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16/01/2020 | FRANCE | N°18NC02213

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 16 janvier 2020, 18NC02213


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, d'une part, d'annuler la décision par laquelle le directeur général des finances publiques a implicitement refusé de lui reconnaître le bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire à compter du 1er juin 2000, et, d'autre part, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 17 250 euros au titre du préjudice financier résultant de l'absence de versement de la nouvelle bonification indiciaire pour la période du 1er juin 2000 au 3

0 novembre 2015, assortie des intérêts légaux à compter du 28 décembre 2015 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, d'une part, d'annuler la décision par laquelle le directeur général des finances publiques a implicitement refusé de lui reconnaître le bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire à compter du 1er juin 2000, et, d'autre part, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 17 250 euros au titre du préjudice financier résultant de l'absence de versement de la nouvelle bonification indiciaire pour la période du 1er juin 2000 au 30 novembre 2015, assortie des intérêts légaux à compter du 28 décembre 2015 avec capitalisation annuelle de ceux-ci, ainsi que la somme de 26 700 euros au titre du préjudice moral et professionnel résultant des troubles dans ses conditions d'existence et de l'atteinte à la dignité de ses fonctions.

Par un jugement n° 1602650 du 5 juin 2018, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a condamné l'Etat à verser à M. C... une indemnité correspondant au montant de la nouvelle bonification indiciaire de vingt points majorés qu'il aurait dû percevoir mensuellement depuis le 1er janvier 2010 jusqu'à la date du jugement, renvoyé M. C... devant le ministre de l'action et des comptes publics pour qu'il soit procédé à la liquidation de cette indemnité, assortie des intérêts légaux à compter du 28 décembre 2015 et de la capitalisation des intérêts, et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée sous le n°18NC02213 le 7 août 2018, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 5 juin 2018 en tant qu'il a prononcé la condamnation de l'Etat.

Il soutient que :

- les créances antérieures au 1er janvier 2011 sont prescrites ;

- les personnels de catégorie B et C de la sphère informatique sont exclus du dispositif de la nouvelle bonification indiciaire du décret n° 2014-826 du 21 juillet 2014 qui a modifié le décret n° 91-1060 du 14 octobre 1991;

- s'agissant de la période antérieure à cette modification, M. C... n'établit pas qu'il effectuait de fréquents déplacements dans le cadre de ses fonctions et qu'il remplissait ainsi les conditions pour se voir attribuer la nouvelle bonification indiciaire.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 octobre 2018, M. A... C..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) de rejeter l'appel du ministre ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 27 800 euros au titre du préjudice moral et professionnel résultant des troubles dans ses conditions d'existence et de l'atteinte à la dignité de ses fonctions ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par le ministre ne sont pas fondés ;

- le refus abusif de lui appliquer les textes statutaires lui a occasionné un préjudice moral et professionnel dont il est en droit d'obtenir réparation.

Par ordonnance du 9 septembre 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 30 septembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- la loi n°68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le décret n°91-1060 du 14 octobre 1991 ;

- l'arrêté du 14 octobre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Favret, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public.

M. C... a présenté une note en délibéré enregistrée le 12 décembre 2019.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., contrôleur principal des finances publiques, a été affecté à la trésorerie générale de l'Aube à compter du 1er juin 2000, en qualité de pupitreur assistant utilisateur. Puis, il a été affecté à la direction interrégionale des services informatiques de Paris Champagne, sur les mêmes fonctions, à compter du 1er septembre 2012. Par un courrier du 28 décembre 2015, il a demandé au directeur général des finances publiques le bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire au titre des fonctions qu'il exerce depuis le 1er juin 2000, ainsi que la réparation des préjudices qu'il estime avoir subis. Ces demandes ayant été implicitement rejetées, M. C... en a saisi le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne qui, par un jugement du 5 juin 2018, a condamné l'Etat à verser à M. C..., avec intérêts et capitalisation, une indemnité correspondant au montant de la nouvelle bonification indiciaire de vingt points majorés qu'il aurait dû percevoir mensuellement depuis le 1er janvier 2010 jusqu'à la date du jugement, a renvoyé M. C... devant le ministre de l'action et des comptes publics pour qu'il soit procédé à la liquidation de cette indemnité, et rejeté le surplus de ses conclusions. Le ministre de l'action et des comptes publics fait appel de ce jugement et M. C... présente également, par la voie de l'appel incident, des conclusions indemnitaires.

