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27/12/2019 | FRANCE | N°17NC02883

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 27 décembre 2019, 17NC02883


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Nancy de condamner le centre hospitalier de l'ouest vosgien à lui verser la somme totale de 135 819 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'infection nosocomiale contractée lors de l'intervention chirurgicale du 3 mars 2014 et du retard dans la prise en charge médicale de cette infection.

Par un jugement n° 1600189 du 29 septembre 2017, le tribunal administratif de Nancy a condamné le centre hospitalier de l'ouest v

osgien à verser respectivement à M. C... et à la Caisse du régime social des...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Nancy de condamner le centre hospitalier de l'ouest vosgien à lui verser la somme totale de 135 819 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'infection nosocomiale contractée lors de l'intervention chirurgicale du 3 mars 2014 et du retard dans la prise en charge médicale de cette infection.

Par un jugement n° 1600189 du 29 septembre 2017, le tribunal administratif de Nancy a condamné le centre hospitalier de l'ouest vosgien à verser respectivement à M. C... et à la Caisse du régime social des indépendants les sommes de 5 510 et de 14 802 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 30 novembre 2017, et un mémoire complémentaire, enregistré le 4 décembre 2019, M. C..., représenté par Me D..., demande à la cour dans le dernier état de ses écritures :

1°) de réformer le jugement n° 1600189 du tribunal administratif de Nancy du 29 septembre 2017 en tant qu'il limite le montant de son indemnisation à la somme de 5 510 euros ;

2°) de condamner le centre hospitalier de l'ouest vosgien à lui verser la somme totale de 196 012 euros ;

3°) de condamner le centre hospitalier de l'ouest vosgien à verser à la caisse du régime social des indépendants la somme de 14 802 euros ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de l'ouest vosgien les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 1 280 euros ;

5°) de mettre à la charge du centre hospitalier de l'ouest vosgien la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la responsabilité du centre hospitalier de l'ouest vosgien est engagée, dès lors que, d'une part, il n'a pas été informé des modalités et des risques liés à l'intervention chirurgicale du 3 mars 2014, d'autre part, il a contracté, à l'occasion de cette opération, une infection nosocomiale liée à la présence d'un staphylocoque doré, enfin, le traitement de cette infection nosocomiale, pourtant identifiée dès le 14 mars 2014, s'est traduit par une prise en charge médicale tardive ;

- contrairement aux conclusions du rapport d'expertise, les dommages subis postérieurement à l'intervention chirurgicale du 3 mars 2014, notamment les douleurs ressenties, sont exclusivement imputables à l'infection nosocomiale ;

- en l'absence de traitement antibiotique adapté ou, en cas d'échec du traitement, de mise en oeuvre rapide d'une intervention chirurgicale, il n'y a pas lieu d'appliquer un coefficient de perte de chance d'échapper aux conséquences dommageables de l'infection nosocomiale ;

- l'exploitation de sa société ayant périclité, de mars 2014 à janvier 2015, du fait de son invalidité, le préjudice économique et l'impact professionnel sont réels et conséquents ;

- il est fondé à réclamer les sommes de 138 443 euros au titre de la perte de gains professionnels actuels et futurs, de 3 169 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, de 10 000 euros au titre des souffrances endurées, de 16 400 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, de 5 000 euros au titre du préjudice d'agrément, de 3 000 euros au titre du préjudice sexuel et de 20 000 euros au titre de la souffrance morale résultant de l'impréparation à la réalisation du risque.

Par un mémoire, enregistré le 15 juin 2018, la Caisse du régime social des indépendants d'Auvergne, agissant pour le compte de la Caisse du régime social des indépendants de Lorraine en vertu d'une convention de délégation du 1er février 2016, représentée par Me A..., d'une part, s'en remet à la sagesse de la cour pour ce qui concerne le montant des indemnités allouées à M. C..., d'autre part, sollicite la condamnation du centre hospitalier de l'ouest vosgien à lui verser les sommes de 20 295,60 euros au titre du remboursement des débours et de 1 066 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, enfin, conclut à la condamnation aux dépens du centre hospitalier de l'ouest vosgien et la mise à sa charge de la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'elle a versé à M. C... la somme de 8 989,92 euros au titre de ses dépenses de santé, dont 2 269,92 euros de frais médicaux et pharmaceutiques, du 14 mars 2014 au 13 mai 2015, ainsi que 11 305,58 euros d'indemnités journalières, du 22 mars 2014 au 18 mars 2015

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 juillet 2018, et un mémoire complémentaire, enregistré le 5 décembre 2019, le centre hospitalier de l'ouest vosgien, représenté par Me E..., conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les prétentions indemnitaires de M. C... ne sont pas justifiées et, en tant qu'elles excèdent sa demande initiale, ne sont pas recevables.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- l'arrêté du 27 décembre 2018, relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Meisse, premier conseiller

- les conclusions de Mme Seibt, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., pour la Caisse du régime social des indépendants d'Auvergne.

