Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 27 juillet 2018 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an.
Par un jugement n°1804821 du 11 décembre 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 13 mars 2019, M. C..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 11 décembre 2018 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 27 juillet 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai déterminé, si besoin sous astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me A... de la somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
S'agissant de la décision portant refus de titre de séjour :
- elle est entachée d'un vice de procédure dès lors que le préfet n'a pas saisi la commission du titre de séjour ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- le préfet s'est estimé à tort en situation de compétence liée ;
- la décision méconnaît les dispositions de l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle;
S'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
- elle est insuffisamment motivée ;
- le préfet n'a pas recherché si des circonstances humanitaires justifiaient de ne pas prononcer cette mesure ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 septembre 2019, le préfet de la Moselle a conclu au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 5 mars 2019, M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Steinmetz-Schies, président,
- les observations de Me A..., représentant M. C....
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant kosovar, est, selon ses déclarations, entré sur le territoire français le 30 septembre 2007 afin d'y solliciter la reconnaissance du statut de réfugié. Sa demande d'asile a été rejetée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 30 avril 2008, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 9 juin 2008. Le requérant a bénéficié d'autorisations provisoires de séjour du 3 juin 2010 au 3 juin 2011 en raison de son état de santé. Le renouvellement de l'admission au séjour de M. C... a ensuite été refusé et les diverses demandes de titre de séjour qu'il a présentées ont été rejetées, de même que sa demande de réexamen de sa demande d'asile. Par courrier du 19 octobre 2016, le requérant a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié ainsi que son admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 27 juillet 2018, le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. M. C... relève appel du jugement du 11 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité des décisions du 27 juillet 2018 :
2. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. (...) ". Aux termes de l'article L. 312-1 de ce même code : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour (...) ".
3. Pour justifier de sa présence en France depuis 2007, M. C... produit, outre des documents médicaux, ses précédentes demandes de titre de séjour avec les accusés de réception des décisions, des avis d'impôt sur le revenu au titre des années 2007, 2010 et 2011, des récépissés de demande d'asile pour les années 2007, 2008, 2009 et 2010, des attestations de droit à la couverture maladie universelle ou des cartes d'admission à l'aide médicale d'Etat pour les années 2010 à 2016. Le requérant fournit en particulier une attestation de présence sur un dispositif de mise à l'abri, établie le 7 août 2018 et donc postérieure à l'arrêté attaqué mais faisant état de faits antérieurs, indiquant qu'il est présent sur le dispositif depuis le 31 octobre 2007 et qu'il s'y maintient depuis le 24 juillet 2015. Il produit également les récépissés successifs de ses demandes d'asile signés de sa main, des avis d'imposition, la reconnaissance de sa paternité, et les cartes de couverture maladie universelle. Par l'ensemble de ces pièces, M. C... démontre qu'il résidait habituellement sur le territoire français depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté en litige. Il en résulte que le préfet était tenu de saisir la commission du titre de séjour avant de rejeter la demande de carte de séjour présentée, sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, par M. C... qui a ainsi été privé d'une garantie.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 27 juillet 2018 lui refusant un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire sans délai, fixant le pays de destination et lui interdisant le retour sur le territoire français pendant un an.
Sur l'injonction :
5. Eu égard au motif d'annulation retenu, le présent arrêt implique seulement un réexamen de la situation de M. C.... Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet de la Moselle de réexaminer la situation de M. C... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés à l'instance :
6. M. C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me A... de la somme de 1 500 euros, à charge pour cet avocat de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1804821 du 11 décembre 2018 du tribunal administratif de Strasbourg et les décisions du 27 juillet 2018 par lesquelles le préfet de la Moselle a refusé de délivrer à M. C... un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Moselle de réexaminer la situation de M. C... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me A... la somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... C....
Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.
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N° 19NC00765