Sur l'appel du ministre :

En ce qui concerne l'exception de prescription quadriennale :

2. Aux termes de l'article 1er de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 : " Sont prescrites, au profit de (...), toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis ". L'article 2 de la même loi dispose que : " la prescription est interrompue par toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance (...), tout recours formé devant une juridiction relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance (...) " et " qu'un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption. Toutefois, si l'interruption résulte d'un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée ".

3. Aux termes de l'article 20 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, dans sa rédaction alors en vigueur : " Les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant le traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire. Les indemnités peuvent tenir compte des fonctions et des résultats professionnels des agents ainsi que de la performance collective des services.

4. Lorsqu'un litige oppose un agent public à son administration sur le montant des rémunérations auxquelles il a droit, le fait générateur de la créance se trouve dans les services accomplis par l'intéressé. Il en résulte que la prescription est acquise au début de la quatrième année suivant chacune de celles au titre desquelles ses services auraient dû être rémunérés. Il en résulte que si M. C... prétendait au versement de la nouvelle bonification indiciaire depuis sa nomination aux fonctions de pupitreur assistant utilisateur à compter du 1er juin 2000, sa réclamation devait, pour interrompre valablement la prescription quadriennale au titre de chacune de ses années de services, être formulée avant le 1er janvier de la quatrième année suivante. Ainsi, à la date de réception par l'administration, le 28 décembre 2015, de la première demande de versement présentée par M. C..., les créances relatives au versement de la nouvelle bonification indiciaire correspondant aux années 2000 à 2010 incluses, étaient prescrites.

5. Il résulte de ce qui précède que le ministre appelant est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a estimé que la créance correspondant à l'année 2010 n'était pas prescrite.

En ce qui concerne le droit au versement de la nouvelle bonification indiciaire :

6. Aux termes de l'article 1er du décret 91-1060 du 14 octobre 1991 : " Une nouvelle bonification indiciaire, prise en compte et soumise à cotisation pour le calcul de la pension de retraite, peut être versée mensuellement, dans la limite des crédits disponibles, aux fonctionnaires titulaires qui exercent au ministère de l'économie, des finances et du budget, à la Cour des comptes et dans les chambres régionales des comptes des fonctions répondant aux conditions prévues par les tableaux I à XI annexés au présent décret. " Aux termes de l'article 2 du même décret : " Pour chacune des fonctions définies au précédent article, le montant en points majorés de la nouvelle bonification indiciaire, sa date d'effet et le nombre des emplois bénéficiaires sont fixés par arrêté conjoint du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, du ministre d'Etat, ministre de la fonction publique et de la modernisation de l'administration, et du ministre délégué au budget. ".

7. D'une part, le tableau IV annexé au décret du 14 octobre 1991, qui définit les emplois justifiant de l'obtention de la nouvelle bonification indiciaire dans les services déconcentrés du Trésor, prévoit, dans sa version en vigueur du 26 octobre 1997 au 30 juin 2014, en son point 12, l'attribution de cette indemnité aux agents exerçant des " fonctions itinérantes de support et d'assistance des utilisateurs dans le domaine de la micro-informatique et de la bureautique ". Le tableau IV de l'arrêté du 14 octobre 1991 pris pour l'application de ce décret, dans sa version en vigueur sur la même période, prévoit que la nouvelle bonification indiciaire est accordée au titre des fonctions précitées aux agents occupant un emploi administratif du niveau de la catégorie B ou C, à hauteur de vingt points majorés.

8. D'autre part, il ressort du point 1 du tableau IV annexé au décret du 14 octobre 1991 et du tableau IV de l'arrêté précité du 14 octobre 1991, dans leur version en vigueur à compter du 1er juillet 2014, que la nouvelle bonification indiciaire est attribuée dans les services déconcentrés de la direction générale des finances publiques, notamment aux agents exerçant des fonctions polyvalentes de renfort incluant de fréquents déplacements géographiques, sur un emploi administratif de catégorie B ou C.

9. Enfin, l'article 5 du décret n° 2010-982 du 26 août 2010 portant statut particulier du corps des contrôleurs des finances publiques prévoit, en son 4°, qu'ils peuvent notamment réaliser des missions de support informatique.

