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27/12/2019 | FRANCE | N°18NC00396

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 27 décembre 2019, 18NC00396


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'hôpital Nord Franche-Comté a demandé au tribunal administratif de Besançon de condamner, conjointement et solidairement, la sarl Catherine Dormoy Architecte, la sarl Loichot et la SA Bureau Veritas à lui verser, sur le fondement des principes régissant la garantie décennale des constructeurs, la somme totale de 441 246,35 euros correspondant aux préjudices subis en raison des désordres affectant les volets roulants du bâtiment accueillant les soins de suite de l'hôpital sur le site du Mittan à Montbé

liard.

Par un jugement n° 1500822 du 21 décembre 2017, le tribunal adminis...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'hôpital Nord Franche-Comté a demandé au tribunal administratif de Besançon de condamner, conjointement et solidairement, la sarl Catherine Dormoy Architecte, la sarl Loichot et la SA Bureau Veritas à lui verser, sur le fondement des principes régissant la garantie décennale des constructeurs, la somme totale de 441 246,35 euros correspondant aux préjudices subis en raison des désordres affectant les volets roulants du bâtiment accueillant les soins de suite de l'hôpital sur le site du Mittan à Montbéliard.

Par un jugement n° 1500822 du 21 décembre 2017, le tribunal administratif de Besançon a partiellement fait droit à la demande de l'hôpital Nord Franche-Comté en condamnant, conjointement et solidairement, la sarl Catherine Dormoy Architecte, la sarl Loichot et la SA Bureau Veritas à lui verser la somme de 298 064 euros toutes taxes comprises (TTC) en réparation des préjudices subis et celle de 80 989,74 euros TTC au titre des dépens. Le tribunal administratif de Besançon appelle également la sarl Loichot à garantir la sarl Catherine Dormoy Architecte et la SA Bureau Veritas à hauteur de 60 % des condamnations qu'il prononce, la sarl Catherine Dormoy Architecte à garantir la sarl Loichot et la SA Bureau Veritas à hauteur de 25 % de ces sommes et la SA Bureau Veritas à garantir la sarl Loichot et la sarl Catherine Dormoy Architecte à hauteur de 15 % de celles-ci.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 19 février, 17 août et 19 octobre 2018, la société Bureau Veritas, aux droits de laquelle vient la société Bureau Veritas Construction, représentée par Me H..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Besançon du 21 décembre 2017 ;

2°) de déclarer irrecevable l'intervention de la société MMA Iard, assureur responsabilité décennale de la société Loichot ;

3°) de la mettre hors de cause en l'absence de toute responsabilité dans les désordres ;

4°) à titre subsidiaire, d'appeler la sarl Catherine Dormoy Architecte et Me A..., mandataire judiciaire de la sarl Loichot, à la garantir intégralement des condamnations qui pourraient être mises à sa charge ;

5°) à titre subsidiaire, d'inscrire au passif de la sarl Loichot, représentée par Me A..., mandataire judiciaire, la créance qu'elle détient sur cette société telle qu'elle sera fixée par la cour ;

6°) à titre très subsidiaire, de rejeter toute demande de condamnation conjointe et solidaire dirigée contre elle par la sarl Catherine Dormoy Architecte et Me A..., mandataire judiciaire de la sarl Loichot ;

7°) à titre très subsidiaire, de limiter la condamnation mise à sa charge à la somme de 22 810 euros ;

8°) de mettre les entiers dépens à la charge conjointe et solidaire de l'hôpital Nord Franche-Comté, de la sarl Catherine Dormoy Architecte et de Me A..., mandataire judiciaire de la sarl Loichot ;

9°) de mettre à la charge de l'hôpital Nord Franche-Comté ou de toute partie perdante la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'intervention de la société MMA Iard n'est pas recevable en l'absence de droits auxquels la décision à intervenir est susceptible de préjudicier ;

- les désordres constatés sont extérieurs à ses missions et sa responsabilité ne peut pas être engagée sur le fondement des principes qui régissent la responsabilité décennale des constructeurs ;

- le contrôleur technique ne participe ni à la conception de l'ouvrage, ni à la synthèse architecturale et les désordres ne peuvent pas lui être imputés ;

- les désordres sont imputables au maître d'oeuvre et à la société Loichot qui doivent être appelés à la garantir intégralement des condamnations qui pourraient être mises à sa charge ;

- elle ne peut pas être condamnée conjointement et solidairement avec les sociétés Dormoy et Loichot, dès lors que le cahier des clauses techniques particulières limite sa responsabilité ;

- les demandes de l'hôpital Nord Franche-Comté, par la voie de l'appel incident, ne sont pas fondées et doivent être rejetées.

Par des mémoires en intervention, enregistrés les 11 juillet, 3 septembre, 5 octobre et le 9 novembre 2018, la société MMA Iard, représentée par Me I..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'admettre son intervention ;

2°) de confirmer le jugement du 21 décembre 2017 du tribunal administratif de Besançon en ce qu'il rejette la demande indemnitaire de l'hôpital Nord Franche-Comté au titre de la perte de recettes nettes en 2011 et de l'infirmer pour le surplus ;

3°) de rejeter la demande de l'hôpital Nord Franche-Comté fondée sur les principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs en raison du caractère apparent des désordres ;

4°) de limiter la part de responsabilité de la société Loichot à 50 % des désordres sans que les condamnations mises à sa charge puissent excéder la somme de 111 403,52 euros hors taxes ;

5°) de limiter les dépenses nécessaires à l'expertise à la somme de 1 440 euros hors taxes ;

6°) de rejeter la demande de règlement des pénalités de retard présentée par l'hôpital Nord Franche-Comté ;

7°) de rejeter les conclusions présentées par l'hôpital Nord Franche-Comté au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

8°) d'appeler la société Bureau Veritas Construction et la société Catherine Dormoy Architecte à la garantir des condamnations mises à la charge de la société Loichot ;

