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27/12/2019 | FRANCE | N°19NC02561

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 27 décembre 2019, 19NC02561


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler la décision 20 juin 2018 par laquelle le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour en qualité d'étranger malade, a rejeté sa demande de protection contre l'éloignement présentée au titre du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et lui a fait injonction de se conformer à l'obligation de quitter le territoire français, assortie d'une interdiction de retour de deux ans, prise

à son encontre le 13 avril 2017.

Par un jugement n° 1801968 du 4 avril 2019, le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler la décision 20 juin 2018 par laquelle le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour en qualité d'étranger malade, a rejeté sa demande de protection contre l'éloignement présentée au titre du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et lui a fait injonction de se conformer à l'obligation de quitter le territoire français, assortie d'une interdiction de retour de deux ans, prise à son encontre le 13 avril 2017.

Par un jugement n° 1801968 du 4 avril 2019, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande et lui a infligé une amende pour recours abusif de 500 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 août 2019, Mme B... C..., représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1801968 du tribunal administratif de Besançon du 4 avril 2019 ;

2°) d'annuler la décision de refus de titre de séjour du 20 juin 2018 et l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre le 17 février 2015 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Doubs, dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer durant ce réexamen une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable ;

- la décision du 20 juin 2018 est insuffisamment motivée ;

- la décision en litige méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 et du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité du refus de séjour ;

- c'est à tort que les premiers juges lui ont infligé une amende pour recours abusif, dès lors que son recours ne présentait pas de caractère dilatoire

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 octobre 2019, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par Mme C... ne sont pas fondés.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 juillet 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le, public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Meisse, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit ;

1. Mme B... C... est une ressortissante serbe, née le 9 mars 1977. Elle a déclaré être entrée irrégulièrement en France, le 15 mai 2011, accompagnée de son époux et de son fils mineur. Le 8 juin 2011, elle a présenté une demande d'asile, qui a été successivement rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le 22 août 2011, et par la Cour nationale du droit d'asile, le 15 mars 2012. Le réexamen de cette demande d'asile s'étant heurté à deux nouveaux refus, les 23 novembre 2012 et 15 mars 2013, la requérante a vainement sollicité, respectivement les 28 mai 2014 et 24 juin 2016, un titre de séjour en qualité d'étranger malade puis à titre exceptionnel. Par un courrier du 11 octobre 2017, Mme C... a demandé qu'un titre de séjour lui soit délivré sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que le bénéfice de la protection contre l'éloignement prévue au 10° de l'article L. 511-4 du même code. Par une décision du 20 juin 2018, le préfet du Doubs a refusé de faire droit à ces demandes et lui a fait injonction de se conformer à l'obligation de quitter le territoire français sans délai, assortie d'une interdiction de retour de deux ans, prise à son encontre le 13 avril 2017. Par une requête, enregistrée le 5 novembre 2018, la requérante a saisi le tribunal administratif de Besançon d'une demande tendant à l'annulation de la décision du 20 juin 2018. Elle relève appel du jugement n° 1801968 du 4 avril 2019, qui rejette sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation :

2. En premier lieu la décision en litige du 20 juin 2018 énonce les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elle est ainsi suffisamment motivée au regard des exigences de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait et ne peut, dès lors, qu'être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ". Aux termes de l'article L. 511-4 du même code : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; (...) ".

4. Il résulte de ces dispositions que, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

5. Mme C... fait valoir qu'elle est atteinte d'une porphyrie aiguë intermittente, qui nécessite des soins en milieu hospitalier sous forme d'administration de produits morphiniques et de perfusion d'ampoules de Normosang, médicament à base d'hémine humaine. Elle produit, au soutien de ses allégations, outre un certificat médical de son médecin traitant daté du 24 mai 2019, une attestation du 2 mars 2018, émanant d'un praticien hospitalier exerçant au sein du Centre français des porphyries de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, dont il résulte notamment que la Serbie ne dispose pas d'un centre de référence pour la prise en charge de cette maladie rare et que " le gouvernement serbe ne semble pas actuellement en mesure de se procurer " les médicaments spécifiques utilisés pour le traitement de l'intéressée et, plus particulièrement, le Normosang. Elle verse également aux débats le rapport d'un médecin généraliste serbe, établi le 23 juillet 2018, selon lequel, dans ce pays, " la porphyrie est traitée par un système d'évitement des médicaments qui pourraient entraîner une crise aiguë ou aggraver l'état du patient en phase aiguë ".

