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27/12/2019 | FRANCE | N°18NC01889

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 27 décembre 2019, 18NC01889


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... C... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler, d'une part, la décision du 7 août 2017 par laquelle le directeur de l'agence régionale de santé Grand-Est a placé le centre hospitalier de Lamarche sous administration provisoire à compter du 15 septembre 2017 et, d'autre part, la décision du 14 septembre 2017 par laquelle le directeur de l'agence régionale de santé Grand-Est a nommé M. F... en qualité de directeur par intérim du centre hospitalier du Val du Madon et de l'établisseme

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... C... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler, d'une part, la décision du 7 août 2017 par laquelle le directeur de l'agence régionale de santé Grand-Est a placé le centre hospitalier de Lamarche sous administration provisoire à compter du 15 septembre 2017 et, d'autre part, la décision du 14 septembre 2017 par laquelle le directeur de l'agence régionale de santé Grand-Est a nommé M. F... en qualité de directeur par intérim du centre hospitalier du Val du Madon et de l'établissement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) de Darney à compter du 15 septembre 2017.

Par un jugement n°s 1702397, 1702567 du 26 avril 2018, le tribunal administratif de Nancy a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 juillet 2018, M. C..., représenté par Me G..., demande à la cour :

1°) d'ordonner, avant dire droit, la communication par l'agence régionale de santé Grand-Est de l'arrêté portant délégation de signature comportant en annexe, à la suite de la signature du délégant, les modèles de signature des personnes ayant délégation de signature relatives à la période considérée ;

2°) d'ordonner, avant dire droit, la vérification de la signature et de désigner à cet effet toute personne habilitée comme il plaira à la cour ;

3°) d'annuler le jugement du 26 avril 2018 du tribunal administratif de Nancy ;

4°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 7 août 2017 par laquelle le directeur de l'agence régionale de santé Grand-Est a placé le centre hospitalier de Lamarche sous administration provisoire à compter du 15 septembre 2017 ;

5°) d'annuler la décision du 14 septembre 2017 par laquelle le directeur de l'agence régionale de santé Grand-Est a nommé M. F... en qualité de directeur par intérim du centre hospitalier du Val du Madon et de l'établissement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) de Darney à compter du 15 septembre 2017 ;

6°) d'enjoindre à l'agence régionale de santé Grand-Est de le réintégrer en sa qualité de directeur des centres hospitaliers de Lamarche et du Val du Madon et de l'établissement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) de Darney, dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;

7°) de mettre à la charge de l'agence régionale de santé Grand-Est la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision du 7 août 2017 n'est pas suffisamment motivée ;

- elle est entachée d'incompétence de l'auteur de l'acte, la signature sur la décision n'étant pas celle du directeur général de l'agence régionale de santé ;

- la décision du 7 août 2017, qui méconnaît l'article L. 6143-3-1 du code de la santé publique, est entachée d'erreur de droit ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et de détournement de pouvoir, dès lors que la situation financière du centre hospitalier de Lamarche ne justifiait pas son placement sous administration provisoire ;

- elle est entachée d'un détournement de procédure ;

- il y a lieu d'ordonner à l'agence régionale de santé Grand-Est, avant dire-droit, de communiquer le document portant modèle de l'ensemble des signatures de l'agence régionale de santé et de vérifier que la signature de la décision du 7 août 2017 est bien celle du directeur général de l'agence en désignant toute personne habilitée à cet effet ;

- il justifie de son intérêt à agir pour contester la décision du 14 septembre 2017, qui le prive de son emploi de directeur de l'EHPAD de Darney et du centre hospitalier du Val du Madon ;

- la décision du 14 septembre 2017, qui ne pouvait être prise que par le directeur général de l'agence régionale de santé Grand-Est en application de l'article L. 1432-2 du code de la santé publique, est entachée d'une incompétence de l'auteur de l'acte ;

- elle est entachée d'erreur de droit, d'erreur manifeste d'appréciation et de détournement de pouvoir ;

- elle est entachée d'un détournement de procédure.