Considérant ce qui suit :

1. Gérant d'une société, alors spécialisée dans le ravalement des façades, M. B... C... a été opéré, le 3 mars 2014, au centre hospitalier de l'ouest vosgien à Neufchâteau, d'une hernie inguinale bilatérale, dont le traitement a nécessité la pose, à gauche et à droite, de deux prothèses. A la suite de cette opération, le requérant a ressenti des douleurs et présenté des écoulements au niveau de la cicatrice gauche. Les soins infirmiers à domicile, dont il a bénéficié, s'étant avérés inefficaces, il a consulté le service des urgences de l'établissement, le 14 mars 2014, et les examens effectués à cette occasion ont mis en évidence la présence dans l'organisme d'un " staphylococcus aureus " sensible notamment à la méticilline. En raison de la persistance des douleurs et des écoulements, malgré la prescription de soins locaux externes par un méchage, l'intéressé a été admis, une nouvelle fois, au service des urgences du centre hospitalier de l'ouest vosgien, où l'incision pratiquée au niveau de l'abcès a confirmé, le 6 septembre 2014, l'existence d'une infection par un staphylocoque doré. Finalement hospitalisé du 11 au 16 décembre 2014, le requérant a subi, le lendemain de son admission, une intervention chirurgicale en vue de la dépose de la prothèse inguinale gauche infectée. Cette opération a permis la guérison de l'infection, sans séquelles, une cicatrisation complète étant observée le 27 janvier 2015. Par une requête, enregistrée le 27 janvier 2016, M. C... a saisi le tribunal administratif de Nancy d'une demande tendant à la condamnation du centre hospitalier de l'ouest vosgien à lui verser la somme totale de 135 819 euros en réparation des préjudices qu'il dit avoir subis du fait de la prise en charge des suites opératoires de l'intervention chirurgicale du 3 mars 2014. Il relève appel du jugement n° 1600189 du 29 septembre 2017, qui condamne l'établissement à lui verser la somme de 5 510 euros.

Sur la fin de non-recevoir opposée en défense par le centre hospitalier de l'ouest vosgien :

2. La personne qui a demandé en première instance la réparation des conséquences dommageables d'un fait qu'elle impute à une administration est recevable à détailler ces conséquences devant le juge d'appel, en invoquant le cas échéant des chefs de préjudice dont elle n'avait pas fait état devant les premiers juges, dès lors que ces chefs de préjudice se rattachent au même fait générateur et que ses prétentions demeurent dans la limite du montant total de l'indemnité chiffrée en première instance, augmentée le cas échéant des éléments nouveaux apparus postérieurement au jugement, sous réserve des règles qui gouvernent la recevabilité des demandes fondées sur une cause juridique nouvelle.

3. M. C... a augmenté ses prétentions indemnitaires en appel, sans que cette augmentation soit justifiée par des éléments nouveaux apparus postérieurement au jugement de première instance. Dans ces conditions, ses conclusions à fin d'indemnisation, en tant qu'elles excèdent la somme 135 819 euros, réclamée devant les premiers juges, ne sont pas recevables. Par suite, la fin de non-recevoir opposée en défense par le centre hospitalier de l'ouest vosgien doit être accueillie.

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

En ce qui concerne le principe de la responsabilité :

4. Aux termes du premier paragraphe de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute / Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère ". Aux termes de l'article L. 1111-2 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. (...) / Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser. / Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel. / La volonté d'une personne d'être tenue dans l'ignorance d'un diagnostic ou d'un pronostic doit être respectée, sauf lorsque des tiers sont exposés à un risque de transmission. (...) ".

5. D'une part, il résulte du rapport d'expertise du 15 octobre 2015 que l'infection de M. C... par un staphylocoque doré a été identifiée dès le 14 mars 2014, soit onze jours seulement après l'intervention chirurgicale du 3 mars 2014, et qu'elle doit, en conséquence, être qualifiée de nosocomiale. Le caractère nosocomial de cette infection n'étant pas contesté par le centre hospitalier de l'ouest vosgien et celui-ci n'établissant ni n'alléguant qu'elle résulterait d'une cause étrangère, la responsabilité de cet établissement se trouve engagée par application des dispositions citées ci-dessus du premier paragraphe de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique. La circonstance que la prise en charge médicale de l'infection ait été tardive et non conforme aux bonnes pratiques, selon les conclusions de l'expert, ne saurait faire obstacle à ce que M. C... soit intégralement indemnisé des préjudices subis du fait de sa contraction, sans qu'il y ait lieu d'appliquer, à cet égard, un coefficient de perte de chance.

