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03/12/2019 | FRANCE | N°18NC03335

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 03 décembre 2019, 18NC03335


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... E... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 3 novembre 2016 par lequel le maire de la commune d'Andlau s'est opposé à sa déclaration préalable de travaux.

Par un jugement n° 1700049 du 11 octobre 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 11 décembre 2018 et 25 septembre 2019, M. E..., représenté par Me A..., demande

à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 11 octobre 2018 du tribunal administratif de Strasbour...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... E... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 3 novembre 2016 par lequel le maire de la commune d'Andlau s'est opposé à sa déclaration préalable de travaux.

Par un jugement n° 1700049 du 11 octobre 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 11 décembre 2018 et 25 septembre 2019, M. E..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 11 octobre 2018 du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 3 novembre 2016 par lequel le maire de la commune d'Andlau s'est opposé à sa déclaration préalable de travaux ;

3°) de mettre à la charge de la commune d'Andlau la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal n'a pas suffisamment répondu au moyen tiré de la notification irrégulière du courrier du 13 octobre 2016 prolongeant le délai d'instruction de sa demande ;

- il était titulaire d'une décision tacite de non-opposition à déclaration préalable du 6 novembre 2016, qui ne pouvait être retirée sans être motivée et sans qu'il soit mis à même de présenter ses observations en application de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

- le courrier de prolongation des délais d'instruction de sa demande et l'arrêté du 3 novembre 2016 ne lui ont pas été notifiés régulièrement ;

- le tribunal a commis une erreur dans l'appréciation des faits en estimant qu'il avait édifié une construction sans autorisation ;

- il a commis une erreur de droit, dès lors que le mur édifié en bordure de sa propriété dans les années 1930, était dispensé de toute autorisation ;

- l'aménagement limité d'une construction existante est autorisé par le 2 de l'article 6 UA du règlement du plan d'occupation des sols de la commune d'Andlau.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er juillet 2019, la commune d'Andlau, représentée par Me F..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de M. E... le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la prolongation à deux mois du délai d'instruction de sa demande de déclaration préalable a été régulièrement notifiée à M. E... ;

- les autres moyens soulevés par M. E... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 9 septembre 2019, la clôture de l'instruction a été prononcée à compter du 30 septembre 2019.

Un mémoire en défense présenté pour la commune d'Andlau a été enregistré le 18 octobre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'urbanisme ;

- la loi du 15 juin 1943 d'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B..., présidente assesseur,

- les conclusions de M. Louis, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., substituant Me F..., représentant la commune d'Andlau.

Considérant ce qui suit :

1. M. E... est propriétaire d'un bien situé au 5A rue du Kastelberg, classé en zone UB du plan d'occupation des sols de la commune d'Andlau, à proximité des berges de la rivière l'Andlau. Le 6 octobre 2016, il a déposé une déclaration préalable de travaux en vue de couvrir un escalier existant d'accès à un pont situé en contrebas de sa propriété par un ouvrage d'une hauteur hors sol de 1,48 mètre disposant d'une toiture plate. Par un arrêté du 3 novembre 2016, le maire de la commune d'Andlau s'est opposé à cette déclaration préalable au motif que l'ouvrage méconnaissait les dispositions de l'article 6 UA du règlement du plan d'occupation des sols de la commune interdisant l'édification des constructions à moins de 4 mètres des berges de l'Andlau. Par un jugement du 11 décembre 2018, dont M. E... relève appel, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation, pour excès de pouvoir, de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Le tribunal administratif de Strasbourg a répondu, par le point 6 de son jugement, au moyen soulevé par M. E... tiré de ce que le courrier du 14 octobre 2016 prolongeant le délai d'instruction de sa demande d'un mois supplémentaire ne lui avait pas été notifié. En ne répondant pas à tous les arguments soulevés par M. E... au soutien de ce moyen, le tribunal n'a pas entaché son jugement d'insuffisance de motivation. Par suite, le moyen d'insuffisance de motivation du jugement attaqué doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) / 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits (...) ". L'article L. 121-1 du même code énonce que : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable. ". Selon l'article L. 122-1 du même code : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix (...) ". L'article R. 423-23 du code de l'urbanisme énonce que : " Le délai d'instruction de droit commun est de : / a) Un mois pour les déclarations (...) ". Selon l'article R. 423-24 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : " Le délai d'instruction de droit commun prévu par l'article R. 423-23 est majoré d'un mois : (...) / c) Lorsque le projet est situé dans un secteur sauvegardé (...) ". Aux termes de l'article R. 423-43 du même code : " Les modifications de délai prévues par les articles R. 423-24 à R. 423-33 ne sont applicables que si les notifications prévues par la présente sous-section ont été faites (...) ". En vertu de l'article R. 423-46 de ce code : " Les notifications et courriers prévus par les sous-sections 1 et 2 ci-dessus sont adressés par lettre recommandée avec demande d'avis de réception (...) ". L'article R. 424-10 du même code énonce que : " La décision accordant ou refusant le permis ou s'opposant au projet faisant l'objet d'une déclaration préalable est notifiée au demandeur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception postal, ou, dans les cas prévus à l'article R. 423-48, par échange électronique (...) ". Enfin, selon l'article R. 424-1 du même code : " A défaut de notification d'une décision expresse dans le délai d'instruction déterminé comme il est dit à la section IV du chapitre III ci-dessus, le silence gardé par l'autorité compétente vaut, selon les cas : / a) Décision de non-opposition à la déclaration préalable (...) ".