S'agissant de la période du 1er janvier 2011 au 30 juin 2014 :

10. Il résulte de l'instruction que M. C... a toujours exercé des fonctions de pupitreur assistant utilisateur, d'abord en tant que contrôleur des finances publiques, puis en tant que contrôleur principal, qui constituent deux grades d'emploi de la filière administrative, relevant de la catégorie B et qu'il était notamment chargé de l'assistance aux utilisateurs d'outils de micro-informatique et de bureautique, en particulier pour l'installation de nouveaux matériels et logiciels, mais aussi, sur site, des dépannages téléphoniques, de la gestion de réseaux et de la participation aux formations bureautiques.

11. En se bornant à produire, au demeurant pour les seules périodes du 16 au 30 avril 1998, du 1er octobre au 15 octobre 1999, du 16 décembre au 31 décembre 1999 et du 16 au 30 avril 2001, des justificatifs de remboursement de frais qu'il présente comme des frais de déplacement, ainsi que des relevés de compte correspondant à la période s'étendant de janvier 2009 à décembre 2014, sur lesquels figurent notamment des dépenses d'autoroute et de repas, M. C... n'établit pas que ses fonctions étaient itinérantes ou qu'elles comportaient de fréquents déplacements, alors en outre que les justificatifs qu'il produit ne permettent pas de vérifier qu'ils correspondaient à des déplacements effectués dans le cadre de ses missions d'assistance aux utilisateurs d'outils de micro-informatique et de bureautique.

12. Il ne pouvait, par suite, être regardé comme ayant exercé durant cette période, des fonctions ouvrant droit à la nouvelle bonification indiciaire au titre du 12° du tableau IV annexé au décret du 14 octobre 1991, alors en vigueur, à hauteur de vingt points majorés.

S'agissant de la période postérieure au 30 juin 2014 :

13. M. C... ayant continué d'exercer, après le 30 juin 2014, les mêmes fonctions de pupitreur assistant utilisateur qui n'ont pas de caractère administratif et ne destinent pas leur titulaire à la polyvalence, il ne pouvait pas davantage être regardé comme entrant dans la catégorie des agents exerçant des fonctions polyvalentes de renfort incluant de fréquents déplacements géographiques, sur un emploi administratif de catégorie B, ni, par suite, bénéficier de la nouvelle bonification indiciaire au titre du 1° du tableau IV annexé au décret du 14 octobre 1991, alors en vigueur, à hauteur de vingt points majorés.

14. Il résulte de ce qui précède qu'en refusant implicitement d'attribuer à M. C... la nouvelle bonification indiciaire au titre tant de la période antérieure au 30 juin 2014 que de la période qui a suivi cette date, l'administration n'a pas méconnu les dispositions des articles 1 et 2 du décret précité du 14 octobre 1991 et n'a commis aucune faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat. M. C... ne pouvait, par suite, prétendre, sur ce fondement, au versement d'aucune indemnité en réparation des préjudices qu'il soutient avoir subis à raison d'une telle faute, qu'il s'agisse des rappels de nouvelle bonification indiciaire correspondant à cette période ou du préjudice moral qu'il invoque, sans d'ailleurs l'établir.

15. Il résulte de tout ce qui précède que, d'une part, le ministre de l'action et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que, par les articles 1er et 2 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a condamné l'Etat à verser à M. C... une indemnité correspondant au montant de la nouvelle bonification indiciaire de vingt points majorés qu'il aurait dû percevoir mensuellement depuis le 1er janvier 2010 jusqu'à la date du jugement, et que, d'autre part, M. C... n'est fondé ni à se plaindre de ce que, par l'article 3 du même jugement, le tribunal administratif a rejeté sa demande de réparation de son préjudice professionnel et moral ni à solliciter en appel l'augmentation de son montant.

Sur les frais liés à l'instance :

16. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

17. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme que M. C... demande sur le fondement de ces dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 5 juin 2018 sont annulés.

Article 2 : Le surplus de la demande de M. C... devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, ses conclusions d'appel incident et ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'action et des comptes publics et à M. A... C....

Copie en sera adressée au préfet de l'Aube

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N° 18NC02213


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18NC02213
Date de la décision : 16/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-08-03 Fonctionnaires et agents publics. Rémunération. Indemnités et avantages divers.


Composition du Tribunal
Président : M. KOLBERT
Rapporteur ?: M. Jean-Marc FAVRET
Rapporteur public ?: Mme KOHLER
Avocat(s) : HONNET

Origine de la décision
Date de l'import : 21/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-01-16;18nc02213 ?
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