6. D'autre part, il résulte également du rapport d'expertise du 15 octobre 2015 que les douleurs ressenties par M. C..., postérieurement à l'intervention chirurgicale du 3 mars 2014, ont été causées, non seulement par l'infection nosocomiale, mais également par un aléa thérapeutique connu après la prise en charge médicale d'une hernie inguinale, quelle que soit la technique utilisée. Or, si le requérant a été informé de certaines des conséquences normalement prévisibles de l'opération, aucune information sur les risques de complications liés à la survenance de douleurs chroniques séquellaires n'a été donnée à l'intéressé. Ce défaut d'information, qui n'est pas contesté par le centre hospitalier de l'ouest vosgien, constitue une faute qui engage sa responsabilité.

7. La faute commise par les médecins d'un hôpital au regard de leur devoir d'information du patient n'entraîne pour ce dernier que la perte d'une chance de se soustraire au risque qui s'est réalisé. Ainsi, un manquement à une telle obligation n'est susceptible d'ouvrir droit à réparation que dans la mesure où il a privé ce patient d'une chance de se soustraire au risque lié à l'intervention en refusant qu'elle soit pratiquée. La réparation du dommage résultant de cette perte de chance doit être fixée à une fraction des différents chefs de préjudice qui tient compte du rapprochement entre, d'une part, les risques inhérents à l'acte médical et, d'autre part, les risques encourus en cas de renonciation à cet acte.

8. Il résulte du rapport d'expertise du 15 octobre 2015 que la possibilité pour M. C... de se soustraire à l'opération, qui présentait un risque de douleurs chroniques séquellaires invalidantes, notamment sur le plan professionnel, était réelle. Dans ces conditions et eu égard à l'ensemble des circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation du taux de perte de chance d'éviter de telles douleurs en le fixant à 60 %.

En ce qui concerne le montant de la réparation :

En ce qui concerne l'infection nosocomiale :

Sur les préjudices patrimoniaux :

S'agissant des dépenses de santé :

9. Il résulte de l'instruction, notamment du décompte par la Caisse du régime social des indépendants, que les frais médicaux et pharmaceutiques et les frais d'hospitalisation pris en charge par celle-ci se sont élevés à la somme de 8 503,56 euros pour la période du 14 mars 2014 au 31 décembre 2014.

S'agissant des pertes de revenu :

10. Il résulte de l'expertise comptable produite par M. C... que l'intéressé a perçu, du fait de son activité professionnelle, la somme de 7 570 euros en 2014 contre 16 301 euros en 2012 et 23 835 euros en 2013. Il n'est pas contesté que la perte de revenus professionnels constatée en 2014 s'explique par le fait que le requérant s'est trouvé en arrêt de travail du 14 mars au 31 décembre 2014. Il résulte, toutefois, de l'instruction que M. C... a perçu des indemnités journalières d'un montant de 8 797 euros, qui lui ont été allouées par la Caisse du régime social des indépendants, ainsi qu'une somme de 24 997 euros versée par une assurance privée. Par suite et compte tenu des revenus générés par son activité professionnelle avant son placement en arrêt de travail, le montant total des revenus perçus au titre de l'année 2014 s'élève à la somme de 41 364 euros. Dans ces conditions, le préjudice allégué par M. C... n'est pas établi. En revanche, eu égard aux indications figurant sur son décompte, la Caisse du régime social des indépendants est fondée à solliciter le remboursement de ses débours à hauteur de 8 680,75 euros.

Sur les préjudices extrapatrimoniaux :

S'agissant du déficit fonctionnel temporaire :

11. En premier lieu, il résulte de l'instruction que le rapport d'expertise du 15 octobre 2015 a retenu un déficit fonctionnel temporaire de 45 % pour la période allant du 4 mars au 11 décembre 2014, un déficit fonctionnel temporaire de 100 % pour la période d'hospitalisation allant du 11 au 16 décembre 2014, un déficit fonctionnel temporaire de 15 % pour la période allant du 17 décembre 2014 au 27 janvier 2015 et un déficit fonctionnel temporaire de 10% pour la période allant du 28 janvier 2015 au 3 septembre 2015. M. C... ne peut prétendre à une indemnisation au titre de l'infection nosocomiale pour le déficit fonctionnel de 10 %, qui se rapporte à une période postérieure à la guérison, sans séquelles, de cette infection, survenue le 27 janvier 2015. Dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation de ce poste de préjudice, qui inclut le préjudice temporaire sexuel et le préjudice temporaire d'agrément, en allouant au requérant une somme de 1 900 euros à ce titre.

