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14/11/2019 | FRANCE | N°18NC02930

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 14 novembre 2019, 18NC02930


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, auxquelles les époux B... ont été assujettis au titre des années 2010, 2011 et 2012, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1502844 du 2 octobre 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregist

rés respectivement le 30 octobre 2018 et le 20 août 2019, M. B..., représenté par Me C..., deman...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, auxquelles les époux B... ont été assujettis au titre des années 2010, 2011 et 2012, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1502844 du 2 octobre 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés respectivement le 30 octobre 2018 et le 20 août 2019, M. B..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 2 octobre 2018 ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal a commis une erreur de droit en l'excluant du bénéfice des garanties de la procédure de l'abus de droit ; la procédure de rectification méconnait les dispositions des articles L. 64, R. 64-1 et R-64-2 du livre des procédures fiscales dès lors que l'administration s'est implicitement placée sur le terrain de l'abus de droit sans en avoir respecté les garanties offertes au contribuable ;

- les redressements contestés sont dépourvus de base légale dès lors que l'administration n'établit pas que les factures des sociétés Ciel Bleu, Prodec et ABS Construction sont fictives et que le recours à la sous-traitance n'était pas nécessaire pour les années 2010 et 2011 ;

- l'effectif de la société Déco Alsace était dans l'impossibilité de générer un chiffre d'affaires du niveau de celui qu'elle a déclaré pour les années 2010 et 2011 et les extraits de comptes bancaires joints aux débats justifient que les factures en litige ont été d'abord réglées en espèces, à l'aide de fonds privés prélevés sur les comptes du requérant et ceux de ses enfants Ferhat et Oznur B... avant que ces derniers ne soient remboursés par la société par chèques ou en espèces ;

- les taux de marge évoqués par l'administration ne sont pas probants et ne correspondent pas à la réalité économique du secteur d'activité de la société Déco Alsace ;

- le taux de marge dégagé sur l'année 2012, retenue comme année de référence par l'administration, est exceptionnel et s'explique par l'existence de marchés très favorables au cours de cet exercice.

Par un mémoire en défense, enregistré 21 mai 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- et les conclusions de Mme Peton, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite d'une vérification de comptabilité de la société Deco Alsace dont il est associé à 50 % et gérant, M. B... a fait l'objet d'un contrôle sur pièces. Par une proposition de rectification du 18 décembre 2013 et une proposition de rectification complémentaire du 24 mars 2014, M. B... a reçu notification de redressements en matière d'impôt sur le revenu et de cotisations sociales au titre des années 2010, 2011 et 2012 correspondant à la réintégration dans sa base imposable de revenus réputés distribués sur le fondement des dispositions des articles 109 et 111 du code général des impôts. M. B... relève appel du jugement du 2 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droit et pénalités, des contributions d'impôt sur le revenu et des cotisations supplémentaires auxquelles les époux B... ont été assujettis au titre des années 2010, 2011 et 2012.

Sur les conclusions à fin de décharge :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article L. 64 du livre des procédure fiscales, dans sa rédaction applicable à la procédure en litige : " Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité de l'abus de droit fiscal. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité. Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé de la rectification. Les avis rendus font l'objet d'un rapport annuel qui est rendu public ". Il résulte de ces dispositions que lorsque l'administration use de la faculté qu'elles lui confèrent dans des conditions telles que la charge de la preuve lui incombe, elle est fondée à écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable, dès lors que ces actes ont un caractère fictif, ou, que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, auraient normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. Par ailleurs, les dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ne sont pas applicables en cas d'acte anormal de gestion.

