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30/01/2020 | FRANCE | N°18NC02401

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 30 janvier 2020, 18NC02401


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Linotte et Tournemeule a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er octobre 2013 au 30 septembre 2014 à la suite d'une vérification de comptabilité.

Par un jugement n° 1701125 du 5 juillet 2018, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté cette dem

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Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 septembre 2018, ainsi ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Linotte et Tournemeule a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er octobre 2013 au 30 septembre 2014 à la suite d'une vérification de comptabilité.

Par un jugement n° 1701125 du 5 juillet 2018, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 septembre 2018, ainsi qu'un mémoire complémentaire enregistré le 12 avril 2019, la SARL Linotte et Tournemeule demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des impositions contestées.

Elle soutient que :

- les prestations réalisées pour le compte de la société Bongarzone n'ayant pas été facturées par elle, il ne saurait y avoir de taxe sur la valeur ajoutée due sur ces prestations qui n'ont pas été encaissées, conformément aux dispositions de l'article 269 du code général des impôts applicables aux prestations de services ;

- c'est à tort que l'administration et le tribunal administratif ont estimé que les sommes inscrites au compte courant d'associé de la société Bongarzone étaient en lien avec ces travaux et en constituaient le paiement alors que ces sommes ont été inscrites au titre de la convention de trésorerie conclue par les deux sociétés et sont sans rapport avec les travaux litigieux ;

- l'administration n'a aucun pouvoir de procéder à une compensation, laquelle ne se présume pas et relève du choix de gestion du créancier, dès lors qu'il n'existait pas de créances fongibles, certaines, liquides et exigibles en l'absence de facturation de ces travaux, laquelle relève également de son choix de gestion.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 mars 2019 le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société SARL Linotte et Tournemeule ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les conclusions de Mme Peton, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Linotte et Tournemeule réalise l'essentiel de son chiffre d'affaires en exécutant à titre de sous-traitant pour le compte de la société Bongarzone, dont elle est la filiale à 100 %, des travaux de terrassements, voiries et réseaux divers. A la suite d'une vérification de comptabilité ayant concerné la période du 1er septembre 2011 au 31 mars 2015, l'administration fiscale a entendu rappeler la taxe sur la valeur ajoutée afférente à des travaux réalisés par la société Linotte et Tournemeule pour le compte de la société Bongarzone mais non encore facturés. La SARL Linotte et Tournemeule a contesté les droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée ainsi que les pénalités pour manquement délibéré qui lui ont été assignés à la suite de ce contrôle fiscal, devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, qui a rejeté sa demande par le jugement attaqué du 5 juillet 2018, dont elle relève appel.

Sur le bien-fondé des impositions :

2. Aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " IV. 1° les travaux immobiliers (...) sont considérés comme des prestations de services ". Aux termes de l'article 269 du même code : "1 Le fait générateur de la taxe se produit : / a) Au moment où la livraison, l'acquisition intracommunautaire du bien ou la prestation de services est effectué/(...) 2. La taxe est exigible :/ (...) c) Pour les prestations de services (...) lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération ". L'article 289 du même code dispose que : "3. La facture est, en principe, émise dès la réalisation de la livraison ou de la prestation de services. / Elle peut être établie de manière périodique pour plusieurs livraisons de biens ou prestations de services distinctes réalisées au profit d'un même acquéreur ou preneur pour lesquelles la taxe devient exigible au cours d'un même mois civil. Cette facture est établie au plus tard à la fin de ce même mois ".

3. Il n'est pas contesté que la société requérante réalise pour le compte de la société Bongarzone des travaux immobiliers qu'elle ne facture que très postérieurement à la réalisation de la prestation. A cet égard, le service a constaté qu'au titre de la période du 1er octobre 2013 au 30 septembre 2014 la société requérante avait réalisé pour le compte de son donneur d'ordre des travaux d'une valeur hors taxes de 1 148 512 euros demeurant dans le compte 418100 " factures à établir ". Le service a également constaté que le compte client 411000 Bongarzone présentait au 30 septembre 2014 un solde débiteur de 480 000 euros. Constatant également que la société Bongarzone avait versé sur son compte courant ouvert dans les écritures de la société requérante d'importantes sommes, aboutissant à un solde créditeur de ce compte de 1 287 906,46 euros au 30 septembre 2014, le service en a déduit que les prestations réalisées par la société Linotte et Tournemeule avaient été réglées au moyen de ce compte courant d'associé.