S'agissant des souffrances endurées :

12. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que le rapport d'expertise du 15 octobre 2015 a évalué l'ensemble des souffrances endurées par M. C... à 3,5 sur 7. Par suite, eu égard à la période concernée par l'infection nosocomiale, comprise entre mars 2014 et janvier 2015, et à l'intensité relativement moyenne de ces souffrances, il sera fait une juste appréciation des souffrances imputables à cette infection en allouant au requérant la somme de 3 000 euros pour ce poste de préjudice.

S'agissant du déficit fonctionnel permanent :

13. En troisième et dernier lieu, le déficit fonctionnel permanent, évalué 10 % dans le rapport d'expertise, ne présente pas de lien direct avec l'infection nosocomiale, dont la guérison sans séquelles a été constatée, ainsi qu'il a déjà été dit, le 27 janvier 2015. Par suite, M. C... ne peut prétendre à une indemnisation à ce titre.

14. Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de condamner le centre hospitalier de l'ouest vosgien à verser à M. C... la somme de 4 900 euros en réparation des préjudices résultant de l'infection nosocomiale contractée. Les débours de la Caisse du régime social des indépendants, en lien avec cette infection, se sont élevés, quant à eux, à la somme de 17 184,31 euros.

En ce qui concerne le défaut d'information :

Sur les préjudices patrimoniaux :

S'agissant des dépenses de santé :

15. Il résulte de l'instruction, spécialement du décompte actualisé des débours de la Caisse du régime social des indépendants, que les frais médicaux et pharmaceutiques pris en charge se sont élevés à la somme de 486,36 euros pour la période allant du 1er janvier au 13 mai 2015. Toutefois, il est constant que les prestations en cause, qui se rapportent à une période antérieure au prononcé du jugement de premier instance, n'ont pas été servies postérieurement au prononcé de ce jugement et que leur remboursement n'a pas été réclamé en temps utile devant les premiers juges. Par suite, la demande de la Caisse sur ce point, qui conduit à une augmentation de ses prétentions indemnitaires en appel, ne peut qu'être rejetée.

S'agissant des pertes de revenu :

16. Il résulte de l'instruction que, postérieurement à la guérison de l'infection nosocomiale le 27 janvier 2015, M. C... est demeuré en arrêt de travail jusqu'au mois d'avril 2015. Il n'est pas contesté que, en raison de ses douleurs chroniques séquellaires, l'intéressé a dû renoncer à exercer une activité professionnelle dans le secteur du bâtiment et s'est reconverti, depuis le mois de juin 2015, dans celui de l'entretien des espaces verts. Selon l'expertise comptable produite par le requérant, les revenus générés par son activité se sont montés à 1 708 euros pour l'année 2015 et 5 974 euros pour l'année 2016. Comparativement aux résultats enregistrés en 2012 et 2013, correspondant pour ces deux années à un revenu annuel moyen de 20 068 euros, la perte de revenus de M. C... s'élève à 18 360 euros pour l'année 2015 et à 14 094 euros pour l'année 2016. Cette perte a été partiellement compensée en 2015 par la perception des sommes de 3 000 et 10 390 euros au titre, respectivement, des indemnités journalières versées par la Caisse du régime social des indépendants et de l'assurance privée souscrite par l'intéressé, la perte nette s'élevant ainsi pour cette année à 4 970 euros, et donc à 19 064 euros au total. Par suite, il sera fait une exacte application de ce chef de préjudice en allouant au requérant, après application du taux de perte de chance de 60 %, la somme de 11 438,40 euros. En revanche, pour les raisons exposées au point précédent, la Caisse du régime social des indépendants n'est pas fondée à solliciter le remboursement total ou partiel la somme de 2 2 624,93 euros correspondant à ses débours sur la période allant du 1er janvier au 18 mars 2015.