3. A l'appui du moyen tiré de ce que la procédure d'imposition aurait méconnu les garanties légales attachées aux dispositions précitées, le requérant fait valoir que l'administration, en écartant les factures des sociétés Ciel Bleu, Prodec et ABS Construction en raison de leur caractère fictif, a invoqué implicitement mais nécessairement un abus de droit. Toutefois, il résulte de l'instruction que, pour établir que ces factures présentaient un caractère fictif, l'administration a souligné, tant dans la proposition de rectification que dans ses écritures devant le juge de l'impôt, qu'elles comportaient de nombreuses irrégularités formelles, que la société Ciel Bleu est en liquidation judiciaire depuis le 20 janvier 2009 et que la société Prodec a reconnu dans une audition du 25 octobre 2013 ne pas avoir effectué de travaux pour la société Déco Alsace. Enfin, le service a noté que les factures prétendument émises par la société ABS Construction n'étaient pas conformes aux autres factures de cette entreprise et que l'une d'entre elles, en date du 28 décembre 2010, n'avait pas été comptabilisée chez ce sous-traitant. Ce faisant, l'administration, qui a seulement requalifié les opérations en cause au regard de leur nature réelle, ne s'est pas fondée, même implicitement, sur la répression d'un abus de droit imputable au contribuable au sens des dispositions précitées. En tout état de cause, le redressement litigieux étant la conséquence d'un acte anormal de gestion, M. B... ne peut pas utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales.

En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :

4. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués (...) / 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices (...) ". Aux termes de l'article 111 du même code : " Sont notamment considérés comme revenus distribués :(...) / c. Les rémunérations et avantages occultes ".

5. Il résulte de l'instruction, d'une part, que la société Ciel Bleu, dont M. B... était le gérant, est en liquidation judiciaire depuis le 20 janvier 2009, d'autre part, que la société Prodec a reconnu dans une audition du 25 octobre 2013 ne pas avoir effectué de travaux pour la société Déco Alsace et, enfin, que les factures prétendument émises par la société ABS Construction n'étaient pas conformes aux autres factures de cette entreprise et que l'une d'entre elles, en date du 28 décembre 2010, n'avait pas été comptabilisée chez ce sous-traitant. En outre, les sommes prélevées en espèces sur les comptes bancaires produits par le requérant ne correspondent pas aux montants des factures en litige. Ainsi, au titre de l'année 2010, l'ensemble des montants prélevés sur ces comptes privés, dont plusieurs correspondent à des retraits de moins de 1 000 euros effectués à des dates sans cohérence avec celles des factures, est de 39 000 euros alors que les prélèvements en chèques et en espèces effectués sur le compte de la société Déco Alsace s'élèvent à 64 418 euros et que le montant total des factures litigieuses est de 68 818 euros. Au titre de 2011, les prélèvements en espèces sur les comptes privés, dont plusieurs correspondent également à des retraits de moins de 1 000 euros, s'élèvent à 44 600 euros alors que les prélèvements par chèques et espèces sur le compte de la société sont de 97 696 euros et que la totalité des factures de sous-traitances émises est de 130 923 euros. Pour l'année 2012, les montants prélevés sur les comptes privés représentent 39 450 euros alors que les prélèvements en chèques et espèces opérés sur le compte de la société Déco Alsace sont de 81 650 euros et que le montant de la sous-traitance est de 1 070 euros. Dans ces conditions, la circonstance, au demeurant non démontrée, que l'effectif de trois salariés de la société Deco Alsace n'était pas en mesure de réaliser les chiffres d'affaires des années 2010 et 2011 sans avoir nécessairement recours à la sous-traitance, ne saurait suffire à établir la réalité des prestations de la sous-traitance, en l'absence de tout élément probant en ce sens. D'autre part, M. B... ne démontre pas, comme il l'allègue dans ses écritures en réplique, que les taux de marge évoqués par l'administration ne correspondent pas à la réalité économique du secteur d'activité de la société Déco Alsace et que le taux de marge dégagé sur l'année 2012, retenue comme année de référence par le service, n'est pas révélateur en raison des marchés très favorables au cours de cet exercice.

6. Il s'ensuit que c'est à bon droit que l'administration a regardé les factures susmentionnées comme ne justifiant pas de la réalité des prestations alléguées et analysé les prélèvements correspondant, réalisés sur le compte de la société Déco Alsace, comme des revenus distribués, imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, sur le fondement des dispositions précitées du 2° du 1 de l'article 109 et du c) de l'article 111 du code général des impôts.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'action et des comptes publics.

2

N° 18NC02930


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NC02930
Date de la décision : 14/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Revenus des capitaux mobiliers et assimilables - Revenus distribués.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Revenus des capitaux mobiliers et assimilables - Revenus distribués - Notion de revenus distribués - Imposition personnelle du bénéficiaire.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Laurence STENGER
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : FERNER

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-11-14;18nc02930 ?
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