9°) de rejeter les conclusions en appel en garantie dirigées contre la société Loichot ;

10°) de rejeter la requête de la société Bureau Veritas Construction ;

11°) de mettre à la charge, conjointe et solidaire, de toute partie perdante la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- son intervention en qualité d'assureur en responsabilité décennale de la société Loichot est recevable ;

- elle s'associe aux demandes et observations formulées par la société Loichot devant le tribunal administratif de Besançon ;

- les désordres affectant les volets roulants, qui ont fait l'objet d'une réserve générale au moment des opérations de réception des travaux du lot n°6 et présentent un caractère apparent, ne relèvent pas de la garantie décennale des constructeurs ;

- les désordres en litige relèvent des missions confiées au contrôleur technique, en particulier de sa mission " TH " relative aux économies d'énergie ;

- il appartenait au contrôleur technique de signaler les normes techniques applicables dans son rapport initial de contrôle technique.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 17 septembre, 8 novembre et 7 décembre 2018, l'hôpital Nord Franche-Comté, représenté par Me G..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) de rejeter la requête ;

2°) de déclarer irrecevable ou, à défaut, mal fondée, l'intervention de la société MMA Iard, assureur responsabilité décennale de la société Loichot ;

3°) par la voie de l'appel incident :

- de condamner, conjointement et solidairement, la société Bureau Veritas Construction, la société Catherine Dormoy Architecte, la société Loichot et la société MMA Iard à lui verser la somme de 390 euros hors taxes au titre des frais de constat d'huissier du 4 mai 2010 ;

- de condamner, conjointement et solidairement, la société Bureau Veritas Construction, la société Catherine Dormoy Architecte, la société Loichot et la société MMA Iard à lui verser la somme de 120 460 euros hors taxes au titre des pertes de recettes brutes, déduction faite des charges variables, cette somme étant assortie du versement des intérêts au taux légal à compter du 27 mai 2015 et de la capitalisation des intérêts ;

- de condamner, conjointement et solidairement, la société Bureau Veritas Construction, la société Catherine Dormoy Architecte, la société Loichot et la société MMA Iard à lui verser la somme de 50 000 euros au titre du trouble d'exploitation et de la perte d'image ;

4°) de mettre à la charge de la société Bureau Veritas Construction, de la société Catherine Dormoy Architecte, de la société Loichot et de la société MMA Iard la somme de 20 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'intervention de la société MMA Iard, qui présente un caractère accessoire, est irrecevable en l'absence de droits lui donnant qualité pour intervenir ;

- les désordres affectant les volets roulants rendent l'ouvrage impropre à sa destination ;

- les volets roulants ne sont pas dissociables du gros oeuvre, seule la garantie décennale pouvant être mise en oeuvre ;

- les désordres ne présentaient pas un caractère apparent au moment des opérations de réception ;

- la responsabilité de la société Bureau Veritas Construction est de nature à être engagée ;

- les condamnations prononcées par le jugement attaqué doivent être confirmées ;

- il a droit à obtenir réparation de l'ensemble des préjudices subis et notamment de la perte de recettes nettes d'exploitation en 2011 ainsi que de son préjudice d'exploitation et d'image ;

- les autres moyens soulevés par la société Bureau Veritas Construction ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 octobre 2018, la sarl Catherine Dormoy Architecte, représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) de confirmer le jugement du 21 décembre 2017 du tribunal administratif de Besançon ;

2°) de déclarer irrecevable l'intervention de la société MMA Iard, assureur responsabilité décennale de la société Loichot ou, à titre subsidiaire, si son intervention était admise, d'appeler la société MMA Iard à la garantir à hauteur de 60 % des condamnations mises à sa charge dans le cadre de la présente procédure ;

3°) de rejeter les demandes de la société Bureau Veritas Construction et de la société MMA Iard ;

4°) de rejeter l'appel incident de l'hôpital Nord Franche-Comté comme irrecevable et mal-fondé ;

5°) de mettre à la charge, conjointe et solidaire, de la société Bureau Veritas Construction et de la société MMA Iard la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la responsabilité de la société Bureau Veritas Construction est susceptible d'être engagée sur le fondement de la garantie décennale, dès lors que les volets roulants, qui ne sont pas dissociables de l'ouvrage, relèvent des missions " P " et " F " du contrôleur technique ;

- l'intervention de la société MMA Iard n'est pas recevable ;

- l'appel incident de l'hôpital Nord Franche-Comté est irrecevable ;

- les demandes indemnitaires du maître de l'ouvrage ne sont pas fondées ;

- les désordres ne présentaient pas un caractère apparent, dès lors que leurs conséquences ne se sont manifestées dans toute leur ampleur qu'après réception de l'ouvrage ;

- la responsabilité de la société Loichot, au titre de l'exécution des travaux et du manquement à son devoir de conseil, est incontestable ;

- la société MMA Iard doit être appelée à la garantir à hauteur de 60 % des condamnations mises à sa charge.

La procédure a été communiquée à la société Loichot, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que la juridiction administrative n'est pas compétente pour inscrire une créance au passif d'une société placée en redressement judiciaire.

Par une ordonnance du 14 juin 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 8 juillet 2019.

Un mémoire, enregistré le 12 novembre 2019, présenté pour la SA Bureau Veritas n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de commerce ;

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code des marchés publics ;

- l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E..., présidente assesseur,

- les conclusions de M. Michel, rapporteur public,

- et les observations de Me G... pour l'hôpital Nord Franche-Comté et de Me F... pour la sarl Catherine Dormoy Architecte.

