La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/10/2019 | FRANCE | N°18NC00292

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 17 octobre 2019, 18NC00292


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Avial a demandé au tribunal administratif de Strasbourg la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2010 au 30 septembre 2012.

Par un jugement n° 1500651 du 5 décembre 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 2 fév

rier 2018 et le 5 octobre 2018, la SARL Avial, représentée par Me B..., demande à la cour dans le derni...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Avial a demandé au tribunal administratif de Strasbourg la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2010 au 30 septembre 2012.

Par un jugement n° 1500651 du 5 décembre 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 2 février 2018 et le 5 octobre 2018, la SARL Avial, représentée par Me B..., demande à la cour dans le dernier état de ses écritures :

1°) l'annulation du jugement du 5 décembre 2017 du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités laissés à sa charge par le tribunal administratif de Strasbourg ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à bon droit qu'elle a appliqué le régime de la marge sur la revente des véhicules d'occasion qu'elle a acquis auprès de ses fournisseurs européens dès lors qu'elle s'est fiée aux mentions portées sur les factures régulières qui lui ont été remises et pour lesquelles elle n'a aucun pouvoir de vérification. De plus, les documents d'immatriculation ne permettaient pas de remettre en cause les mentions des factures et les indices mis en avant par le service ne sont pas pertinents ;

- le service a présumé la mauvaise foi sans rapporter la preuve qui lui incombe des manquements délibérés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 juillet 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SARL Avial ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de commerce ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les conclusions de Mme Peton, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite d'une vérification de comptabilité, l'administration a remis en cause, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, le régime de taxation sur la marge appliqué par la SARL Avial à l'occasion des cessions de véhicules automobiles d'occasion qu'elle réalise pour les besoins de son activité et dont elle a fait l'acquisition auprès de fournisseurs les ayant eux-mêmes acquis de fournisseurs établis dans d'autres Etats membres de l'Union européenne. La SARL Avial a demandé au tribunal administratif de Strasbourg la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2010 au 30 septembre 2012 à la suite de cette opération de contrôle fiscal. Le tribunal a rejeté cette demande par le jugement attaqué du 5 décembre 2017.

Sur la recevabilité de la requête d'appel :

2. Aux termes de l'article L. 641-9 du code de commerce : " I.- Le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens même de ceux qu'il a acquis à quelque titre que ce soit tant que la liquidation judiciaire n'est pas clôturée. Les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur ". Les règles posées par ces dispositions du code de commerce ne sont édictées que dans l'intérêt des créanciers. Dès lors, seul le liquidateur peut s'en prévaloir pour exciper de l'irrecevabilité du dirigeant de la société dont la liquidation judiciaire a été prononcée à se pourvoir en justice ou à poursuivre une instance en cours.

3. Selon un jugement du 15 janvier 2013, publié au bulletin des annonces civiles et commerciales du 25 février 2013, le tribunal de grande instance de Strasbourg a placé la SARL Avial en liquidation judiciaire. Cette procédure collective a fait l'objet d'une clôture pour insuffisance d'actif par jugement du tribunal de grande instance de Strasbourg du 12 avril 2019 publié au bulletin des annonces civiles et commerciales le 20 mai 2019. Faute pour le liquidateur d'avoir contesté la recevabilité de l'action engagée par la SARL Avial, la requête d'appel doit être regardée comme régulièrement formée en application des principes ci-dessus rappelés. En conséquence la fin de non-recevoir ainsi opposée par le ministre de l'action et des comptes publics doit être écartée.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

4. Aux termes du I de l'article 256 bis du code général des impôts : " 1° Sont également soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les acquisitions intracommunautaires de biens meubles corporels effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ou par une personne morale non assujettie lorsque le vendeur est un assujetti agissant en tant que tel et qui ne bénéficie pas dans son État du régime particulier de franchise des petites entreprises (...) 2° bis Les acquisitions intracommunautaires de biens d'occasion (...) effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ou par une personne morale non assujettie ne sont pas soumises à la taxe sur la valeur ajoutée lorsque le vendeur ou l'assujetti est un assujetti revendeur qui a appliqué dans l'État membre de départ de l'expédition ou du transport du bien les dispositions de la législation de cet État prises pour la mise en oeuvre des articles 312 à 325 ou 333 à 341 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ". Aux termes du 1° du I de l'article 297 A du même code : " La base d'imposition des livraisons par un assujetti revendeur de biens d'occasion (...) qui lui ont été livrés par un non redevable de la taxe sur la valeur ajoutée ou par une personne qui n'est pas autorisée à facturer la taxe sur la valeur ajoutée au titre de cette livraison est constituée de la différence entre le prix de vente et le prix d'achat (...) ". Aux termes enfin de l'article 297 E du même code : " Les assujettis qui appliquent les dispositions de l'article 297 A ne peuvent pas faire apparaître la taxe sur la valeur ajoutée sur leurs factures ".

5. Il résulte de ces dispositions qu'une entreprise française assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée a la qualité d'assujetti-revendeur et peut appliquer le régime de taxation sur la marge prévu par l'article 297 A du code général des impôts, lorsqu'elle revend un bien d'occasion acquis auprès d'un fournisseur, situé en France ou dans un autre Etat membre, qui, en sa qualité d'assujetti-revendeur, lui a délivré une facture conforme aux dispositions précitées de l'article 297 E du même code, et dont le propre fournisseur a aussi cette qualité ou n'est pas assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée. L'administration peut toutefois remettre en cause l'application de ce régime lorsque l'entreprise française ne pouvait ignorer la circonstance que son fournisseur n'avait pas la qualité d'assujetti revendeur et n'était pas autorisé à appliquer lui-même le régime de taxation sur la marge prévue par l'article 313 de la directive ci-dessus visée du 28 novembre 2006.