Des mises en demeure ont été adressées, le 5 décembre 2018, à la ministre des solidarités et de la santé et à l'agence régionale de santé Grand-Est qui n'ont pas produit de mémoires en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code pénal ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;

- le décret n° 2005-920 du 2 août 2005 portant dispositions relatives à la direction des établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;

- le décret n° 2005-921 du 2 août 2005 portant statut particulier des grades et emplois des personnels de direction des établissements mentionnés à l'article 2 (1° et 2°) de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Grenier, présidente assesseur,

- les conclusions de M. Michel, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., directeur d'hôpital, a été nommé directeur des hôpitaux locaux du Val de Madon à Mirecourt, de Lamarche et de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) de Darney à compter du 1er octobre 2007, par un arrêté du 27 mars 2009 de la ministre de la santé et des sports. Ces trois établissements ont un directeur commun en vertu d'une convention de direction commune du 9 juillet 2007. Le site de Darney comprend 139 lits en EHPAD, celui de Lamarche, 116 lits en EHPAD répartis entre les sites de Lamarche et de Martigny-les-Bains et celui du Val du Madon, 323 lits en EHPAD répartis entre les sites de Mirecourt et de Mattaincourt. Le centre hospitalier de Lamarche comprend également 8 lits en médecine et 18 lits en soins de suite et de réadaptation (SSR) et celui du Val du Madon, 37 lits en SSR. Eu égard à la dégradation de la situation financière du centre hospitalier de Lamarche, le directeur général de l'agence régionale de santé (ARS) Grand-Est a, par une décision du 7 août 2017, placé ce centre hospitalier sous administration provisoire pour une durée de six mois à compter du 15 septembre 2017. Par une décision du 8 septembre 2017, la ministre des solidarités et de la santé a nommé M. F... en qualité d'administrateur provisoire de l'hôpital de Lamarche. Par une décision du 14 septembre 2017, le directeur général de l'ARS Grand-Est a nommé M. F... en qualité de directeur par intérim du centre hospitalier du Val du Madon et de l'EHPAD de Darney. Par un arrêté du 11 octobre 2017, la directrice du centre national de gestion a mis fin aux fonctions de directeur de M. C... à compter du 15 septembre 2017 et l'a placé en position de recherche d'affectation. Par un jugement du 26 avril 2018, dont M. C... relève appel, le tribunal administratif de Nancy a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des décisions des 7 août et 14 septembre 2017.

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 7 août 2017 plaçant le centre hospitalier de Lamarche sous administration provisoire :

2. Aux termes de l'article L. 6143-3 du code de la santé publique : " Le directeur général de l'agence régionale de santé demande à un établissement public de santé de présenter un plan de redressement, dans le délai qu'il fixe, compris entre un et trois mois, dans l'un des cas suivants : / 1° Lorsqu'il estime que la situation financière de l'établissement l'exige ; / 2° Lorsque l'établissement présente une situation de déséquilibre financier répondant à des critères définis par décret. / Les modalités de retour à l'équilibre prévues par ce plan donnent lieu à la signature d'un avenant au contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens. ". Selon l'article L. 6143-3-1 de ce code : " Par décision motivée et pour une durée n'excédant pas douze mois, le directeur général de l'agence régionale de santé place l'établissement public de santé sous administration provisoire soit d'inspecteurs du corps de l'inspection générale des affaires sociales ou de l'inspection générale des finances, soit de personnels de direction des établissements mentionnés aux 1° et 2° de l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, soit de toutes autres personnalités qualifiées, désignés par le ministre chargé de la santé, en cas de manquement grave portant atteinte à la sécurité des patients ou lorsque, après qu'il a mis en oeuvre la procédure prévue à l'article L. 6143-3, l'établissement ne présente pas de plan de redressement dans le délai requis, refuse de signer l'avenant au contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens ou n'exécute pas le plan de redressement, ou lorsque le plan de redressement ne permet pas de redresser la situation de l'établissement. / Le directeur général de l'agence peut au préalable saisir la chambre régionale des comptes en vue de recueillir son avis sur la situation financière de l'établissement et, le cas échéant, ses propositions de mesures de redressement. La chambre régionale des comptes se prononce dans un délai de deux mois après la saisine (...) ".