6. Toutefois, s'il est vrai le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé, dans son avis du 14 mai 2018, que l'état de santé de Mme C... nécessite une prise en charge médicale, dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, que, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé en Serbie, elle ne peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et que les soins nécessités par l'affection dont elle souffre, qui présentent un caractère de longue durée, doivent être poursuivis pendant une durée de douze mois, le préfet du Doubs, qui n'était pas lié par cet avis, a refusé de faire droit aux demandes de la requérante en lui opposant la disponibilité effective du traitement dans le pays d'origine. Le préfet produit en ce sens un courriel du 21 janvier 2015 dans lequel le conseiller de santé auprès de la direction générale des étrangers en France du ministère de l'intérieur confirme l'existence en Serbie d'un traitement de la porphyrie hépatite aiguë et de la porphyrie aiguë intermittente reposant essentiellement sur des mesures préventives et, en cas de crise, sur l'administration d'hémine humaine. Ce même courriel ajoute que " ce médicament est disponible en Serbie, de de même que les autres produits à visée symptomatique utiles en pareil cas (opiacés, beta bloquants, etc) ". Mme C..., qui se borne à faire valoir que les documents dont elle se prévaut sont plus récents, ne conteste pas sérieusement les éléments précis et circonstanciés apportés par l'administration sur la disponibilité effective de son traitement en Serbie. Par suite, au vu des échanges contradictoires entre les parties et alors qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier que l'intéressée serait dans l'impossibilité de voyager sans risque à destination de son pays d'origine, le préfet du Doubs n'a pas méconnu le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en refusant de délivrer à la requérante un titre de séjour en qualité d'étranger malade. Il n'a pas davantage méconnu le 10° de l'article L. 511-4 du même code en refusant de lui accorder la protection contre l'éloignement prévue par ces dispositions.

7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision du 20 juin 2018. Elle n'est pas davantage fondée, en tout état de cause, en l'absence de moyens spécifiques invoqués contre cette décision, à demander l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre le 17 février 2015.

En ce qui concerne l'application de l'article R. 741-12 du code de justice administrative :

8. Aux termes de l'article R. 741-12 du code de justice administrative : " Le juge peut infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 10 000 euros. ".

9. Il n'est pas contesté que Mme C..., qui souffre de porphyrie aiguë intermittente, a joint à sa requête des pièces médicales nouvelles et récentes et que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans son avis du 14 mai 2018, a estimé que l'intéressée remplissait les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour en qualité d'étranger malade. Dans ces conditions, alors même que la requérante a déjà fait l'objet de quatre mesures d'éloignement, demeurées non exécutées, et que ses précédentes demandes de titre, présentées sur le fondement du 11° de l'article L. 3132-11 et sur celui de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ont été rejetées, sa demande devant les premiers juges ne peut être regardée comme abusive. Par suite, l'intéressée est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Besançon lui a infligé une amende de 500 euros en application des dispositions de l'article R. 741-12 du code de justice administrative.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal lui a infligé une amende pour recours abusif. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées.

Sur les frais d'instance :

11. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme demandée par la requérante au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1801968 du tribunal administratif de Besançon du 4 avril 2019 est annulé en tant qu'il inflige à Mme C... une amende pour recours abusif de 500 euros.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Doubs.

N° 19NC02561 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC02561
Date de la décision : 27/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: Mme SEIBT
Avocat(s) : DSC AVOCATS TA

Origine de la décision
Date de l'import : 07/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-12-27;19nc02561 ?
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