :

- le préfet de la Moselle ne pouvait légalement leur accorder un délai de départ volontaire et prononcer à leur encontre une interdiction de retour d'un an ;

- les décisions en litige méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elles sont entachées d'une erreur d'appréciation.

M. et Mme C... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du 17 décembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Meisse, premier conseiller a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit ;

1. M. D... C... et Mme B... C... sont des ressortissants albanais, nés respectivement le 19 mai 1995 et 13 novembre 1996. Ils ont déclaré être entrés irrégulièrement en France le 18 septembre 2018. Examinées selon la procédure prioritaire, leurs demandes d'asile ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 12 juin 2019. Les intéressés ne bénéficiant plus du droit de se maintenir sur le territoire français, conformément aux dispositions du 7° de l'article L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Moselle, par deux arrêtés du 19 juillet 2019, a refusé de renouveler les attestations de demandeur d'asile de M. et de Mme C..., leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de leur éventuelle reconduite d'office à la frontière, a prononcé à leur encontre une interdiction de retour d'un an et les a assignés à résidence dans le département de la Moselle pour une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois. Par deux requêtes, enregistrées le 8 août 2019, les requérants ont saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à l'annulation des arrêtés du 19 juillet 2019. Le préfet de la Moselle relève appel du jugement n°1906034 et 1906035 du tribunal administratif de Strasbourg du 16 août 2019 en tant qu'il annule les décisions du 19 juillet 2019 par lesquelles le préfet de la Moselle a prononcé à l'encontre de M. et de Mme C... une interdiction de retour sur le territoire français d'un an.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la légalité des décisions portant interdiction de retour sur le territoire français d'un an :

2. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (...) / Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. / (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. ".

3. Pour justifier l'adoption d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an à l'encontre des requérants, le préfet de la Moselle s'est fondé sur la circonstance que M. et Mme C..., qui sont entrés en France le 18 septembre 2018, ne justifiaient pas de liens stables et intenses avec la France. Dans ces conditions, et alors même que les intéressés ne représentent pas une menace pour l'ordre public et ne se sont pas soustraits à de précédentes mesures d'éloignement, le préfet, qui a pris soin d'examiner si des circonstances humanitaires pouvaient faire obstacle au prononcé d'une telle mesure, n'a pas commis d'erreur d'appréciation. Par suite, le préfet de la Moselle est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a retenu ce moyen pour annuler les décisions en litige.

4. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par le requérant devant le tribunal et la cour à l'encontre des décisions en litige.

5. En premier lieu, ainsi qu'il a été dit, le préfet de la Moselle, pour justifier le prononcé à l'encontre des intéressés d'une interdiction de retour sur le territoire français d'un an, a retenu que, si M. et Mme C... ne présentent pas une menace pour l'ordre public et n'ont jamais fait l'objet d'une mesure d'éloignement, ils étaient entrés sur le territoire français le 18 septembre 2018 et ne justifiaient pas de liens intenses et stables avec la France. Par suite, le préfet a suffisamment motivé ses décisions au regard des critères énoncés au III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

6. En deuxième lieu, contrairement aux allégations de M. et de Mme C..., il ressort des motifs des décisions en litige que le préfet de la Moselle a examiné si des circonstances humanitaires pouvaient faire obstacle au prononcé d'une mesure d'éloignement. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen particulier de leur situation ne peut être accueilli.

7. En troisième lieu, contrairement à ce que soutiennent M. et Mme C..., la circonstance qu'un délai de départ volontaire a été accordé à un étranger ne fait pas obstacle à ce que le préfet prononce à son endroit une interdiction de retour d'une durée maximale de deux ans. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.

8. En quatrième lieu et dernier lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

9. Il ressort des pièces du dossier que M. et Mme C... ne sont présents sur le territoire français que depuis le 18 septembre 2018. Ils n'y justifient d'aucune attache familiale ou même personnelle et n'établissent pas être isolés dans leur pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Moselle est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé ses décisions prononçant à l'encontre de M. et de Mme C... une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1906034 et 1906035 du 16 août 2019 est annulé.

Article 2 : Les demandes de première instance de M. et de Mme C... dirigées contre les décisions du 19 juillet 2019 portant interdiction de retour sur le territoire pendant un an sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C..., à Mme B... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.

N° 19NC02691 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC02691
Date de la décision : 04/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: Mme SEIBT
Avocat(s) : GRÜN

Origine de la décision
Date de l'import : 10/03/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-02-04;19nc02691 ?
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