Considérant ce qui suit :

1. Le centre hospitalier de Belfort Montbéliard, devenu hôpital Nord Franche-Comté, a engagé la construction d'un bâtiment comprenant 140 lits de soins de suite sur le site du Mittan à Montbéliard. Par un acte d'engagement du 13 octobre 2001, la maîtrise d'oeuvre de ce marché a été attribuée à un groupement solidaire composé de l'Eurl Catherine Dormoy architecte, mandataire commun, de la société Maurer et Orsi architectes et de la société OTH Bourgogne Franche-Comté. Par un acte d'engagement du 18 septembre 2003, la mission d'ordonnancement, de pilotage et de coordination des travaux a été confiée à la société CETEC. La société Bureau Veritas, aux droits de laquelle vient la société Bureau Veritas Construction, s'est vu attribuer le contrôle technique du marché selon un acte d'engagement du 17 juillet 2002. Le lot n°6 " menuiseries extérieures-occultations " a été confié à la société Loichot par un acte d'engagement du 11 juin 2004. Il comportait notamment les façades-rideaux, l'installation de volets roulants et des stores intérieurs et extérieurs à commande électrique. La réception de l'ouvrage a été prononcée avec réserves, le 26 mars 2007. Les réserves ont été partiellement levées, le 13 octobre 2008, par le maître d'oeuvre. A partir du mois de juin 2009, des désordres sont toutefois apparus sur les volets roulants, immobilisés soit en position d'ouverture, soit en position de fermeture. Par une ordonnance du 27 septembre 2010, le juge des référés du tribunal administratif de Besançon a désigné M. C... en qualité d'expert judiciaire, remplacé, en cours d'expertise, par M. B..., désigné en qualité d'expert par une ordonnance du 13 juin 2012. L'expert a remis son rapport le 20 janvier 2015.

2. Par un jugement du 21 décembre 2017, le tribunal administratif de Besançon a partiellement fait droit à la demande de l'hôpital Nord Franche-Comté en condamnant, conjointement et solidairement, la société Catherine Dormoy Architecte, la société Loichot et la SA Bureau Veritas à lui verser la somme de 298 064 euros toutes taxes comprises (TTC) en réparation des préjudices subis et celle de 80 989,74 euros TTC au titre des dépens. Le tribunal administratif de Besançon a également appelé la société Loichot à garantir la société Catherine Dormoy Architecte et la SA Bureau Veritas à hauteur de 60 % des condamnations qu'il prononce, la société Catherine Dormoy Architecte à garantir la société Loichot et la SA Bureau Veritas à hauteur de 25 % de ces sommes et la SA Bureau Veritas à garantir la société Loichot et la société Catherine Dormoy Architecte à hauteur de 15% de celles-ci. La société Bureau Veritas Construction, qui vient aux droits de la SA Bureau Veritas, relève régulièrement appel de ce jugement. Par la voie de l'appel incident, l'hôpital Nord Franche-Comté demande qu'il soit fait droit à l'ensemble des demandes indemnitaires qu'il a présentées en première instance.

Sur l'intervention de la société MMA Iard, assureur de la société Loichot :

3. Aux termes de l'article R. 632-1 du code de justice administrative : " L'intervention est formée par mémoire distinct. / Lorsque l'intervention est formée par une personne mentionnée au premier alinéa de l'article R. 414-1, elle est présentée dans les conditions prévues par cet article et par l'article R. 414-3 (...) ". Une intervention, qui présente un caractère accessoire, ne peut être admise que si son auteur s'associe soit aux conclusions de l'appelant, soit à celles du défendeur.

4. Par un mémoire, enregistré le 11 juillet 2018, la société MMA Iard présente un mémoire en intervention volontaire en sa qualité d'assureur de la société Loichot au titre de la garantie décennale des constructeurs. Elle conclut, dans ses mémoires ultérieurs, à ce que le jugement du 21 décembre 2017 du tribunal administratif de Besançon soit infirmé en ce qu'il juge que la responsabilité des constructeurs est engagée sur le fondement des principes qui régissent la garantie décennale. Cependant, la société Loichot, défendeur en première instance, n'a produit aucun mémoire en défense en appel. En l'absence de production, par la société Loichot, à laquelle la requête a été communiquée, d'un mémoire en défense comportant des conclusions auxquelles la société MMA Iard pourrait s'associer, son intervention en défense n'est pas recevable.

Sur la responsabilité décennale :

5. Il résulte des principes qui régissent la responsabilité décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans. Le constructeur dont la responsabilité est recherchée sur ce fondement ne peut en être exonéré, outre les cas de force majeure et de faute du maître d'ouvrage, que lorsque, eu égard aux missions qui lui étaient confiées, il n'apparaît pas que les désordres lui soient en quelque manière imputables.

En ce qui concerne la nature des désordres :

6. Il résulte de l'instruction qu'à partir du mois d'avril 2009, les volets roulants des chambres du bâtiment de 140 lits de soins de suite de l'hôpital Nord Franche-Comté à Montbéliard ont connu des dysfonctionnements qui se sont progressivement généralisés jusqu'en 2013. Les volets roulants sont bloqués, soit en position haute, soit en position basse, soit à mi-hauteur ou de biais. Certaines lames sont tordues ou cassées. Ces désordres affectent les 114 chambres équipées de volets roulants.

7. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise de M. B..., que le bâtiment est constitué d'une façade semi-rigide correspondant, selon l'article A.1.1 du document technique unifié (DTU) 33-2 relatif aux " Tolérances dimensionnelles du gros oeuvre destiné à recevoir des façades rideaux, semi-rideaux ou panneaux ", à des " ensembles menuisés constituant la paroi extérieure d'une façade, mais dont certaines zones, et en particulier celles situées devant les allèges et trumeaux en béton ou maçonnés, n'assurent pas à elles seules l'étanchéité à l'air et/ou à l'eau. Alors que d'autres (parties visions) assurent ce rôle. ". L'expert attribue les désordres, d'une part, à l'absence de prise en compte des particularités d'une telle façade et en particulier des interférences entre ses différents éléments constitutifs et, d'autre part, à des défauts de mise en oeuvre des volets roulants résultant de l'absence de conformité aux tolérances admissibles qui ne sont pas respectées tant pour les positions horizontale et verticale que pour les tolérances de forme. Eu égard aux écarts par rapport aux tolérances imposées par le fournisseur, le développement de la surface rectangulaire du tablier dans une forme géométrique constituée par les coulisses et l'arbre d'enroulement aléatoire ne permet pas, selon l'expert, la translation souhaitée.

