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27/12/2019 | FRANCE | N°18NC00243

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 27 décembre 2019, 18NC00243


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 1er septembre 2016 par laquelle l'inspecteur du travail de l'unité de contrôle des Ardennes a autorisé la société Deville Industries à le licencier pour motif économique.

Par un jugement n° 1602190 du 30 novembre 2017, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 janvier 2018, M. E... D..., repr

senté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 30 novembre 2017 ;

2°) d'a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 1er septembre 2016 par laquelle l'inspecteur du travail de l'unité de contrôle des Ardennes a autorisé la société Deville Industries à le licencier pour motif économique.

Par un jugement n° 1602190 du 30 novembre 2017, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 janvier 2018, M. E... D..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 30 novembre 2017 ;

2°) d'annuler la décision de l'inspecteur du travail de l'unité de contrôle des Ardennes du 1er septembre 2016 ;

3°) de refuser d'autoriser son licenciement ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- en se bornant à envoyer aux autres sociétés des lettres circulaires, son employeur n'a pas satisfait à l'obligation de reclassement personnalisée à laquelle il était tenu en application des dispositions de l'article L. 1233-4 du code du travail ; la recherche de reclassement n'a été ni personnalisée, ni loyale ;

- l'obligation conventionnelle de reclassement a été méconnue ; son employeur n'a pas saisi la commission paritaire de l'emploi compétente dans le cadre d'une recherche personnalisée et n'a effectué de recherches de reclassement qu'auprès de sociétés dans le secteur d'activité de la métallurgie.

Par un mémoire, enregistré le 3 octobre 2018, Me H..., liquidateur judiciaire de la société Deville Industries, représenté par Me I..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 100 euros soit mise à la charge de M. D... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir qu'aucun des moyens du requérant n'est fondé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 octobre 2019, la ministre du travail conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir qu'elle s'en rapporte aux écritures produites par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) Grand Est en première instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- l'accord national interprofessionnel du 10 février 1969 relatif à la sécurité de l'emploi ;

- l'accord national du 12 juin 1987 sur les problèmes généraux de l'emploi ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme G...,

- les conclusions de Mme Seibt, rapporteur public,

- et les observations de Me C... pour M. D....

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement du 7 avril 2016, le tribunal de commerce de Sedan a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Deville Industries, qui exerce une activité de conception, fabrication, achat et vente de divers systèmes de chauffage. Par un deuxième jugement du 16 juin 2016, il a, d'une part, arrêté le plan de cession totale de la société au profit de la société Invicta, d'autre part, ordonné la reprise de trente-huit postes de travail et, enfin, autorisé le licenciement pour motif économique du personnel non repris, soit quarante salariés. La procédure de redressement judiciaire a été convertie en liquidation judiciaire par un jugement du 23 juin 2016. Le 27 juin 2017, la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Alsace, Champagne-Ardenne, Lorraine a validé l'accord collectif majoritaire dans l'entreprise, qui avait été conclu pour déterminer les mesures du plan de sauvegarde de l'emploi. Le 1er septembre 2016, l'inspectrice du travail de l'unité de contrôle des Ardennes a autorisé le licenciement, pour motif économique, de M. D..., qui occupait les fonctions de " technicien méthodes " et qui était, par ailleurs, ancien membre du CHSCT. M. D... relève appel du jugement du 30 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 1233-4 du code du travail dans sa rédaction alors applicable : " Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie. / Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. / Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises ".

3. Pour apprécier si l'employeur a satisfait à son obligation en matière de reclassement, l'autorité administrative doit s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, qu'il a procédé à une recherche sérieuse des possibilités de reclassement du salarié, tant au sein de l'entreprise que dans les entreprises du groupe auquel elle appartient, ce dernier étant entendu, à ce titre, comme l'ensemble des entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel.