3. En premier lieu, en vertu des dispositions mêmes de l'article L. 6143-3-1 du code de la santé publique, la décision de placement d'un établissement public de santé sous administration provisoire relève de la compétence du directeur général de l'ARS. En l'espèce, la décision du 7 août 2017 est signée par M. H..., directeur général de l'ARS Grand-Est. En produisant un courriel du 7 août 2017 à 15 h 48 de réponse automatique de M. H... mentionnant ses dates de congés et un mail du 9 août 2017 précisant qu'il se trouvait en Equateur, M. C... n'établit pas que M. H... n'aurait pas été en mesure de signer la décision litigieuse avant son départ en congés et que la signature apposée sur la décision du 7 août 2017 serait nécessairement un faux. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté.

4. En deuxième lieu, la décision du 7 août 2017, qui énonce les considérations de droit sur lesquelles elle se fonde, rappelle le contexte budgétaire du centre hospitalier de Lamarche et les mesures prises pour remédier à cette situation. Elle précise que les deux plans de redressement du centre hospitalier de Lamarche ne permettent pas de " dresser une trajectoire chiffrée de retour à l'équilibre financier ". Elle relève que le second plan de redressement du 18 juillet 2017 n'apparaît ni réaliste, ni sincère et précise les motifs pour lesquels il ne peut être regardé comme permettant de redresser l'équilibre financier de l'établissement. Elle mentionne enfin que l'urgence est caractérisée par la situation financière du centre hospitalier de Lamarche qui risque d'être en rupture de trésorerie à la fin de l'année 2017, ce qui nécessite le placement de l'établissement sous administration provisoire. Alors même que ces motifs seraient erronés et entachés d'erreur d'appréciation, la décision du 7 août 2017 est cependant suffisamment motivée en fait et en droit.

5. En troisième lieu, d'une part, il ressort des pièces du dossier que, par un courrier du 6 avril 2017, le directeur général de l'ARS Grand-Est a demandé à M. C... de présenter un plan de redressement des finances du centre hospitalier de Lamarche dans un délai de deux mois, en application de l'article L. 6143-3 du code de la santé publique cité au point 2 du présent arrêt. L'ARS Grand-Est a cependant estimé que le plan de redressement présenté par M. C..., le 8 juin 2017, était insuffisant et ne permettait pas un redressement durable de l'établissement. Le directeur général de l'ARS Grand-Est a, en conséquence, demandé à M. C... de rectifier ce plan de redressement par un courrier du 11 juillet 2017. Le second plan de redressement présenté par M. C..., le 18 juillet 2017, a toutefois également été regardé comme insuffisant, faute de permettre de rétablir la situation financière du centre hospitalier de Lamarche. Ainsi, contrairement à ce que soutient M. C..., la procédure prévue par les articles L. 6143-3 et L. 6143-3-1 du code de la santé publique, selon lesquels le placement d'un établissement public de santé sous administration provisoire ne peut intervenir qu'après présentation d'un plan de redressement, a été respectée. Le directeur général de l'ARS Grand-Est pouvait, par suite, placer le centre hospitalier de Lamarche sous administration provisoire sans méconnaître l'article L. 6143-3-1 du code de la santé publique qui autorise une telle mesure notamment lorsque le plan de redressement ne permet pas de rééquilibrer la situation de l'établissement.

6. D'autre part, il résulte des termes mêmes de l'article L. 6143-3-1 du code de la santé publique, cité au point 2 du présent arrêt, que la consultation préalable de la chambre régionale des comptes constitue une simple faculté et non un préalable obligatoire au placement d'un établissement public de santé sous administration provisoire.

7. En outre, contrairement à ce que soutient M. C..., il résulte des termes mêmes de la décision du 7 août 2017 que seul le centre hospitalier de Lamarche est placé sous administration provisoire et non le centre hospitalier du Val du Madon et l'EHPAD de Darney.

8. Par ailleurs, la circonstance, à la supposer établie, que le plan de redressement élaboré par M. C... aurait finalement été mis en oeuvre par l'administrateur provisoire et aurait permis de redresser la situation financière de l'établissement, qui est postérieure à la décision litigieuse, est, sans incidence sur sa légalité.

