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17/10/2019 | FRANCE | N°18NC00326

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 17 octobre 2019, 18NC00326


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Fumay a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, à titre principal, de fixer au passif de la SARL Société Champenoise d'Etanchéité (SCE) la somme de 255 368, 34 euros et, à titre subsidiaire, de surseoir à statuer dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise de M. C....

Par une ordonnance n° 1702278 du 4 décembre 2017, le président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande, en application du 2° de l'article

R. 222-1 du code de justice administrative, en ce qu'elle ne relève manifestement pas...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Fumay a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, à titre principal, de fixer au passif de la SARL Société Champenoise d'Etanchéité (SCE) la somme de 255 368, 34 euros et, à titre subsidiaire, de surseoir à statuer dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise de M. C....

Par une ordonnance n° 1702278 du 4 décembre 2017, le président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande, en application du 2° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, en ce qu'elle ne relève manifestement pas de la compétence de la juridiction administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 février 2018, la commune de Fumay, représentée par la SCP Ledoux, Ferri, Riou-Jacques, Touchon, Mayolet, demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du 4 décembre 2017 du président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;

2°) de déclarer la SARL Société Champenoise d'Etanchéité (SCE) responsable des désordres qu'elle a subis dans le cadre de l'exécution du lot n°3 " couverture et étanchéité toitures végétalisées " du marché public d'extension du centre social de la commune ;

3°) de fixer au passif de la SARL Société Champenoise d'Etanchéité (SCE) la somme de 255 368,34 euros au titre de la réparation des préjudices qu'elle a subis ;

4°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise de M. C....

Elle soutient que :

- l'extension du centre social de la commune est affectée de plusieurs désordres liés à la réalisation des travaux de couverture et d'étanchéité de la toiture attribués à la société SCE ;

- elle a déclaré sa créance au passif de la société SCE, qui a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire ;

- le tribunal de commerce lui a ordonné de saisir le juge du fond en raison d'une contestation sérieuse sur le bien-fondé de sa créance ;

- l'ordonnance attaquée, qui reconnaît la compétence de la juridiction administrative pour statuer sur le litige l'opposant à la société SCE, devait faire droit à ses conclusions principales ou, à tout le moins, subsidiaires ;

- l'ordonnance attaquée n'est pas suffisamment motivée.

La procédure a été communiquée à Me B... en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SARL SCE, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D..., présidente assesseur,

- et les conclusions de M. Louis, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Fumay a lancé une consultation en vue de la passation d'un marché public ayant pour objet l'extension du centre social de la commune. Le lot n°3 " couverture et étanchéité toitures végétalisées " de ce marché a été attribué à la SARL Société Champenoise d'Etanchéité (SCE). Les travaux ont fait l'objet d'une réception, assortie de réserves, le 17 février 2012. Dès le 27 février 2012, un constat d'huissier, réalisé à la demande du maître d'ouvrage, a relevé l'existence de désordres affectant ce bâtiment, notamment des infiltrations, des fuites d'eau, des auréoles et moisissures, l'absence par endroits de relevé d'étanchéité ou leur mauvaise réalisation, une déformation de la tôle ou de la couverture bac acier, des joints et raccords absents ou défectueux. Par une ordonnance du 5 février 2013, le tribunal de grande instance de Charleville-Mézières a, à la demande de la commune de Fumay, ordonné une expertise sur les désordres affectant le centre social et désigné M. A... en qualité d'expert judiciaire. Le 31 mai 2016, une procédure de sauvegarde a été ouverte à l'encontre de la SARL SCE. Le 5 août 2016, la commune de Fumay a déclaré une créance de 255 368,34 euros au passif de la SARL SCE correspondant, selon elle, aux préjudices subis en raison des désordres affectant l'exécution des travaux de couverture et d'étanchéité. Me B..., désigné en qualité de mandataire judiciaire de la SARL SCE, a informé la commune de Fumay qu'il s'opposait à sa déclaration de créance, celle-ci n'étant ni liquide, ni exigible, ni certaine, ni définitive. La commune de Fumay ayant maintenu sa créance, le juge-commissaire du tribunal de commerce de Reims, après avoir relevé qu'il existait une contestation sérieuse, a invité la commune de Fumay à saisir la juridiction compétente dans un délai d'un mois, par une ordonnance du 23 octobre 2017. La commune de Fumay a, en conséquence, demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, à titre principal, de fixer au passif de la SARL SCE la somme de 255 368,34 euros au titre de la réparation des préjudices qu'elle a subis en raison des désordres dans les travaux d'extension du centre social de la commune et, à titre subsidiaire, de surseoir à statuer dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise de M. C.... Par une ordonnance du 4 décembre 2017, dont la commune de Fumay relève appel, le président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande, en application du 2° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, en ce qu'elle ne relève manifestement pas de la compétence de la juridiction administrative.

