La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/12/2019 | FRANCE | N°18NC00348

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 27 décembre 2019, 18NC00348


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Kohler France a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 4 août 2016 par laquelle la ministre chargée du travail a refusé de l'autoriser à licencier M. D... B... pour insuffisance professionnelle.

Par un jugement n° 1601647, 1602057 du 14 décembre 2017, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 février 2018, et un mémoire complémentai

re, enregistré le 19 juillet 2019, la société Kohler France, représentée Me E..., demande à la cour...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Kohler France a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 4 août 2016 par laquelle la ministre chargée du travail a refusé de l'autoriser à licencier M. D... B... pour insuffisance professionnelle.

Par un jugement n° 1601647, 1602057 du 14 décembre 2017, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 février 2018, et un mémoire complémentaire, enregistré le 19 juillet 2019, la société Kohler France, représentée Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 14 décembre 2017 en tant qu'il a rejeté sa demande ;

2°) d'annuler la décision de la ministre du travail du 4 août 2016 ;

3°) d'enjoindre à la ministre du travail, à titre principal, d'autoriser le licenciement de M. B..., dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande d'autorisation de licenciement, dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que la ministre puis le tribunal administratif ont considéré que l'insuffisance professionnelle de M. B... n'était pas établie ;

- M. B... n'est pas fondé à soutenir que la demande d'autorisation de licenciement présente un lien avec ses mandats.

Par un mémoire, enregistré le 18 avril 2018, M. D... B..., représenté par Me F..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 500 euros soit mise à la charge de la société Kohler France sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- aucun des moyens invoqués par la société n'est fondé ;

- la procédure de licenciement a été irrégulière ; la consultation du comité d'établissement a été irrégulière ;

- la demande de la société Kohler France ne pouvait être que rejetée dès lors qu'il n'a pas bénéficié de formations adéquates, que son employeur n'a pas satisfait à son obligation de reclassement et que la demande présente un lien avec ses mandats syndicaux.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 octobre 2019, la ministre du travail conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir qu'elle s'en rapporte aux écritures qu'elle a produites en première instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de Mme Seibt, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., substituant Me E..., pour la société Kohler France.

Considérant ce qui suit :

1. La société Kohler France a sollicité l'autorisation de licencier pour insuffisance professionnelle M. B..., qui exerce les fonctions de dessinateur projeteur et qui est, par ailleurs, délégué syndical, représentant syndical au comité d'établissement et conseiller du salarié. Par une décision du 7 décembre 2015, l'inspectrice du travail compétente a autorisé ce licenciement. M. B... a formé un recours hiérarchique contre cette décision. Par une décision du 4 août 2016, la ministre du travail a annulé la décision de l'inspectrice du travail du 7 décembre 2015, a retiré la décision implicite rejetant le recours hiérarchique de M. B... et, enfin, a refusé de délivrer à la société Kohler France l'autorisation de licenciement sollicitée. La société Kohler France a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne l'annulation de cette dernière décision. Elle relève appel du jugement 14 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par l'insuffisance professionnelle du salarié, il appartient à l'inspecteur du travail, et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si ladite insuffisance est telle qu'elle justifie le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé, des caractéristiques de l'emploi exercé à la date à laquelle elle est constatée, des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont le salarié est investi et de la possibilité d'assurer son reclassement dans l'entreprise. En outre, le licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé.

3. M. B... a été embauché par la société Kohler France le 15 mars 2012 en qualité de " dessinateur-projeteur ". Cet emploi était classé au niveau V, échelon 2, coefficient 335 de la convention collective de la métallurgie de la Marne. Pour caractériser l'insuffisance professionnelle de ce salarié, la société Kohler France se prévaut de manquements constatés dans la réalisation de trois projets qui lui avaient été confiés le 25 novembre 2014 : le projet de " migration de robinetterie de cuisine ", pour lequel le salarié devait adapter un modèle de mitigeur créé pour le marché chinois afin qu'il puisse être commercialisé sur d'autres marchés, un projet de création et de développement d'une bague de température qui impliquait que M. B... modifie la conception des bagues de température équipant des mitigeurs vendus à des particuliers afin de les rendre plus résistantes et ainsi utilisables dans un milieu professionnel, notamment dans des établissements ouverts au public, et, enfin, un projet d'étude de la faisabilité technique d'une colonne " bain/douche " créée par le service de design de la société. La société reproche au salarié d'avoir, pour ces trois projets, rendu un travail en retard et non conforme à ce que l'on pouvait attendre d'un dessinateur-projeteur, agent de maîtrise de niveau V.