9. Il résulte de ce qui est dit aux points 5 à 8 que le moyen d'erreur de droit doit être écarté.

10. En quatrième lieu, aux termes de l'article D. 6143-39 du code de la santé publique : " Le directeur général de l'agence régionale de santé demande au directeur d'un établissement public de santé de présenter un plan de redressement en application de l'article L. 6143-3 lorsque, soit il estime que la situation financière l'exige, soit l'un ou plusieurs des critères de déséquilibre financier suivants sont remplis : / (...) 3° La capacité d'autofinancement de l'établissement est insuffisante pour couvrir le remboursement en capital contractuel des emprunts figurant dans le tableau de financement mentionné à l'article R. 6145-13. Le remboursement en capital contractuel ne prend pas en compte les remboursements anticipés en capital. / L'examen de la situation de l'établissement au regard des critères mentionnés aux 1°, 2° et 3° du présent article est effectué au vu du plus récent des documents suivants : / a) Soit le dernier état comparatif de l'exercice précédent, établi en application de l'article R. 6145-6 ; dans ce cas, les éléments permettant d'établir la valeur des critères mentionnés ci-dessus sont issus de la projection annuelle actualisée, figurant à l'état comparatif transmis par l'établissement en application de l'arrêté mentionné à l'article R. 6145-6 ; / b) Soit le compte financier du dernier exercice clos, mentionné à l'article R. 6145-43. ".

11. D'une part, il ressort des pièces du dossier et notamment des pièces comptables produites, qu'à la fin de l'année 2016, la situation financière de l'établissement de Lamarche était particulièrement dégradée. Tous les indicateurs financiers se sont en effet détériorés entre 2012 et 2016. A la fin de l'année 2016, le résultat net comptable de l'hôpital, tous budgets confondus, était négatif à hauteur de 509 367 euros, alors qu'il était excédentaire en 2014, à hauteur de 7 542 euros. Il représentait 6,28% des produits de l'année 2016. La trésorerie nette était déficitaire de 1 392 903 euros dans le compte financier pour l'année 2016 entraînant un risque de rupture de la trésorerie. Le déficit cumulé de l'établissement est passé de 441 107 euros en 2013 à 1 187 242 euros en 2016. La capacité d'autofinancement de l'établissement s'est détériorée. En outre, l'endettement de l'établissement est important. Ainsi, le fonds de roulement net de l'établissement ne permet pas de couvrir le besoin en fonds de roulement. Enfin, le taux de marge brute est également en constante diminution et s'établit à 3,56% en 2016, ce qui révèle une dégradation structurelle de la situation financière du centre hospitalier de Lamarche. En février 2017, la direction générale des finances publiques a pour ce motif adressé à l'agence régionale de santé Grand-Est une alerte sur la situation financière du centre hospitalier de Lamarche. Face à cette situation et en particulier au caractère insuffisant de la capacité d'autofinancement de l'établissement, le directeur général de l'ARS Grand-Est était fondé à demander à M. C... de présenter un plan de redressement.

12. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que le centre hospitalier de Lamarche a bénéficié de plus de 4 millions d'euros d'aides entre 2008 et 2016, dont 3,29 millions d'euros pour la reconstruction de l'EHPAD de Martigny-les-Bains, dont la dotation a augmenté entre 2008 et 2014 avant de diminuer en 2015 et 2016, tout en demeurant .supérieure à son niveau de l'année 2012 Ainsi, il ne ressort pas des pièces du dossier que la situation financière du centre hospitalier de Lamarche résulterait uniquement du rattachement, en 2009, de l'EHPAD de Martigny-les-Bains, même si celle-ci a pesé sur les finances du centre hospitalier.

13. Par ailleurs, le rapport infra-annuel au 30 juin 2017, qui constitue une prévision pour l'année, ne permet pas d'estimer, contrairement à ce que soutient M. C..., que la situation financière s'était suffisamment redressée à cette date, grâce aux mesures d'économie engagées, notamment sur les dépenses de personnel, pour que l'élaboration d'un plan de redressement ne soit plus justifiée. Le rapport infra-annuel au 30 juin 2017 faisait en effet apparaître un déficit de plus de 44 000 euros, nettement supérieur à celui de 28 501 euros arrêté dans l'état prévisionnel de recettes et de dépenses (EPRD) établi par l'ARS Grand-Est en avril 2017. Ce déficit s'est, au demeurant, encore accentué jusqu'à la fin de l'année 2017.