En ce qui concerne le caractère décennal des désordres :

8. Le dysfonctionnement des volets roulants les empêche de contribuer à la régulation thermique du bâtiment, à la régulation des flux lumineux et à l'occultation. Ainsi, en période d'ensoleillement, les volets ne peuvent être baissés alors que les vitrages ont une taille de 4 m². Les volets sont parfois fermés le jour ou, à l'inverse, restent ouverts la nuit. Eu égard à la gêne occasionnée pour les patients qui sont présents pendant plusieurs jours voire plusieurs semaines dans ce service de soins de suite dans des chambres surchauffées en période d'ensoleillement ou plongées dans le noir en plein jour et aux incidences des désordres pour le respect de leur vie privée, eu égard à la largeur des baies vitrées alors que le bâtiment, qui comprend des angles droits, comporte des vis-à-vis, les désordres affectant le fonctionnement des volets roulants, qui sont généralisés, sont de nature à rendre le bâtiment de soins de suite impropre à sa destination.

9. Il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que le tribunal administratif de Besançon a jugé que les désordres affectant les volets roulants du bâtiment de soins de suite de l'hôpital Nord Franche-Comté à Montbéliard étaient de nature à engager la responsabilité des constructeurs sur le fondement des principes qui régissent leur garantie décennale.

Sur l'appel principal de la société Bureau Veritas Construction :

En ce qui concerne les conclusions principales :

10. En premier lieu, aux termes de l'article L. 111-24 du code de la construction et de l'habitation : " Le contrôleur technique est soumis, dans les limites de la mission à lui confiée par le maître de l'ouvrage à la présomption de responsabilité édictée par les articles 1792,1792-1 et 1792-2 du code civil, reproduits aux articles L. 111-13 à L. 111-15, qui se prescrit dans les conditions prévues à l'article 1792-4-1 du même code reproduit à l'article L. 111-18. / Le contrôleur technique n'est tenu vis-à-vis des constructeurs à supporter la réparation de dommages qu'à concurrence de la part de responsabilité susceptible d'être mise à sa charge dans les limites des missions définies par le contrat le liant au maître d'ouvrage. ". Il résulte de ces dispositions que l'obligation de garantie décennale s'impose, non seulement aux architectes et aux entrepreneurs, mais également au contrôleur technique lié par contrat au maître de l'ouvrage dans la limite de la mission qui lui a été confiée.

11. En deuxième lieu, l'expert relève que les désordres affectant les volets roulants du bâtiment résultent notamment d'un vice de conception et de l'absence d'études de synthèse au regard du DTU 33.2 relatif aux " Tolérances dimensionnelles du gros oeuvre destiné à recevoir des façades rideaux, semi-rideaux ou panneaux ". Selon l'expert, la particularité du projet consistant dans la réalisation d'une façade en semi-rideau n'a pas été prise en compte par le contrôleur technique, qui n'a pas alerté le maître de l'ouvrage sur les interférences entre les différents éléments constitutifs de la façade. L'expert précise que " la dilatation des panneaux de parement des trumeaux génère une augmentation de leur longueur, ce qui se traduit à chaque extrémité par une percussion puis un déplacement en rotation de la coulisse du volet roulant, donc d'une diminution de la mesure de largeur fond de coulisse, cette diminution de la mesure ne permet plus d'assurer une libre translation verticale du tablier. " Ainsi que le relève la société requérante, il n'entre cependant pas dans les attributions du contrôleur technique de participer à la conception de l'ouvrage et à l'élaboration de la synthèse architecturale. Il lui appartient cependant de prévenir les aléas pouvant résulter d'un défaut dans l'application notamment des textes techniques de caractère normatif tels que les DTU.

12. En troisième lieu, le cahier des clauses techniques particulières du marché du lot n°1 " contrôle technique " attribue une mission " LP " au contrôleur technique à savoir une mission " L " relative à la " solidité des ouvrages et des éléments d'équipement indissociables ", à laquelle s'ajoute une mission " P1 " relative à la " solidité des ouvrages et des éléments d'équipement dissociables ". Selon l'article 1.1.1.1 relatif à l'étendue de la mission " L " de ce cahier : " Les aléas techniques que le contrôleur technique a pour mission de contribuer à prévoir sont exclusivement ceux qui, découlant d'un défaut dans l'application des textes législatifs ou réglementaires et des textes techniques de caractère normatif (normes françaises, D.T.U, ATEX, règles professionnelles), mettent en cause la solidité des ouvrages de viabilité, fondation, ossature, clos et couvert ct celle des éléments d'équipement indissociablement liés à ces ouvrages ". La mission " P1 " relative aux équipements dissociables, est rédigée dans des termes similaires.

13. Il résulte de l'instruction que les volets roulants sont intégrés dans la façade semi-rigide du bâtiment, dont ils ne sont pas dissociables, ainsi que l'a retenu le jugement attaqué. Le rapport d'expertise relève ainsi que le mécanisme d'enroulement n'est accessible qu'en démontant partiellement la façade. Cependant, les dysfonctionnements des volets roulants n'affectent pas la solidité du bâtiment de soins de suite et les désordres dans le réglage des volets roulants ne mettent pas en cause, par eux-mêmes, leur solidité, mais leur bon fonctionnement. Si l'expert relève que certaines lames de volets sont tordues ou cassées, cela est une conséquence du dysfonctionnement du mécanisme permettant de lever et de baisser les volets et ne révèle pas un défaut intrinsèque dans la solidité de ces éléments d'équipement qui sont indissociablement liés à l'ouvrage et que le contrôleur technique aurait dû relever dans le cadre de sa mission " LP ".

