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14/11/2019 | FRANCE | N°17NC03013

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 14 novembre 2019, 17NC03013


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... et Mme E... B... ont demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler les arrêtés du 22 août 2017 par lesquels le préfet de la Haute-Marne a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourraient être éloignés.

Par un jugement n° 1701822,1701825 du 19 octobre 2017, le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a r

ejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... et Mme E... B... ont demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler les arrêtés du 22 août 2017 par lesquels le préfet de la Haute-Marne a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourraient être éloignés.

Par un jugement n° 1701822,1701825 du 19 octobre 2017, le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 décembre 2017 et un mémoire complémentaire, enregistré le 12 février 2018, M. et Mme B..., représentés par la SELAS Devarenne Associés Grand Est, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 19 octobre 2017 ;

2°) d'annuler les arrêtés du 22 août 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Marne de réexaminer leur situation dans un délai de deux mois ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent que :

- les décisions portant refus de titre de séjour méconnaissent les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les décisions portant refus de titre de séjour méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elles méconnaissent les critères de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 ;

- les décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours doivent être annulées par voie de conséquence de l'illégalité des décisions de refus de titre de séjour ;

- les décisions fixant le pays de destination méconnaissent les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 avril 2018, le préfet de la Haute-Marne conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par un courrier du 9 juillet 2018, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur le moyen relevé d'office, tiré de l'irrégularité du jugement attaqué en tant que le président du tribunal administratif a statué selon les modalités prévues au I bis de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur une décision relative au séjour intervenue concomitamment à une obligation de quitter le territoire français prise non exclusivement sur le fondement des 1°, 2°, 4° ou 6° du I de l'article L. 511-1 de ce code mais également sur le fondement du 3° de cet article.

Par un arrêt avant-dire droit du 27 décembre 2018, la cour administrative d'appel de Nancy a décidé, par application des dispositions de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, de transmettre le dossier de la requête au Conseil d'Etat, en soumettant à son examen les questions suivantes :

1°) Dans l'hypothèse où un étranger à qui a été refusée la reconnaissance de la qualité de réfugié ou de la protection subsidiaire, a également présenté une demande tendant à la délivrance ou au renouvellement d'un titre de séjour, l'autorité administrative peut-elle également assortir le refus qu'elle est susceptible d'opposer à cette demande d'une obligation de quitter le territoire français fondée à la fois sur le 3° et sur le 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile '

2°) Dans l'affirmative, le recours dirigé contre une telle décision obéit-il au régime contentieux spécifique défini au I bis de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou relève-t-il du régime de droit commun prévu au I de l'article L. 512-1 du même code '

Le Conseil d'Etat a émis, le 28 juin 2019, un avis contentieux n° 426703 sur les questions posées par la cour.

M. et Mme B... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du bureau d'aide juridictionnelle du 28 novembre 2017.

Vu :

- les autres pièces du dossier, notamment la pièce n° 48 versée par la SELAS Devarenne Associés Grand Est, produite le 14 octobre 2019.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. A... C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme B..., de nationalité albanaise, sont entrés en France, selon leurs déclarations, le 5 août 2016, afin d'y solliciter la reconnaissance du statut de réfugiés. Leurs demandes d'asile ont été rejetées par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 21 décembre 2016, confirmées par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 5 mai 2017. M. B... a alors déposé, le 1er juin 2017, une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un premier arrêté du 22 août 2017, le préfet de la Haute-Marne a, au visa des 3° et 6° du I de l'article L. 511-1 du même code, refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un second arrêté du même jour, il a, au visa du seul 6° de cet article, pris des décisions analogues à l'égard de Mme B.... M. et Mme B... relèvent appel du jugement du 19 octobre 2017 par lequel le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, statuant dans le cadre des dispositions du I bis de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur la décision portant refus d'un titre de séjour :

2. Les dispositions du I bis de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers fixent le régime contentieux particulier applicable aux obligations de quitter le territoire qui peuvent être décidées à l'encontre des étrangers visés dans les cas énumérés aux 1°, 2°, 4° et 6° du I précité de l'article L. 511-1 du même code et dont l'intervention n'est pas subordonnée à l'intervention préalable d'une décision statuant sur le droit au séjour des intéressés. Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'une décision relative au séjour est intervenue concomitamment et a fait l'objet d'une contestation à l'occasion d'un recours dirigé contre une obligation de quitter le territoire français prise sur le fondement du 6° du I de l'article L. 511-1, cette contestation suit le régime contentieux applicable à l'obligation de quitter le territoire, alors même qu'elle a pu être prise également sur le fondement du 3° du I de cet article. Dès lors, les dispositions du I bis de l'article L. 512-1 ainsi, notamment, que celles de l'article R. 776-26 du code de justice administrative sont applicables à l'ensemble des conclusions présentées devant le juge administratif dans le cadre de ce litige, y compris celles tendant à l'annulation de la décision relative au séjour.

3. En premier lieu, il est constant qu'après avoir relevé que les demandes d'asile de M. et Mme B... avaient été rejetées, le préfet de la Haute Marne a, d'une part, refusé l'admission au séjour de M. et Mme B... au titre de l'asile, d'autre part, rejeté la demande d'admission exceptionnelle présentée par M. B... le 1er juin 2017 sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Mme B... ne conteste pas qu'elle ne pouvait se voir délivrer une carte de résident en qualité de réfugié sur le fondement des dispositions du 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En outre, il ne saurait être utilement soutenu que la décision attaquée méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le préfet de la Haute-Marne n'a pas été saisi de demandes de titre de séjour sur le fondement de ces dispositions.

4. En deuxième lieu, si M. B... dispose d'une promesse d'embauche en qualité d'agent de propreté, ces éléments ne peuvent être regardés comme des circonstances humanitaires ou des motifs exceptionnels au sens des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que le préfet de la Haute-Marne aurait commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de ces dispositions doit être écarté.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

6. Eu égard à la faible durée de la présence en France des requérants à la date des arrêtés en litige et alors même que les intéressés ont manifesté la volonté de s'intégrer en France, les décisions portant de leur délivrer un titre de séjour ne peuvent être regardées comme ayant porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts poursuivis par ces mesures.

7. En dernier lieu, les énonciations de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile constituent des orientations générales dont M. et Mme B... ne peuvent pas utilement se prévaloir devant le juge de l'excès de pouvoir.

Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le délai de départ volontaire :

8. M. et Mme B... n'établissent pas que les décisions leur refusant la délivrance de titres de séjour sont entachées d'illégalité. Par suite, ils ne sont pas fondés à exciper de cette illégalité à l'appui de leurs conclusions tendant à l'annulation des décisions leur faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Sur la décision fixant le pays de destination :

9. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales susvisée : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ".

10. M. et Mme B..., qui ne produisent aucun élément à l'appui de ce moyen, ne justifient pas être exposés à des risques sérieux pour leur liberté ou leur intégrité physique, non plus qu'à des traitements contraires aux stipulations précitées en cas de retour en Albanie. Par suite, le moyen tiré de ce que les décisions attaquées auraient été prises en méconnaissance des stipulations précitées ne peut qu'être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B..., à Mme E... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Marne.

2

N° 17NC03013


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NC03013
Date de la décision : 14/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Olivier DI CANDIA
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : SELAS DEVARENNE ASSOCIES GRAND EST

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-11-14;17nc03013 ?
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