14. De plus, M. C... devait présenter un plan de redressement sur la période 2017-2021. Or, il ressort des pièces du dossier que les deux plans qu'il a successivement présentés en juin et en juillet 2017 ne proposaient pas une stratégie pluriannuelle permettant un retour à l'équilibre financier. Les plans de redressement présentés par M. C... reposaient majoritairement sur une augmentation des recettes résultant mécaniquement de la modification de la tarification avec le passage à la T2A qui a un effet budgétaire positif, cependant limité à l'année 2018 et non sur une réduction structurelle des charges accompagnée d'une réflexion sur l'organisation des services. Le second plan de redressement était ainsi fondé, à hauteur de 78% sur les recettes et de 22% sur les dépenses, l'essentiel des augmentations de recettes étant constaté sur la seule année 2018 et non sur la durée du plan. S'agissant des charges, les économies portaient essentiellement sur les dépenses de personnel, notamment par le remplacement de personnels âgés par des agents plus jeunes, et non sur les autres dépenses et ne s'accompagnaient pas d'une réorganisation structurelle des services et des plannings de travail.

15. En outre, il ressort des pièces du dossier et notamment d'un courrier du 4 août 2017 de l'ARS Grand-Est que le plan de redressement élaboré par M. C... reposait sur des hypothèses optimistes quant à l'augmentation prévisible des recettes, alors que celles-ci conditionnaient la réussite de ce plan. L'ARS Grand-Est relève également que la méthodologie d'élaboration du plan de redressement n'est pas explicitée et que certaines données ne paraissent pas réalistes, à l'exemple de la durée de l'endettement qui passe de 55 ans à 8 ans et du taux de marge brute qui augmente de 3,56 à 8,6 % sans justification. La diminution des charges de personnel n'apparaît pas plus réaliste au regard du bilan des années précédentes.

16. En cinquième lieu, la décision du 7 août 2017 ne porte que sur l'établissement de Lamarche et non ceux du Val du Madon et de Darney. Elle n'est, en conséquence, pas entachée du détournement de pouvoir allégué consistant à placer ces deux établissements sous administration provisoire sans que leur situation financière le justifie.

17. Il résulte de ce qui est dit aux points 10 à 16 que les moyens d'erreur d'appréciation et de détournement de pouvoir doivent être écartés.

18. En dernier lieu, d'une part, ainsi qu'il est dit au point 7, il résulte des termes mêmes de la décision du 7 août 2017 que seul le centre hospitalier de Lamarche est placé sous administration provisoire et non le centre hospitalier du Val du Madon et l'EHPAD de Darney. D'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision du 7 août 2017 plaçant le centre hospitalier de Lamarche sous administration provisoire aurait été édictée afin d'évincer M. C... et non en raison du caractère insuffisant des mesures prises par M. C... pour redresser la situation financière de cet établissement. Le courriel du syndicat CGT de l'établissement de Lamarche relatif au différend ayant opposé M. C... et un agent de l'établissement en mars 2015 ne permet pas d'établir que la décision du 7 août 2017, plus de deux ans plus tard, serait entachée d'un détournement de procédure. Il en va de même du courrier du 30 août 2016 adressé par la présidente de l'association nationale des centres hospitaliers locaux à la directrice générale de l'offre de soins du ministère de la santé relatif à la situation de harcèlement dont M. C... aurait été victime. Le moyen de détournement de procédure doit, en conséquence, être écarté.

19. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 7 août 2017 plaçant le centre hospitalier de Lamarche sous administration provisoire.