14. En quatrième lieu, les désordres en litige ne sont pas au nombre des aléas qu'il incombait au contrôleur technique de prévenir au titre de sa mission " F " relative au fonctionnement des équipements, qui porte sur des éléments d'équipements limitativement définis au nombre desquels ne figurent pas les volets roulants.

15. En dernier lieu, une mission " TH " relative aux " économies d'énergie " était également attribuée au contrôleur technique. L'article 1.1.7.1 du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) qui porte sur la mission " TH " du contrôleur technique précise que les aléas techniques que le contrôleur technique a pour mission de contribuer à prévenir sont " exclusivement ceux découlant d'un défaut dans l'application des dispositions réglementaires relatives à l'isolation thermique et aux économies d'énergie ". Selon l'article 1.1.7.2 du même cahier, la mission porte sur les " ouvrages et éléments d'équipement faisant partie des marchés de la construction communiqués au contrôleur technique appliquées aux bâtiments et concernés par les prescriptions relatives à l'isolation thermique, les protections solaires et les économies d'énergie ". S'il résulte du CCTP du lot n°6 " menuiseries extérieures " que les exigences thermiques s'appliquent aux ouvrages d'occultation des façades rideaux, la mission du contrôleur technique ne porte toutefois, ainsi que cela résulte des termes mêmes de l'article 1.1.7.2 du CCTP du contrôle technique, que sur les seuls ouvrages et éléments d'équipement expressément signalés au contrôleur technique. Or, la société Bureau Veritas Construction fait valoir, sans être sérieusement contestée, que les volets roulants n'étaient pas inclus dans la note de calcul thermique.

16. Par suite, les désordres litigieux doivent être regardés comme étant étrangers aux missions confiées à la société Bureau Veritas Construction dans le cadre du marché de l'hôpital Nord Franche-Comté.

17. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens qu'elle soulève, la société Bureau Veritas Construction est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a estimé que sa responsabilité était de nature à être engagée sur le fondement des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs.

En ce qui concerne les conclusions subsidiaires et très subsidiaires :

18. Le présent arrêt fait droit aux conclusions présentées à titre principal par la société Bureau Veritas Construction. Par suite, les conclusions qu'elle présente à titre subsidiaire ou très subsidiaire tendant à ce que les condamnations mises à sa charge soient limitées à la somme de 22 810 euros, à ce que la société Catherine Dormoy Architecte et Me A..., mandataire judiciaire de la société Loichot soient condamnés à la garantir intégralement des condamnations qui pourraient être mises à sa charge et au rejet de toute demande de condamnation conjointe et solidaire dirigée contre elle ne peuvent qu'être rejetées.

19. En outre, les articles L. 621-40 à L. 621-46 du code de commerce régissent les conditions dans lesquelles peuvent être produites puis payées les créances détenues sur une entreprise qui fait l'objet d'une procédure collective. L'article L. 622-21 du même code fixe, en outre, le principe de la suspension ou de l'interdiction, à compter du jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde, de toute action en justice tendant au paiement d'une somme d'argent ou à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent de la part de tous les créanciers autres que ceux détenteurs d'une créance postérieure privilégiée. Ainsi, il résulte de ces dispositions qu'il appartient de façon exclusive à l'autorité judiciaire de statuer sur l'admission ou la non-admission des créances déclarées. Par suite, les conclusions présentées à titre subsidiaire par la société Bureau Veritas Construction tendant à ce que la cour ordonne l'inscription de la créance que la société requérante détient au passif de la société Loichot, qui sont portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître, ne peuvent, en tout état de cause, qu'être rejetées.

20. Il résulte de tout ce qui précède que la responsabilité de la société Bureau Veritas Construction sur le fondement des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs n'est pas engagée et qu'aucune condamnation ne saurait être mise à sa charge au titre des désordres litigieux. Les articles 1er, 2 et 3 du jugement attaqué doivent, en conséquence, être annulés en ce qu'ils concernent la société requérante. Dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, les conclusions présentées par l'hôpital Nord Franche-Comté à l'encontre de la société Bureau Veritas Construction devant le tribunal administratif de Besançon et en appel doivent, par suite, être rejetées.

Sur l'appel incident de l'hôpital Nord Franche-Comté :

21. Par la voie de l'appel incident, l'hôpital Nord Franche-Comté, maître d'ouvrage, demande qu'il soit fait droit à l'intégralité des demandes indemnitaires qu'il a présentées en première instance.

En ce qui concerne la recevabilité de l'appel incident :

22. Dans son mémoire en réplique, enregistré le 8 novembre 2018, l'hôpital Nord Franche-Comté reprend, dans ses conclusions, l'ensemble de ses demandes indemnitaires. Par suite, la fin de non-recevoir soulevée par la société Catherine Dormoy Architecte tirée de l'absence de reprise des différentes demandes indemnitaires du maître d'ouvrage dans ses conclusions présentées en appel ne peut qu'être rejetée.

En ce qui concerne l'imputabilité des désordres :

23. En premier lieu, il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise, que le groupement de maîtrise d'oeuvre dont la société Catherine Dormoy Architecte est le mandataire commun, n'a pas pris en compte, lors de la rédaction des pièces contractuelles du marché, les particularités inhérentes à la construction d'une façade semi-rigide. Il n'a pas davantage pris en compte les interactions entre les différents éléments constitutifs de la façade semi-rideau et les dispositions particulières en résultant lors de l'élaboration des études de synthèse à partir des plans d'exécution des ouvrages et notes de calcul qui lui étaient transmis par les constructeurs et notamment par la société Loichot. La responsabilité du groupement de maîtrise d'oeuvre est ainsi susceptible d'être engagée sur le fondement des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif de Besançon.