4. Si la société requérante soutient que les sommes inscrites au crédit du compte courant d'associé de la société Bongarzone correspondent à des avances de trésorerie conformément aux stipulations de la convention de trésorerie liant les deux sociétés, il résulte de l'instruction, et notamment des éléments retracés dans la proposition de rectification, que les sommes inscrites au crédit de ce compte correspondent pour leur plus grande part à des règlements de prestations et non pas à des avances de trésorerie. Il ressort par ailleurs de la convention de trésorerie signée entre les deux sociétés qu'aucun plafond de découvert n'a été stipulé entre elles et aucune modalité de remboursement des avances n'a non plus été prévue. Si la société soutient également avoir entendu suspendre la facturation de ces prestations en vue d'accorder la remise des créances qu'elle détient à l'égard de la société Bongarzone, une telle circonstance n'est pas établie et ne résulte pas davantage de l'instruction. Dans ces conditions, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que ces versements en compte courant seraient sans rapport avec les prestations de travaux qu'elle a réalisées au profit de sa société mère. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a considéré que le règlement des prestations de service réalisées par la société requérante, en dépit de ce qu'elles n'avaient pas encore été facturées, avaient été réglées par la société Bongarzone au moyen de son compte courant.

5. En se bornant à constater, à partir des écritures comptables, que les versements en compte courant étaient venus régler les prestations de services réalisées par la société requérante, l'administration n'a elle-même effectué aucune " compensation ", ni non plus considéré que ces paiements avaient été effectués par compensation au sens des dispositions des articles 1347 et suivants du code civil, dès lors qu'il n'est fait état d'aucune dette de la société Linotte et Tournemeule envers la société Bongarzone. Ces simples constats n'ont pas davantage eu pour objet ou pour effet de permette au service de se prononcer sur l'opportunité des choix arrêtés par la société requérante pour sa gestion. Par suite, les moyens invoqués de ce chef par la société requérante, tirés de ce que les conditions de la compensation légale n'étaient pas réunies ou encore de ce que l'administration se serait immiscée dans la gestion de son entreprise, ne peuvent qu'être écartés comme inopérants.

6. La société Linotte et Tournemeule, à qui il incombait d'établir des factures régulières dans les conditions et les délais prévus à l'article 289 du code général des impôts, ne saurait utilement soutenir, compte tenu des règles ci-dessus rappelées, que l'administration, en imposant ces encaissements, effectuerait une double taxation, d'une part des prestations qu'elle a effectuées, d'autre part, des prestations facturées par la société Bongarzone à ses propres clients, sans que cette dernière puisse déduire la taxe d'amont supportée sur les prestations de la société requérante en l'absence de factures. L'administration, qui s'est limitée à constater l'encaissement des travaux litigieux rendant exigible la taxe sur la valeur ajoutée due sur ces prestations, n'a ainsi méconnu aucun des principes généraux en matière de taxe sur la valeur ajoutée découlant de la directive ci-dessus visée du 28 novembre 2006.

Sur les pénalités :

7. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de :/a. 40 % en cas de manquement délibéré ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration ". Il résulte de ces dispositions que la majoration pour manquement délibéré a pour seul objet de sanctionner la méconnaissance par le contribuable de ses obligations déclaratives. Pour établir le caractère délibéré du manquement reproché au contribuable, l'administration doit apporter la preuve, d'une part, de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations et, d'autre part, de l'intention de l'intéressé d'éluder l'impôt.

8. Il résulte des éléments ci-dessus retracés, sur lesquels s'est fondé le vérificateur, que la société Linotte et Tournemeule, qui disposait d'un délai maximum d'un mois pour le faire, a délibérément retardé, jusqu'à un an et demi après la réalisation des travaux, l'établissement des factures de ses prestations, tout en dissimulant l'encaissement de ces recettes dans le compte courant d'associé de son client, dans le but d'éluder le paiement de la taxe sur la valeur ajoutée, ce qui l'a placée dans une situation de crédit permanent de taxe. Par ces motifs, l'administration a apporté la preuve de l'existence du manquement délibéré.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Linotte et Tournemeule n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL Linotte et Tournemeule est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Linotte et Tournemeule et au ministre de l'action et des comptes publics.

2

N° 18NC02401


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NC02401
Date de la décision : 30/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

19-06-02 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Marc AGNEL
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : LABRUNIE ET RIVAULT

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-01-30;18nc02401 ?
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