4. D'une part, il résulte des termes mêmes de l'article R. 424-1 du code de l'urbanisme qu'à défaut de notification d'une décision d'opposition dans le délai d'instruction, l'auteur d'une déclaration de travaux exemptés du permis de construire bénéficie d'une décision implicite de non-opposition à déclaration préalable. Ainsi, la notification ultérieure d'une décision d'opposition, même prise avant l'expiration du délai d'acquisition d'une décision implicite de non-opposition, s'analyse comme un retrait de cette décision implicite. La décision implicite de non-opposition ainsi retirée ayant créé des droits au profit de son bénéficiaire, son retrait, qui doit dès lors être motivé en application de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration et ne peut être regardé comme statuant sur une demande au sens de l'article L. 121-1 du même code, ne peut intervenir, conformément aux dispositions de l'article L. 122-1 de ce code, qu'après que l'intéressé a été invité à présenter ses observations.

5. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que M. E... a déposé une déclaration préalable de travaux en vue de couvrir un escalier existant, le 6 octobre 2016. L'arrêté du 3 novembre 2016 du maire de la commune d'Andlau portant opposition à déclaration préalable lui a été notifié par un agent assermenté de la commune, le 9 novembre 2016, soit au-delà du délai d'instruction de droit commun prévu par l'article R. 423-23 du code de l'urbanisme, qui expirait le 6 novembre 2016.

6. Cependant, le projet de M. E... est situé dans le périmètre de protection d'un monument historique et en site inscrit ou classé. Le maire de la commune d'Andlau a, en conséquence, porté à deux mois le délai d'instruction de sa demande de déclaration préalable, par un courrier du 13 octobre 2016. Si M. E... soutient que ce courrier ne lui a pas été notifié régulièrement, il ressort cependant du registre de la commune d'Andlau, dont les mentions font foi jusqu'à preuve contraire, que le courrier du 13 octobre 2016 a été remis en mains propres à M. E..., le 14 octobre 2016. Ce registre, qui précise la date de ce courrier et le numéro de la déclaration préalable litigieuse, est signé par M. E..., sans que celui-ci établisse que la signature portée sur ce registre ne serait pas la sienne. Le courrier du 13 octobre 2016 mentionne certes un " accusé de réception ". Cette circonstance ne faisait cependant pas obstacle à sa notification par remise en mains propres à M. E....

7. En outre, alors même que les décisions d'opposition à déclaration préalable et de prolongation du délai d'instruction sont, en principe, notifiées par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en application des articles R. 424-10 et R. 423-46 du code de l'urbanisme citées au point 3, ces dispositions ne font pas obstacle à ce qu'elles soient notifiées par d'autres voies qui offrent des garanties similaires permettant d'établir que le pétitionnaire en a eu connaissance. Tel est le cas en l'espèce de la notification par un agent assermenté de l'arrêté du 3 novembre 2016 et de la remise en mains propres à M. E... du courrier du 13 octobre 2016 prolongeant le délai d'instruction de sa déclaration préalable.