24. En deuxième lieu, l'expert impute également les désordres à un défaut de mise en oeuvre. Il observe en effet que la société Loichot, chargée d'installer les volets roulants, n'a pas respecté les tolérances admissibles définies par le fournisseur. Le géomètre a ainsi constaté des écarts de forme et de position relatifs à la position de l'arbre d'enroulement, à la forme et à la verticale des coulisses. Ce défaut de mise en oeuvre est imputable à la société Loichot, dont la responsabilité est engagée sur le fondement des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif de Besançon.

25. En dernier lieu, ainsi qu'il est dit au point 20 du présent arrêt, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Besançon, la responsabilité de la société Bureau Veritas Construction n'est pas susceptible d'être engagée sur le fondement des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs au titre des désordres affectant les volets roulants.

En ce qui concerne les condamnations prononcées par le jugement attaqué :

26. En premier lieu, le jugement attaqué a fait droit à la demande de l'hôpital Nord Franche-Comté tendant à la condamnation conjointe et solidaire des sociétés Catherine Dormoy Architecte, Loichot et Bureau Veritas Construction, à lui verser la somme de 220 807,04 euros hors taxes au titre de la reprise des désordres affectant les volets roulants, qui correspond à l'estimation de ces travaux par l'expert, qui comprennent le démontage des volets roulants et une pose à l'identique cependant indépendante des tableaux. En l'absence de contestation sur ce point, il y a lieu de confirmer le jugement attaqué en ce qui concerne le montant des travaux de reprise des désordres. Cependant, il résulte de ce qui est dit au point 20 du présent arrêt que dès lors que la responsabilité de la société Bureau Veritas Construction n'est pas de nature à être engagée sur le fondement des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs au titre des désordres litigieux, elle ne saurait être condamnée, conjointement et solidairement avec les sociétés Catherine Dormoy Architecte et Loichot à verser cette somme à l'hôpital Nord Franche-Comté.

27. En deuxième lieu, afin de limiter la gêne résultant pour les patients des désordres affectant les volets roulants, l'hôpital Nord Franche-Comté a procédé à l'achat de films solaires et de stores à bandes verticales qu'il a fait poser par les sociétés Sauriat et Genet Fermetures. Ces mesures conservatoires ont un lien direct avec les désordres en litige. Elles étaient également urgentes et indispensables, eu égard au public accueilli dans le bâtiment de soins de suite du centre hospitalier. Le maître de l'ouvrage justifie avoir exposé, à cet égard, une somme de 33 831 euros hors taxes et non de 31 881 euros hors taxes comme l'a retenu le jugement attaqué ou encore de 33 881 euros hors taxes comme le mentionne l'hôpital Nord Franche-Comté en appel. Par suite, il y a lieu de mettre à la charge, conjointe et solidaire, de la société Loichot et de la société Catherine Dormoy Architecte la somme de 33 831 euros hors taxes au titre des mesures conservatoires. Ainsi qu'il est dit au point précédent, aucune condamnation ne peut être mise à la charge du contrôleur technique au titre de ce chef de préjudice.

28. En dernier lieu, le montant du préjudice dont le maître d'ouvrage est fondé à demander la réparation aux constructeurs à raison des désordres affectant l'ouvrage qu'ils ont réalisé correspond aux frais qu'il doit engager pour les travaux de réfection. Ces frais comprennent, en règle générale, la taxe sur la valeur ajoutée, élément indissociable du coût des travaux, à moins que le maître de l'ouvrage ne relève d'un régime fiscal qui lui permet normalement de déduire tout ou partie de cette taxe de celle dont il est redevable à raison de ses propres opérations. Il appartient aux constructeurs mis en cause d'apporter au juge tout élément de nature à remettre en cause la présomption de non assujettissement de la collectivité publique à la taxe sur la valeur ajoutée et à établir que le montant de celle-ci ne devait pas être inclus dans le montant du préjudice indemnisable. Le jugement attaqué a fait droit à la demande de l'hôpital Nord Franche-Comté tendant à ce que le montant des travaux de reprise et des mesures conservatoires soit assorti de la taxe sur la valeur ajoutée au taux de 14 % correspondant à la différence entre le taux de 20% effectivement payé et celui de 6% récupérable. Cependant, il résulte de l'instruction qu'à l'exception de la dernière facture d'un montant de 5 250 euros réglée en mai 2014, le taux de la TVA appliqué sur les autres sommes réglées au titre des mesures conservatoires était de 19,6% et non de 20% et qu'ainsi la différence de taux de TVA est de 13,6% et non de 14%. Par suite, il y a lieu d'ajouter la somme de 4 622 euros au titre de la taxe sur la valeur ajoutée à la somme de 33 831 euros mentionnée au point précédent, soit une somme totale de 38 453 euros TTC au titre des mesures conservatoires.

En ce qui concerne la perte de recettes nettes au titre de l'année 2011 :

29. L'hôpital Nord Franche-Comté demande à être indemnisé de la perte de recettes nettes qu'il a subie en 2011 en raison des désordres affectant les volets roulants. Il fait valoir qu'il a connu une perte de recettes correspondant à 188 journées au prix moyen de 668,14 euros, soit 125 610 euros, dont il convient de déduire les charges variables d'exploitation qui s'élèvent à 4,10 % par jour. Il demande, en conséquence, à être indemnisé de la perte de recettes nettes subie à hauteur, en appel, de la somme de 120 460 euros.

