Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... D... épouse C... et M. E... C... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 16 janvier 2019 par lesquels le préfet de la Moselle a refusé de leur délivrer des attestations de demandeurs d'asile, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourront être éloignés.
Par un jugement nos1900640, 1900641 du 25 février 2019, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 9 mai 2019, M. et Mme C..., représentés par Me A..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 25 février 2019 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les arrêtés du 16 janvier 2019;
3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de leur délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, de réexaminer leur situation dans un délai déterminé et si besoin sous astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me A... de la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que les décisions leur faisant obligation de quitter le territoire français sont entachées d'un défaut d'examen particulier au regard des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 septembre 2019, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par les requérants n'est fondé.
Par deux décisions du bureau d'aide juridictionnelle du 25 avril 2019, M. et Mme C... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Steinmetz-Schies, président ;
- les observations de Me A..., représentant M. et Mme C....
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme C..., ressortissants albanais, sont, selon leurs déclarations, entrés sur le territoire français le 26 novembre 2017 afin d'y solliciter la reconnaissance du statut de réfugiés. Leurs demandes d'asile ont été rejetées par décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 26 juin 2018, confirmées par la Cour nationale du droit d'asile le 28 novembre 2018. Par deux arrêtés du 16 janvier 2019, le préfet de la Moselle a refusé de leurs délivrer des attestations de demandeur d'asile, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourront être éloignés. M. et Mme C... relèvent appel du jugement du 25 février 2019 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. (...) ".
3. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".
4. Le préfet de la Moselle s'est fondé, pour prendre les décisions contestées du 16 janvier 2019, sur le fait que les demandes d'asiles de M. et Mme C... avaient été rejetées et que les intéressés pouvaient faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français en application de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que par courrier du 14 décembre 2018, parvenu le 17 décembre 2018 à la préfecture, Mme C... avait demandé un titre de séjour pour raisons de santé. Dès le 19 décembre suivant, l'administration lui a retourné sa demande en refusant de l'enregistrer pour le motif suivant : " Toute demande de titre de séjour doit être accompagnée d'un dossier complet comprenant l'ensemble des éléments mentionnés dans la liste jointe. Je constate que vous ne fournissez pas l'ensemble des documents figurant sur cette liste ", sans leur demander de produire ces pièces dans un délai déterminé, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration aux termes desquelles " Lorsqu'une demande adressée à l'administration est incomplète, celle-ci indique au demandeur les pièces et informations manquantes exigées par les textes législatifs et réglementaires en vigueur. Elle fixe un délai pour la réception de ces pièces et informations. ".
6. Dans ces conditions, le préfet de la Moselle ne pouvait pas fonder l'obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de Mme C... sur le motif tiré de ce qu'elle ne bénéficiait pas des dispositions protectrices de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sans procéder à l'examen de sa situation au regard des dispositions du 10° de cet article.
7. Il résulte de ce qui précède que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 25 février 2019, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision l'obligeant à quitter le territoire français. Cette décision doit être annulée, ainsi que, par voie de conséquence, la décision fixant le pays à destination duquel Mme C... pourra être éloignée.
8. Compte tenu de cette annulation, M. C... est fondé à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire est entachée d'un défaut d'examen de sa situation. Cette décision doit être annulée, ainsi que, par voie de conséquence, la décision fixant le pays à destination duquel M. C... pourra être éloigné.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
9. Le présent arrêt n'implique pas nécessairement que le préfet de la Moselle délivre à M. et Mme C... un titre de séjour. Il y a lieu en revanche d'enjoindre au préfet de la Moselle de procéder au réexamen de la situation des intéressés dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais de l'instance :
10. M. et Mme C... ont obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Leur avocat peut, par suite, se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que l'avocat de M. et Mme C... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me A... de la somme de 1 500 euros.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg nos1900640, 1900641 du 15 février 2019, ainsi que les décisions du 16 janvier 2019 par lesquelles le préfet de la Moselle a obligé M. et Mme C... à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel ils pourront être éloignés sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Moselle de réexaminer la situation de M. et Mme C... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me A... la somme de 1 500 euros, en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me A... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D... épouse C..., à M. E... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.
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N° 19NC01383