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12/11/2019 | FRANCE | N°19NC00070

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 12 novembre 2019, 19NC00070


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 29 juin 2018 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il sera renvoyé.

Par un jugement n° 1805691 du 26 septembre 2018, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des décisions l'ob

ligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 29 juin 2018 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il sera renvoyé.

Par un jugement n° 1805691 du 26 septembre 2018, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des décisions l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination et a réservé les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de la décision de refus de titre de séjour relevant d'une formation collégiale.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 janvier 2019, M. C..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 26 septembre 2018 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 29 juin 2018 du préfet de la Moselle en tant qu'il l'oblige à quitter le territoire français et qu'il fixe le pays à destination duquel il sera éloigné ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai déterminé, le cas échéant sous astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :

- cette décision est illégale en raison de l'illégalité du refus de séjour dès lors qu'il justifie d'un droit au séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans la mesure où son épouse remplit les conditions pour obtenir un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du même code ;

- cette décision méconnait les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- cette décision est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation eu égard à ses conséquences sur sa situation personnelle compte tenu du risque d'aggravation de l'état de santé de son épouse.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 octobre 2019, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient, en se référant à son mémoire en défense présenté en première instance, que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 décembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Antoniazzi, premier conseiller,

- et les observations de Me B..., représentant M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant kosovar né en 1977, déclare être entré irrégulièrement en France le 26 mars 2014, pour y solliciter le bénéfice du statut de réfugié. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 23 juin 2014. Il a fait l'objet d'un refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français le 29 octobre 2014, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 24 avril 2015. Le 11 mai 2015, le requérant a saisi le préfet d'une demande tendant à la régularisation de son séjour en se prévalant de son état de santé. Le préfet a classé cette demande sans suite. Le 26 avril 2017, M. C... a présenté une demande de titre de séjour en qualité d'accompagnant d'une personne malade. Par un arrêté du 29 juin 2018, le préfet de la Moselle a refusé de l'admettre au séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de son pays d'origine. M. C... fait appel du jugement du 26 septembre 2018, rendu à la suite de son assignation à résidence, par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté en tant qu'il l'oblige à quitter le territoire français et fixe le pays à destination duquel il sera éloigné.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droits d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

3. D'autre part, aux termes du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est, sous réserve d'une menace pour l'ordre public, délivrée de plein droit à " l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé (...) ".

4. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte-tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié.

5. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

6. Dans son avis du 4 février 2018, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que l'état de santé de Mme C..., atteinte d'un trouble anxio-dépressif, nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que son état de santé peut lui permettre de voyager sans risque vers son pays d'origine.

7. Les certificats médicaux produits, et notamment celui du docteur Schong, établi le 3 juillet 2018, se bornent à mentionner la nécessité d'une prise en charge psychiatrique et médicamenteuse, mais ne comportent pas de précision suffisante sur les conséquences qui s'attacheraient à un défaut de soins. Mme C... se prévaut également d'une attestation du 5 janvier 2015 établie par un médecin kosovar, indiquant que l'Alprazolam n'est pas commercialisé au Kosovo, mais sans établir que les médicaments disponibles dans son pays d'origine ne présentent pas des propriétés analogues à ce produit. Les autres documents produits telle la synthèse de la littérature scientifique réalisée par le service de santé mentale Ulysse, relatif à la relation thérapeute-patient dans le cadre d'une psychothérapie et à la thérapie du syndrome post-traumatique, ne permettent pas davantage d'établir qu'un défaut de soins entraînerait pour Mme C... des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Par ailleurs, Mme C... ne justifie pas de la réalité d'un lien existant entre l'état d'anxiété dont elle souffre et les évènements traumatisants qu'elle aurait vécus dans son pays d'origine, évènements sur lesquels elle n'apporte au demeurant aucune précision. Ainsi, Mme C... ne remplit pas les conditions pour obtenir la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le préfet n'a pas méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant à M. C... un titre de séjour en raison de l'état de santé de son épouse.

8. Il résulte de tout ce qui précède que le moyen tiré de l'exception d'illégalité du refus de titre de séjour doit être écarté.

9. En second lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; (...) ".

10. M. C... ne peut pas utilement se prévaloir de ces dispositions qui, par elles-mêmes, ne font obstacle qu'à l'éloignement de l'étranger qui en remplit les conditions, et non à celui des tiers qui accompagnent cet étranger.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :

11. En premier lieu, la décision fixant le pays à destination duquel M. C... pourrait être reconduit d'office mentionne les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré d'un prétendu défaut de motivation doit être écarté.

12. En second lieu, et comme il a déjà été dit, Mme C... n'apporte aucun élément médical de nature à justifier du stress post-traumatique dont elle indique souffrir et qui serait en lien avec des évènements vécus dans son pays d'origine. Il n'est donc pas établi que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en décidant le renvoi de M. C... et de son épouse dans ce même pays.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.

2

N° 19NC00070


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC00070
Date de la décision : 12/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. DEVILLERS
Rapporteur ?: Mme Sandrine ANTONIAZZI
Rapporteur public ?: M. LOUIS
Avocat(s) : DOLLÉ

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-11-12;19nc00070 ?
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