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 14 septembre 2017 :

20. En premier lieu, aux termes de l'article L. 1432-2 du code de la santé publique : " Le directeur général de l'agence régionale de santé (...) / désigne la personne chargée d'assurer l'intérim des fonctions de directeur et de secrétaire général dans les établissements publics de santé (...) ". Selon l'article 6 du décret du 2 août 2005 portant dispositions relatives à la direction des établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " (...) Pour les fonctions de directeur d'un des établissements mentionnés au 1° de l'article 2 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée et figurant sur la liste prévue à l'article 1er du décret n° 2007-1930 du 26 décembre 2007 portant statut particulier du corps des directeurs d'établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux de la fonction publique hospitalière, ou dans le cas des directions communes comportant au moins un établissement public de santé, la décision confiant l'intérim du directeur est prise par le directeur général de l'agence régionale de santé territorialement compétent (...) ". La décision du 14 septembre 2017 est signée par Mme B..., directrice du département des ressources humaines en santé de l'ARS Grand Est qui dispose d'une délégation de signature du 3 août 2017, régulièrement publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture de la région Grand Est du 16 août 2017, pour signer notamment les décisions relatives à la gouvernance des établissements publics de santé et à la gestion des directeurs des établissements publics de santé en cas d'empêchement ou d'absence de M. Bernay, secrétaire général du département des ressources humaines en santé de l'ARS Grand-Est, lui-même titulaire d'une délégation de signature du directeur général de l'ARS pour signer ces décisions. Il ne résulte pas des termes mêmes de l'article L. 1432-2 du code de la santé publique et de l'article 6 du décret du 2 août 2005 que les décisions relatives à la désignation de la personne chargée d'assurer l'intérim des fonctions de directeur d'un établissement public de santé ne pourraient pas faire l'objet d'une délégation de signature. Par suite, le moyen d'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté.

21. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 6143-3-1 du code de la santé publique : " (...) Pendant la période d'administration provisoire, les attributions du conseil de surveillance et du directeur, ou les attributions de ce conseil ou du directeur, sont assurées par les administrateurs provisoires. Le cas échéant, un des administrateurs provisoires, nommément désigné, exerce les attributions du directeur. Le directeur de l'établissement est alors placé en recherche d'affectation auprès du Centre national de gestion mentionné à l'article 116 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 précitée, sans que l'avis de la commission administrative compétente soit requis. Ce placement en recherche d'affectation peut être étendu à d'autres membres du personnel de direction ou à des directeurs des soins. Le directeur général de l'agence peut en outre décider la suspension du directoire. Les administrateurs provisoires tiennent le conseil de surveillance et le directoire régulièrement informés des mesures qu'ils prennent (...) ". Selon l'article 25-1 du décret du 2 août 2005 portant statut particulier des grades et emplois des personnels de direction des établissements mentionnés à l'article 2 (1° et 2°) de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " La recherche d'affectation est la situation dans laquelle les personnels de direction sont placés, compte tenu des nécessités du service, auprès du Centre national de gestion, soit sur leur demande, soit d'office, en vue de permettre leur adaptation ou leur reconversion professionnelle ou de favoriser la réorganisation ou la restructuration des structures hospitalières. / Le placement d'un fonctionnaire en recherche d'affectation est prononcé, après avis de la commission administrative paritaire nationale et pour une durée maximale de deux ans, par arrêté du directeur général du Centre national de gestion qui exerce à son égard toutes les prérogatives reconnues à l'autorité investie du pouvoir de nomination. ".

22. D'une part, il résulte des dispositions de l'article L. 6143-3-1 du code de la santé publique, citées au point précédent, que lorsqu'un établissement public de santé est placé sous administration provisoire, un administrateur provisoire peut être désigné pour exercer les attributions du directeur. En un tel cas, le directeur de l'établissement est placé en recherche d'affectation par le centre national de gestion. L'avis de la commission paritaire nationale n'est alors pas requis en vertu des dispositions mêmes de l'article L. 6143-3-1 du code de la santé publique qui s'appliquent en cas de placement d'un établissement sous administration provisoire, à l'exclusion de celles de l'article 25-1 du décret du 2 août 2005.