Sur les préjudices extrapatrimoniaux :

S'agissant des souffrances endurées :

17. Il résulte de l'instruction que, du fait de l'intervention chirurgicale du 3 mars 2014, M. C... souffre de douleurs séquellaires chroniques. Comme il a été dit au point 12, l'intensité de l'ensemble des douleurs ressenties a été évaluée à 3,5 sur une échelle de 1 à 7. Compte tenu du caractère permanent et invalidant sur le plan professionnel des douleurs imputables à l'aléa thérapeutique, il sera fait une juste appréciation de ce poste de préjudice, dont le montant total peut être estimé à 7 000 euros, en allouant au requérant, après application du taux de perte de chance de 60 %, la somme de 4 200 euros.

S'agissant du déficit fonctionnel temporaire et permanent :

18. Il résulte du rapport d'expertise du 15 octobre 2015 que M. C... a subi un déficit fonctionnel temporaire de 10 % pour la période allant du 28 janvier 2015 au 3 septembre 2015, date de la consolidation de sa pathologie, puis un déficit fonctionnel permanent également estimé à 10 %. Eu égard à l'âge du requérant, il sera fait une juste appréciation de ces chefs de préjudices, dont le montant total s'élève respectivement à 240 et à 18 000 euros, en allouant à l'intéressé, après application du taux de perte de chance de 60 %, les sommes de 144 et de 10 800 euros.

S'agissant du préjudice d'agrément et du préjudice sexuel :

19. Selon le rapport d'expertise du 15 octobre 2015, M. C... a subi un préjudice d'agrément, marqué par l'impossibilité pour l'intéressé de poursuivre ses activités de loisir sportives (vol motorisé, circuit), ainsi qu'un préjudice sexuel en lien avec les douleurs mécaniques et physiques pouvant survenir au cours de l'acte sexuel. Ces postes de préjudice peuvent être estimés respectivement, dans les circonstances de l'espèce, à 2 000 et à 5 000 euros. Compte tenu de l'application du taux de perte de chance de 60 %, il sera alloué au requérant les sommes de 1 200 et de 3 000 euros.

S'agissant du préjudice d'impréparation :

20. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en allouant à M. C... la somme de 1 000 euros à ce titre.

21. Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de condamner le centre hospitalier de l'ouest vosgien à verser à M. C... la somme de 31 782,40 euros en réparation des préjudices résultant du manquement de l'établissement à son obligation d'information sur les risques liés à l'intervention chirurgicale du 3 mars 2014. En revanche, les débours de la Caisse du régime social des indépendants, en lien avec cette faute, ne peuvent donner lieu à réparation.

22. Il résulte de tout ce qui précède que le requérant est fondé à solliciter la condamnation du centre hospitalier de l'ouest vosgien à lui verser la somme totale de 36 682,40 euros. Par suite, il est également fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a limité le montant de son indemnisation à la somme de 5 510 euros. La caisse du régime social des indépendants est quant à elle fondée à demander la condamnation du même établissement à lui payer une somme totale de 17 184,31 euros et à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a limité le montant de son indemnisation à la somme de 14 802 euros.

Sur les conclusions de la Caisse du régime social des indépendants au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion :

23. Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 27 décembre 2018, relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale : " Les montants maximum et minimum de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale sont fixés respectivement à 1080 € et à 107 € au titre des remboursements effectués au cours de l'année 2019 ".

24. En vertu de ces dispositions, la Caisse du régime social des indépendants a droit au versement de la somme de 1 080 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Sur les dépens :

25. D'une part, la présente instance n'ayant pas généré de dépens, les conclusions présentées à ce titre par la caisse du régime social des indépendants doivent être rejetées. D'autre part, le tribunal ayant mis à la charge du centre hospitalier de l'ouest vosgien les frais d'expertise, liquidés et taxés à hauteur de 1 280 euros, les conclusions en ce sens de M. C... ne peuvent, en tout état de cause, qu'être rejetées.

Sur les conclusions à fin d'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

26. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier de l'ouest vosgien le versement à M. C... d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. En revanche, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la caisse du régime social des indépendants en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1600189 du tribunal administratif de Nancy du 29 septembre 2017 est réformé en tant qu'il est contraire au présent arrêt.

Article 2 : Le centre hospitalier de l'ouest vosgien est condamné à verser à M. C... la somme totale de 36 682,40 euros et à la Caisse du régime social des indépendants les sommes de 17 184,31 euros au titre de ses débours et de 1 080 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Article 3 : Le centre hospitalier de l'ouest vosgien versera à M. C... la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de M. C... et de la caisse du régime social des indépendants est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., au centre hospitalier de l'ouest vosgien et à la Caisse du régime social des indépendants d'Auvergne.

N° 17NC02883 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NC02883
Date de la décision : 27/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé.


Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : LOMBARD

Origine de la décision
Date de l'import : 07/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-12-27;17nc02883 ?
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