30. Cependant, l'hôpital Nord Franche-Comté ne justifie pas de la réalité du préjudice subi en relevant que 56 volets roulants sur 114 étaient affectés de désordres en 2011 et en produisant un seul courriel datant de l'année 2011 relatif à des plaintes de patients. Les autres courriels datent de 2009, 2010 et 2012. Certaines de ces plaintes, peu nombreuses au demeurant, ont conduit à des changements de chambres et à la fermeture temporaire de quelques chambres, sans permettre d'établir l'inoccupation correspondant à 188 journées en 2011. Ainsi, alors même que l'hôpital Nord Franche-Comté justifie des modalités de calcul de ses charges variables d'exploitation et de la perte de recettes nettes, il n'établit pas avoir perdu 188 journées sur 43 800 journées réalisées en 2011, soit une inoccupation des chambres à hauteur de 0,4 %, en raison des désordres affectant les volets roulants, à l'exclusion de tout autre motif, tenant notamment à son organisation. Le centre hospitalier fait en effet valoir que ses chambres sont constamment occupées, eu égard au caractère très restreint des possibilités de réorganisation interne et à la difficulté de transférer des patients vers d'autres structures, telles qu'en amont les lits des services de chirurgie et obstétrique et en aval, les établissements pour personnes âgées dépendantes, qui sont également saturés. Il produit à cet égard une attestation du 17 septembre 2018 du directeur de l'hôpital selon laquelle, depuis l'ouverture du service en 2007, " toutes les chambres sont occupées en permanence ", ce qui contredit l'inoccupation alléguée des chambres. Par suite, ni la réalité du préjudice, ni le lien de causalité entre les désordres litigieux et l'inoccupation alléguée des chambres ne sont établis. La demande de l'hôpital Nord Franche-Comté au titre de la perte nette de recettes en 2011 doit, en conséquence, être rejetée.

En ce qui concerne les préjudices d'exploitation et d'image :

31. Le jugement attaqué a évalué le préjudice d'exploitation et d'image subi par l'hôpital Nord Franche-Comté en raison des désordres à la somme de 10 000 euros. Le tribunal administratif de Besançon relève que les désordres ont perturbé le bon fonctionnement du service public en raison des efforts déployés par l'hôpital Nord Franche-Comté pour remédier à la gêne occasionnée aux patients, ainsi qu'aux efforts de communication à la suite des plaintes des patients et de leurs familles. Il rejette, en revanche, le préjudice esthétique allégué.

32. En appel, l'hôpital Nord Franche-Comté fait valoir que les volets roulants ont parfois été bloqués de biais et que des lames étaient cassées ou manquantes, certains volets étant bloqués en position ouverte avec des cales en bois et ce pendant une longue durée. Eu égard aux dimensions des baies vitrées, soit 4 m² et à la configuration du bâtiment, qui comporte des angles droits, les désordres ont généré, selon l'hôpital, un réel préjudice esthétique dont il a dû se justifier auprès des patients et de leurs familles. Cependant, il ne résulte pas de l'instruction que le bâtiment de soins de suite présenterait une qualité architecturale telle que le blocage des volets roulants de biais et les lames manquantes auraient nui à l'image de l'hôpital Nord Franche-Comté et entraîné des préjudices esthétique et d'exploitation liés. Il résulte en effet de l'instruction et notamment des écritures mêmes de l'hôpital Nord Franche-Comté qu'il a continué à recevoir de très nombreuses demandes d'admission malgré le caractère inesthétique de la façade qui n'a pas incité les patients à se diriger vers d'autres établissements. Par suite, il n'y a pas lieu de porter le préjudice de l'hôpital Nord Franche-Comté au titre des troubles de jouissance à la somme de 50 000 euros.

En ce qui concerne le constat d'huissier du 4 mai 2010 :

33. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties (...) ".

34. L'hôpital Nord Franche-Comté relève qu'il a fait réaliser un constat d'huissier, le 4 mai 2010, afin d'établir la réalité des désordres pour appuyer sa demande de référé tendant à la désignation d'un expert. Il a exposé une somme de 390,51 euros pour ce constat. Cependant, ainsi que l'a relevé le jugement attaqué, ce constat n'a pas été réalisé à l'occasion de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Besançon, le 27 septembre 2010. Ainsi, alors même que l'hôpital Nord Franche-Comté aurait pu inclure cette somme dans le montant des préjudices dont il peut demander réparation, à condition toutefois d'établir que ce constat a été utile dans le cadre de la procédure, ces frais ne relèvent pas des dépens en application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, en conséquence, de réformer le jugement attaqué sur ce point.

35. Il résulte de tout ce qui précède que l'hôpital Nord Franche-Comté est seulement fondé à demander, par la voie de l'appel incident, que la société Catherine Dormoy Architecte et la société Loichot, auxquelles les désordres sont imputables ainsi qu'il est dit aux points 23 et 24 du présent arrêt, soient condamnées, conjointement et solidairement, à lui verser la somme de 38 453 euros TTC au titre des mesures conservatoires.

36. Par suite, le montant de la condamnation de 298 064 euros toutes taxes comprises prononcée par l'article 1er du jugement attaqué doit être porté à la somme de 300 173 euros TTC.

37. Le jugement attaqué doit être réformé dans cette mesure. Le surplus des conclusions présentées par la voie de l'appel incident par l'hôpital Nord Franche-Comté doit être rejeté.

Sur les dépens :

38. Les frais d'expertise ont été taxés et liquidés par une ordonnance de taxation du président du tribunal administratif de Besançon du 20 mars 2015 à la somme de 79 549,74 euros TTC. Le jugement attaqué met les frais d'expertise, conjointement et solidairement, à la charge de la société Catherine Dormoy Architecte, de la société Loichot et de la société Bureau Veritas Construction. Il ajoute à cette somme celle de 1 440 euros TTC correspondant à la dépose et à la repose de panneaux dans le cadre des opérations d'expertise, soit la somme totale de 80 989,74 euros TTC au titre des dépens.

39. Il résulte de ce qui est dit au point 20 du présent arrêt que les dépens ne peuvent pas être mis à la charge de la société Bureau Veritas Construction, dont la responsabilité n'est pas susceptible d'être engagée sur le fondement des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs dans le cadre du présent litige.

40. Par suite, il y a lieu de mettre la somme de 80 989,74 euros TTC à la charge conjointe et solidaire de la société Catherine Dormoy Architecte et de la société Loichot.