4. Il est vrai que le salarié s'est vu à plusieurs reprises reprocher le non-respect des délais qui lui étaient impartis pour réaliser les projets qui lui étaient confiés. M. B... a ainsi fait l'objet d'un rappel à l'ordre le 23 juillet 2014 et d'une mise à pied disciplinaire le 22 septembre 2014. Toutefois, s'agissant du premier projet pour lequel l'intéressé a remis ses travaux le 23 décembre 2014, il ressort des pièces du dossier que M. B... n'en a été informé que le 1er décembre et qu'il était absent quatre jours entre cette date et la date de dépôt qui lui avait été fixée, soit le 19 décembre 2014. Par ailleurs, si M. B... a considéré que le produit était commercialisable et si cette appréciation s'est avérée inexacte, cette circonstance ne permet pas, à elle seule, de démontrer que le salarié a fait preuve d'insuffisance professionnelle dans la réalisation de ce projet alors que l'intéressé fait valoir que cette mission nécessitait un travail conséquent.

5. En outre, s'agissant du deuxième projet, si la société reproche à M. B... de lui avoir fait perdre une chance de soumissionner à un appel d'offres, il est constant que le salarié n'a pas été informé de ce que le projet en cause lui avait été confié afin de répondre à cet appel d'offres. De plus, il ressort des pièces du dossier que ce projet apparaissait dans les plannings de la société dès le mois de mars 2014 et qu'il n'a été confié au salarié que fin novembre 2014. La ministre a également relevé dans la décision litigieuse que le délai de réalisation de ce projet était initialement de neuf semaines et qu'il a été réduit à moins de quatre semaines lorsqu'il a été confié à M. B.... La société ne justifie pas, par les pièces qu'elle produit, une telle diminution du délai de réalisation et n'établit pas que le travail sollicité pouvait être effectué dans le délai imparti. Elle ne conteste par ailleurs pas que la réalisation d'un modèle définitif ne pouvait relever de la seule responsabilité du salarié.

6. Enfin, il est constant que le troisième projet confié à M. B... relevait d'un niveau d'expertise élevé et impliquait des échanges avec des salariés de plusieurs services. La société fait valoir que ce projet correspondait aux qualifications du salarié et que ce dernier, qui devait rendre son travail le 19 décembre 2014, a rendu le 5 janvier 2015 un projet s'abstenant de proposer une solution à la principale difficulté de l'installation. Toutefois, dans les circonstances de l'espèce et alors que le salarié, qui avait bénéficié de deux jours d'autorisation d'absence dans le cadre de ses activités syndicales et qui avait été en arrêt de maladie deux autres jours, était engagé simultanément dans trois projets, cette circonstance ne permet pas de démontrer que le salarié a fait preuve d'insuffisance professionnelle dans la réalisation de ce projet.

7. Il ne ressort ainsi pas des pièces du dossier que c'est à tort que la ministre chargée du travail a considéré que l'insuffisance professionnelle de M B... n'était pas établie.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la société Kohler France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la société Kohler France au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de cette société une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête présentée par la société Kohler France est rejetée.

Article 2 : La société Kohler France versera à M. B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Kohler France, à M. D... B... et à la ministre du travail.

2

N° 18NC00348


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NC00348
Date de la décision : 27/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-035-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Motifs autres que la faute ou la situation économique. Insuffisance professionnelle.


Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: Mme Guénaëlle HAUDIER
Rapporteur public ?: Mme SEIBT
Avocat(s) : PELLETIER DENIS

Origine de la décision
Date de l'import : 07/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-12-27;18nc00348 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award