23. D'autre part, il résulte des dispositions de l'article 1er de la convention de direction commune conclue le 9 juillet 2007 entre les centres hospitaliers du Val du Madon, de Lamarche et de Darney qu'il est créé un poste à temps complet de directeur commun à ces trois établissements. La décision du 7 août 2017 du directeur général de l'ARS Grand-Est place le centre hospitalier de Lamarche sous administration provisoire à compter du 15 septembre 2017. Par une décision du 8 septembre 2017, la ministre des solidarités et de la santé désigne M. F... en qualité d'administrateur provisoire du centre hospitalier de Lamarche à compter du 15 septembre 2017. M. C... devait, par suite, être placé en position de recherche d'affectation en vertu des dispositions de l'article L. 6143-3-1 du code de la santé publique. Son placement dans cette position entraînait nécessairement la vacance des postes de directeurs des établissements publics de santé du Val du Madon et de Darney, qui ont un directeur commun avec celui de Lamarche. Ainsi, par une décision du 11 octobre 2017, la directrice générale du centre national de gestion a mis fin aux fonctions de M. C... en qualité de directeur des établissements publics de santé de Lamarche, Val du Madon et de Darney et l'a placé en position de recherche d'affectation à compter du 15 septembre 2017. Par suite, au 15 septembre 2017, date à compter de laquelle M. F... a été désigné en qualité de directeur par intérim du centre hospitalier du Val du Madon et de l'EHPAD du Darney, le poste de directeur de ces établissements était vacant.

24. Il résulte de ce qui précède que le moyen d'erreur de droit doit être écarté.

25. En troisième lieu, d'une part, ainsi qu'il est dit au point 7 du présent arrêt, seul le centre hospitalier de Lamarche est placé sous administration provisoire par la décision du 7 août 2017 du directeur général de l'ARS Grand-Est et non le centre hospitalier du Val du Madon et l'EHPAD de Darney. D'autre part, ainsi qu'il est dit au point 23 du présent arrêt, la décision du 11 octobre 2017 place M. C... en position de recherche d'affectation à compter du 15 septembre 2017 et met également un terme à ses fonctions de directeur du centre hospitalier du Val du Madon et de l'EHPAD de Darney à compter de la même date. Contrairement à ce que soutient M. C..., il n'était pas désigné en qualité de directeur par des décisions distinctes pour chacun de ces trois établissements mais était le directeur commun de ces trois établissements, ainsi que cela résulte de l'arrêté du 27 mars 2009 de la ministre de la santé et des sports et ce alors même que chacun de ces établissements conserve sa propre personnalité juridique. Par suite, la décision du 14 septembre 2017, qui désigne un directeur par intérim pour le centre hospitalier du Val du Madon et l'EHPAD de Darney, n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation. Elle n'est pas davantage entachée de détournement de pouvoir.

26. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, ainsi qu'il est dit au point 18 du présent arrêt, que le placement sous administration provisoire du centre hospitalier de Lamarche aurait eu pour seul objet d'évincer M. C... de la direction de ce centre hospitalier, de celui du Val du Madon et de l'EHPAD de Darney.

27. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur l'intérêt à agir de M. C..., celui-ci n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 14 septembre 2017.

Sur les conclusions avant dire-droit :

28. Aux termes de l'article R. 624-1 du code de justice administrative : " La juridiction peut décider une vérification d'écritures par un ou plusieurs experts, en présence, le cas échéant, d'un de ses membres (...) ".

29. La communication à la cour de l'arrêté portant délégation de signature comportant en annexe, à la suite de la signature du délégant, les modèles de signature des personnes ayant délégation de signature relatives à la période considérée, n'est pas nécessaire à la solution du litige dès lors qu'ainsi qu'il est dit au point 3 du présent arrêt, la décision du 7 août 2017 est signée par le directeur général de l'ARS Grand-Est, sans que les allégations de M. C... selon lesquelles il s'agirait d'un faux soient établies. Par suite, les conclusions présentées par M. C... tendant à ce qu'avant dire-droit, il soit ordonné à l'ARS Grand-Est de produire ce document, puis d'ordonner la vérification de la signature par toute personne habilitée à cet effet désignée par la cour, doivent être rejetées.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

30. Le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. C... n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte qu'il présente ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

31. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Agence régionale de santé Grand-Est, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. C... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... C..., à l'agence régionale de santé Grand-Est et à la ministre des solidarités et de la santé.

2

18NC01889


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NC01889
Date de la décision : 27/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Dispositions propres aux personnels hospitaliers.

Santé publique - Établissements publics de santé.


Composition du Tribunal
Président : M. DEVILLERS
Rapporteur ?: Mme Christine GRENIER
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : ISARD AVOCATS CONSEIL

Origine de la décision
Date de l'import : 07/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-12-27;18nc01889 ?
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