Sur les appels en garantie :

41. Il résulte de ce qui est dit au point 20 du présent arrêt, qu'en l'absence de responsabilité de la société Bureau Veritas Construction au titre des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs et de condamnation mise à sa charge par le présent arrêt, les conclusions en appel en garantie dirigées contre elle par la société Loichot et la société Catherine Dormoy Architecte devant le tribunal administratif de Besançon ne peuvent qu'être rejetées. Les conclusions en appel en garantie présentées par la société Bureau Veritas Construction contre ces mêmes sociétés devant le tribunal administratif de Besançon et en appel doivent également être rejetées.

42. Par suite, les articles 4, 5 et 6 du jugement du 21 décembre 2017 du tribunal administratif de Besançon, qui statuent sur les appels en garantie, doivent être annulés.

43. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les appels en garantie présentés par la société Loichot et la société Catherine Dormoy Architecte devant le tribunal administratif de Besançon.

44. Eu égard aux fautes commises par la société Catherine Dormoy Architecte dans la conception de la façade du bâtiment et l'élaboration des études de synthèse, ainsi qu'il est dit au point 23 du présent arrêt, il sera fait une juste appréciation de sa part de responsabilité dans les désordres litigieux en la fixant à 40 % des condamnations prononcées par les points 36 et 40 du présent arrêt.

45. La part de responsabilité de la société Loichot, à laquelle des défauts d'exécution sont imputables, ainsi qu'il est dit au point 24 du présent arrêt, doit être fixée à 60 % de ces mêmes condamnations.

46. Par suite, il y a lieu de condamner la société Catherine Dormoy Architecte à garantir la société Loichot à hauteur de 40 % des condamnations prononcées par les points 36 et 40 du présent arrêt. La société Loichot doit être condamnée à garantir la société Catherine Dormoy Architecte à hauteur de 60 % de ces mêmes sommes.

Sur l'appel provoqué de la société Catherine Dormoy Architecte :

47. L'intervention de la société MMA Iard n'est pas admise. Par suite, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions présentées seulement à titre subsidiaire par la société Catherine Dormoy Architecte tendant à ce que, dans l'hypothèse où son intervention serait admise, la société MMA Iard soit appelée à la garantir à hauteur de 60% des condamnations mises à sa charge.

Sur les frais liés au litige :

48. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société Bureau Veritas Construction le versement de la somme que demandent l'hôpital Nord Franche-Comté et la société Catherine Dormoy Architecte au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

49. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'hôpital Nord Franche-Comté le versement à la société Bureau Veritas Construction de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

50. La société MMA Iard n'a pas la qualité de partie à l'instance. Les conclusions qu'elle présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et celles qui sont présentées contre elle doivent, en conséquence, être rejetées.

51. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Catherine Dormoy Architecte le versement à l'hôpital Nord Franche-Comté de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

52. Le surplus des conclusions présentées par la société Bureau Veritas Construction, l'hôpital Nord Franche-Comté et la société Catherine Dormoy Architecte au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejeté.

D E C I D E :

Article 1er : L'intervention de la société MMA Iard n'est pas admise.

Article 2 : Les articles 1er, 2 et 3 du jugement du 21 décembre 2017 du tribunal administratif de Besançon sont annulés en ce qu'ils concernent la société Bureau Veritas Construction.

Article 3 : Les articles 4, 5 et 6 du jugement du 21 décembre 2017 du tribunal administratif de Besançon sont annulés.

Article 4 : Les conclusions présentées par l'hôpital Nord Franche-Comté contre la société Bureau Veritas Construction devant le tribunal administratif de Besançon et en appel et les conclusions en appel en garantie présentées par la société Loichot et la société Catherine Dormoy Architecte contre la société Bureau Veritas Construction devant le tribunal administratif de Besançon sont rejetées.

Article 5 : La société Loichot et la société Catherine Dormoy Architecte sont condamnées, conjointement et solidairement, à verser à l'hôpital Nord Franche-Comté la somme totale de 300 173 euros TTC au titre des travaux de reprise des désordres, des mesures conservatoires et des troubles de jouissance.

Article 6 : La somme de 80 989,74 euros au titre des dépens est mise à la charge conjointe et solidaire de la société Catherine Dormoy Architecte et de la société Loichot.

Article 7 : La société Catherine Dormoy Architecte est condamnée à garantir la société Loichot à hauteur de 40 % des condamnations prononcées par les articles 5 et 6 du présent arrêt.

Article 8 : La société Loichot est condamnée à garantir la société Catherine Dormoy Architecte à hauteur de 60 % des condamnations prononcées par les articles 5 et 6 du présent arrêt.

Article 9 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions en appel provoqué présentées à titre subsidiaire par la société Catherine Dormoy Architecte.

Article 10 : L'hôpital Nord Franche-Comté versera à la société Bureau Veritas Construction la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 11 : La société Catherine Dormoy Architecte versera à l'hôpital Nord Franche-Comté la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 12 : Le surplus des conclusions présentées par l'hôpital Nord Franche-Comté et par la société Catherine Dormoy Architecte, les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par la société MMA Iard et le surplus des conclusions présentées par la société Bureau Veritas Construction au titre des mêmes dispositions sont rejetés.

Article 13 : Les articles 1er, 2 et 3 jugement du 21 décembre 2017 du tribunal administratif de Besançon sont réformés en ce qu'ils ont de contraire au présent arrêt.

Article 14 : Le présent arrêt sera notifié à la société Bureau Veritas Construction, à l'hôpital Nord Franche-Comté, à la société Catherine Dormoy Architecte, à la société Loichot, à la société MMA Iard et à la SCP A... Delval, mandataire judiciaire de la société Loichot.

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18NC00396


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NC00396
Date de la décision : 27/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01-04 Marchés et contrats administratifs. Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage. Responsabilité décennale.


Composition du Tribunal
Président : M. DEVILLERS
Rapporteur ?: Mme Christine GRENIER
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : SCP DRAGHI - ALONSO

Origine de la décision
Date de l'import : 07/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-12-27;18nc00396 ?
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