4. Il ressort des pièces du dossier que l'administrateur judiciaire a saisi les entreprises du groupe Aryes, auquel la société Deville Industries appartenait, afin de déterminer si elles disposaient, ou étaient susceptibles de disposer, d'emplois correspondant à ceux occupés par les salariés dont le licenciement était envisagé et notamment par M. D.... Il ressort également des pièces du dossier qu'un état des catégories professionnelles des salariés dont le licenciement était envisagé et les fiches de poste de ces salariés étaient joints à ces courriers. La seule circonstance que l'employeur aurait envoyé le même courrier à l'ensemble de ces sociétés n'est pas de nature, à elle seule, à démontrer que l'employeur n'aurait pas procédé à une recherche de reclassement personnalisée. Par ailleurs, M. D..., qui exerçait des fonctions de " technicien méthodes ", a été destinataire, le 29 juin 2016, d'une proposition de reclassement pour quatre postes correspondant à ses qualifications. Dans ces conditions et alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que d'autres postes auraient pu être proposés au salarié, l'inspectrice du travail a pu légalement considérer qu'une recherche sérieuse des possibilités de reclassement avait été effectuée au sein des entreprises du groupe et que la société avait ainsi satisfait à l'obligation de recherche de reclassement qui lui incombait au titre des dispositions précitées.

5. En deuxième lieu, en vertu des dispositions du code du travail, l'autorité administrative saisie d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé doit apprécier si les règles de procédure de licenciement économique d'origine conventionnelle préalables à sa saisine ont été observées. Il résulte des stipulations des articles 5 et 15 du titre premier de l'accord national interprofessionnel du 10 février 1969 relatif à la sécurité de l'emploi que les commissions paritaires de l'emploi ont pour tâche " d'examiner en cas de licenciements collectifs les conditions de mise en oeuvre des moyens de reclassement et de réadaptation ". En outre, aux termes des stipulations de l'article 28 de l'accord national du 12 juin 1987 sur les problèmes généraux de l'emploi alors en vigueur : " Lorsqu'une entreprise sera conduite à réduire ou à cesser son activité, elle recherchera en liaison étroite avec le comité d'entreprise, les délégués syndicaux et les organismes habilités toutes les solutions permettant d'assurer le reclassement du personnel. (...) Si toutefois elle est amenée à envisager un licenciement collectif d'ordre économique, elle doit : (...) - rechercher les possibilités de reclassement à l'extérieur de l'entreprise en particulier dans le cadre des industries des métaux, en faisant appel à la commission territoriale de l'emploi ; (...) - informer la commission territoriale de l'emploi conformément aux dispositions de l'article 2 du présent accord. (...) ".

6. Il résulte de ces stipulations qu'il appartient à l'employeur de saisir la commission territoriale de l'emploi compétente et de rechercher si des possibilités de reclassement externe, notamment dans le cadre des industries des métaux, existent.

7. Il ressort des pièces du dossier que le liquidateur judiciaire a saisi la commission paritaire nationale de l'emploi compétente ainsi que la commission paritaire régionale de Champagne-Ardenne, par des courriers du 18 mai 2016, auxquels étaient joints un état des catégories professionnelles des salariés dont le licenciement était envisagé et les fiches de poste de ces salariés. Il est par ailleurs constant que le liquidateur a, par des courriers du 20 mai 2016, sollicité plus de soixante-dix sociétés situées dans la région afin de connaître les possibilités de reclassement en leur sein. Contrairement à ce que soutient le requérant, au vu des éléments produits par le liquidateur judicaire sur les entreprises sollicitées, il ne ressort pas des pièces du dossier que ce dernier aurait limité ses recherches au seul secteur de la métallurgie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des obligations conventionnelles incombant au liquidateur judiciaire de la société Deville Industries doit être écarté.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Ses conclusions tendant à ce que la cour refuse d'autoriser son licenciement doivent, par voie de conséquence et en tout état de cause, être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante en la présente instance, la somme demandée par M. D... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. En outre, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge du requérant la somme demandée par la société Deville Industries au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête présentée par M. D... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la société Deville Industries tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D..., à Me F... H..., liquidateur judiciaire de la société Deville Industries, à Me A... B..., mandataire judiciaire de la société Deville Industries et à la ministre du travail.

2

N° 18NC00243


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NC00243
Date de la décision : 27/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-03-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Licenciement pour motif économique. Obligation de reclassement.


Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: Mme Guénaëlle HAUDIER
Rapporteur public ?: Mme SEIBT
Avocat(s) : SCA AVOCAT ASSOCIÉ

Origine de la décision
Date de l'import : 07/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-12-27;18nc00243 ?
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