Sur la compétence du juge administratif :

2. En premier lieu, les articles L. 621-40 à L. 621-46 du code de commerce régissent les conditions dans lesquelles peuvent être produites puis payées les créances détenues sur une entreprise qui fait l'objet d'une procédure collective. L'article L. 622-21 du même code fixe, en outre, le principe de la suspension ou de l'interdiction, à compter du jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde, de toute action en justice tendant au paiement d'une somme d'argent ou à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent de la part de tous les créanciers autres que ceux détenteurs d'une créance postérieure privilégiée. Ainsi, il résulte de ces dispositions qu'il appartient de façon exclusive à l'autorité judiciaire de statuer sur l'admission ou la non-admission des créances déclarées.

3. La commune de Fumay demandait, à titre principal, au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, de fixer au passif de la SARL SCE la somme de 255 368,34 euros. Elle demandait ainsi nécessairement au tribunal de statuer sur l'admission de la créance qu'elle avait déclarée à l'encontre de l'entreprise placée en liquidation judiciaire. La commune de Fumay n'est, par suite, pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée qui est suffisamment motivée sur ce point, le président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ses conclusions principales comme portées devant une juridiction manifestement incompétente pour en connaître en application du 2° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative.

4. En second lieu, toutefois, les dispositions du code de commerce citées au point 2 ne dérogent pas aux dispositions régissant les compétences respectives des juridictions administratives et judiciaires. S'agissant d'un litige relatif à l'exécution d'un marché public de travaux, il appartient au juge administratif d'examiner si la collectivité publique a droit à réparation et de fixer le montant des indemnités qui lui sont dues à ce titre par l'entreprise défaillante ou son liquidateur, sans préjudice des suites que la procédure judiciaire est susceptible d'avoir sur le recouvrement de cette créance.

5. Dans sa demande introductive d'instance devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, la commune de Fumay relevait que des désordres avaient été constatés sur les travaux de couverture et d'étanchéité réalisés par la SARL SCE, qui ont d'ailleurs donné lieu à de nombreuses réserves lors des opérations de réception de l'ouvrage. A la demande de la commune de Fumay, un expert judiciaire a ainsi été désigné, dès le 5 février 2013, avant même qu'une procédure de sauvegarde ne soit ouverte à l'encontre de la SARL SCE, pour examiner ces désordres et se prononcer sur les responsabilités encourues par les entrepreneurs, y compris celles de la SARL SCE. La commune de Fumay demandait en première instance, comme en appel, de reconnaître la responsabilité de la SARL SCE au titre des désordres affectant la couverture et l'étanchéité du centre social. Elle demandait ainsi au tribunal de statuer sur la responsabilité de la SARL SCE dans le cadre de l'exécution d'un marché public. De telles conclusions relèvent de la compétence du juge administratif.

6. Par suite, la commune de Fumay est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ses conclusions subsidiaires comme étant portées devant une juridiction manifestement incompétente pour en connaître. Il suit de là que l'ordonnance attaquée, qui rejette les conclusions subsidiaires présentées par la commune de Fumay, doit être annulée dans cette mesure.

7. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne pour qu'il statue sur les conclusions subsidiaires présentées devant lui par la commune de Fumay.

D E C I D E :

Article 1er : L'ordonnance n° 1702278 du 4 décembre 2017 du président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est annulée en tant qu'elle rejette les conclusions subsidiaires présentées par la commune de Fumay comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Article 2 : L'examen des conclusions subsidiaires de la commune de Fumay est renvoyé devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la commune de Fumay est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Fumay et à Me B... en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SARL SCE.

Copie en sera adressée pour information au juge-commissaire du tribunal de commerce de Reims et à M. C....

2

18NC00326


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NC00326
Date de la décision : 17/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

17-03 Compétence. Répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction.


Composition du Tribunal
Président : M. DEVILLERS
Rapporteur ?: Mme Christine GRENIER
Rapporteur public ?: M. LOUIS
Avocat(s) : LEDOUX FERRI YAHIAOUI RIOU-JACQUES

Origine de la décision
Date de l'import : 26/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-10-17;18nc00326 ?
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