8. Il suit de là que la prolongation du délai d'instruction de sa demande de déclaration préalable a été régulièrement notifiée à M. E.... Le maire d'Andlau disposait ainsi d'un délai courant jusqu'au 6 décembre 2016 pour statuer sur cette demande. Par suite, l'arrêté du 3 novembre 2016, notifié à M. E... le 9 novembre suivant, ne peut être regardé comme retirant une décision implicite de non-opposition à déclaration préalable. Les moyens tirés de la méconnaissance de la procédure contradictoire prévue par les articles L. 121-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration et de l'obligation de motivation des décisions qui retirent ou abrogent une décision créatrice de droits prévue par l'article L. 211-2 du même code doivent, en conséquence, être écartés.

9. En second lieu, lorsqu'une construction a fait l'objet de transformations sans les autorisations d'urbanisme requises, il appartient au propriétaire qui envisage d'y faire de nouveaux travaux de déposer une déclaration ou de présenter une demande de permis portant sur l'ensemble des éléments de la construction qui ont eu ou auront pour effet de modifier le bâtiment tel qu'il avait été initialement approuvé. Il en va ainsi même dans le cas où les éléments de construction résultant de ces travaux ne prennent pas directement appui sur une partie de l'édifice réalisée sans autorisation. En outre, le maire a compétence liée pour s'opposer à une déclaration de travaux qui ne porte pas sur l'ensemble de la construction qui a fait l'objet de transformations sans les autorisations requises.

10. La demande de déclaration préalable présentée par M. E... consistait à protéger l'escalier d'accès au pont existant situé en contrebas par un ouvrage à toiture plate d'une hauteur de 1,48 mètre hors sol. Il ressort cependant des pièces du dossier et notamment d'un jugement du 8 novembre 2016 du tribunal correctionnel de Colmar, que M. E... a fait édifier sur le terrain lui appartenant une dépendance d'une surface de 20 à 30 m² accessible depuis sa terrasse, en bordure de la rivière de l'Andlau sans avoir préalablement demandé de permis de construire. Il ressort également des pièces du dossier et notamment du plan de masse, du plan en coupe et du document d'insertion joints au dossier de déclaration préalable que l'ouvrage qu'entend réaliser M. E... pour couvrir son escalier vient modifier la construction édifiée sans permis de construire. Par suite, le maire de la commune d'Andlau était en situation de compétence liée pour s'opposer à la demande de déclaration préalable de M. E... qui ne portait pas sur l'ensemble des éléments de construction édifiés sans les autorisations requises. M. E... ne saurait, en conséquence, utilement faire valoir ni que son mur de propriété a été édifié avant la loi du 15 juin 1943 d'urbanisme instituant le permis de construire, ni qu'il a déposé une déclaration de travaux, le 30 juin 2006, pour la réfection de son mur, ni que le maire a autorisé l'élargissement du pont lui appartenant, le 2 novembre 2000, ni enfin que sa déclaration préalable de travaux a pour objet de régulariser la construction édifiée sans permis de construire.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation, pour excès de pouvoir, de l'arrêté du 3 novembre 2016 du maire d'Andlau portant opposition à sa déclaration préalable de travaux.

Sur les frais liés à l'instance :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune d'Andlau, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. E... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. E... le versement de la somme de 1 500 euros à la commune d'Andlau sur le fondement des mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : M. E... versera à la commune d'Andlau une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... E... et à la commune d'Andlau.

2

18NC03335


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NC03335
Date de la décision : 03/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-04-045-02 Urbanisme et aménagement du territoire. Autorisations d`utilisation des sols diverses. Régimes de déclaration préalable. Déclaration de travaux exemptés de permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : M. DEVILLERS
Rapporteur ?: Mme Christine GRENIER
Rapporteur public ?: M. LOUIS
Avocat(s) : AMADEUS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-12-03;18nc03335 ?
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