6. Lorsqu'une entreprise produit des factures émanant de ses fournisseurs mentionnant que les ventes de véhicules s'effectuaient sous le régime de la taxe sur la marge mentionné ci-dessus, il incombe à l'administration, si elle s'y croit fondée, de démontrer, d'une part, que les mentions portées sur ces factures sont erronées et, d'autre part, que le bénéficiaire de ces achats de véhicules savait ou aurait dû savoir que les opérations présentaient le caractère d'acquisitions intracommunautaires taxables sur l'intégralité du prix.

7. La SARL Avial ne conteste pas que les acquisitions de véhicules qu'elle a effectuées auprès de ses fournisseurs français, assujettis revendeurs, qui les avaient acquis de fournisseurs espagnols et roumains, eux-mêmes assujettis revendeurs, constituaient des livraisons intracommunautaires et que l'application de la taxe sur la valeur ajoutée, lors de la revente, devait s'effectuer sur le prix total et non sur la marge, dès lors qu'il avait été établi que les véhicules concernés avaient été immatriculés et utilisés en Allemagne par des loueurs ou d'autres professionnels ayant pu déduire la taxe sur la valeur ajoutée lors de la première acquisition et qui les avaient revendus sous le régime des livraisons intracommunautaires. Par suite, les factures remises à la SARL Avial par ses fournisseurs ont, de manière erronée, fait mention du régime de taxation sur la marge.

8. Il résulte de l'instruction, en particulier des documents obtenus auprès des services de préfecture dans le cadre du droit de communication exercé par l'administration fiscale, que la SARL Avial connaissait la provenance des véhicules dont elle faisait l'acquisition, et donc le fait qu'ils étaient cédés par des utilisateurs ayant pu déduire la taxe sur la valeur ajoutée lors de la première acquisition, ainsi qu'en attestent la présence des précédents certificats de cession dans le dossier d'immatriculation qu'elle se chargeait de déposer pour ses clients, le fait qu'elle se chargeait directement du transport des véhicules de l'Allemagne vers la France, les fournisseurs ne les prenant en charge à aucun moment, ainsi que la circonstance que dans de nombreux cas, mis en lumière dans la proposition de rectification, la vente du véhicule au client final intervenait avant que les véhicules ne soient acquis auprès des fournisseurs français. S'agissant de ces derniers, ainsi que de leurs fournisseurs espagnols et roumains, ensemble de sociétés éphémères se succédant rapidement dans le temps, c'est à juste titre que l'administration a relevé que leur rôle était dépourvu de toute consistance et que leur interposition ne servait qu'à dissimuler l'origine exacte des véhicules. Dans ces conditions, l'administration rapporte la preuve que la SARL Avial en sa qualité de professionnel de la vente de véhicules, ne pouvait ignorer que le régime de taxation sur la marge n'était pas applicable aux acquisitions de véhicules qu'elle réalisait et qu'elle revendait ensuite. D'ailleurs, à compter de janvier 2012, avertie de la vérification de comptabilité dont la société Aveno avait fait l'objet, cette dernière étant gérée par le même groupe familial, la SARL Avial a changé de méthode de taxation à propos de ces mêmes véhicules d'occasion qu'elle achetait en Allemagne pour soumettre, comme il se doit, lors de leur revente ces acquisitions intracommunautaires à une taxation sur le prix total. Dans ces conditions, les circonstances que la carte grise allemande des véhicules achetés ne constitue pas un titre de propriété, que la SARL Avial ne savait pas que les utilisateurs allemands avaient facturé les cessions de leurs véhicules comme des livraisons intracommunautaires ou encore qu'elle n'avait aucun lien juridique avec les divers fournisseurs européens et français, ne sauraient remettre en cause les éléments établis par l'administration.

9. Il résulte de ce qui précède que la SARL Avial n'est pas fondée à demander la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée contestés.

Sur les pénalités :

10. L'article 1729 du code général des impôts dispose que : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

11. Compte tenu de l'ensemble des éléments relevés par le service et énoncés au point 8 ci-dessus, c'est en toute connaissance de cause, en ayant recours notamment à des sociétés interposées sans rôle réel autre que celui de dissimuler les acquisitions intracommunautaires et d'émettre des factures faisant abusivement mention du régime de la marge, que la SARL Avial a décidé de réduire la base d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée des cessions de véhicules d'occasion qu'elle réalisait, en se prévalant d'un régime particulier qu'elle savait ne pas être applicable, dans le but d'éluder l'impôt correspondant. Par suite, l'administration ayant rapporté la preuve des manquements délibérés commis par la SARL Avial par les éléments ci-dessus analysés, c'est à bon droit qu'elle lui a infligé les majorations applicables dans un tel cas, en vertu des dispositions ci-dessus reproduites de l'article 1729 du code général des impôts.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Avial n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Strasbourg, par le jugement attaqué, a rejeté sa demande. Par suite, sa requête d'appel doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL Avial est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Avial et au ministre de l'action et des comptes publics.

2

N° 18NC00292


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NC00292
Date de la décision : 17/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

19-06-02-08-04 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Liquidation de la taxe. Fraude.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Marc AGNEL
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : SELARL BK2A BOULTIF et KOPP AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 26/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-10-17;18nc00292 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award