Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 6 mai 2015 par laquelle le ministre de la défense lui a demandé de rembourser un trop-perçu de 57 648,36 euros ensemble la décision implicite de rejet née du silence gardé sur son recours devant la commission de recours des militaires et le titre de perception émis à son encontre le 2 février 2016 pour le même montant.
Par un jugement n° 1600734 du 13 juin 2017, le tribunal administratif de Nancy a annulé la décision implicite de rejet du ministre de la défense en tant qu'elle concerne la reprise d'une avance sur rémunération d'un montant de 1 966,76 euros, l'a déchargé de l'obligation de payer cette somme, a ramené le titre de perception émis le 2 février 2016 à la somme de 55 681 euros, et a rejeté le surplus de ses conclusions.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 30 juin 2017, M. A..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 13 juin 2017, en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;
2°) d'annuler la décision du 6 mai 2015 par laquelle le ministre de la défense lui a demandé de rembourser un trop-perçu de 57 648,36 euros, ensemble la décision implicite de rejet née du silence gardé sur son recours devant la commission de recours des militaires ;
3°) d'annuler le titre de perception émis à son encontre le 2 février 2016 pour un montant de 57 648,36 euros ;
4°) de fixer le préjudice subi à la somme de 57 648,36 euros et prononcer ainsi le dégrèvement total de la somme réclamée ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- une partie importante des sommes réclamées sont antérieures à mai 2013 et sont prescrites ;
- les sommes réclamées ne sont pas justifiées et les tableaux produits par le ministre sont incompréhensibles ;
- l'Etat a commis une faute en versant pendant une longue durée des sommes indues et a engagé sa responsabilité.
Par un mémoire en défense enregistré le 17 mai 2018, le ministre des armées conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la prescription s'applique à la seule somme de 1 966,76 euros ainsi d'ailleurs que l'ont décidé les premiers juges ;
- l'administration a justifié le trop-perçu ;
- l'administration n'a commis aucune négligence fautive.
Par lettre du 16 juillet 2019, la cour a, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, informé les parties de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de la défense ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Steinmetz-Schies, président,
- et les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., engagé volontaire de l'armée de terre au grade de caporal-chef, a été affecté au premier régiment des tirailleurs d'Epinal à compter du 1er juillet 2010, jusqu'à sa radiation des contrôles le 27 juillet 2013. Le 6 mai 2015, le commandant du centre expert des ressources humaines et de la solde (CERHS) de Nancy l'a informé de son intention de recouvrer une somme de 57 648,36 euros, correspondant à des trop-versés de solde, d'indemnités et d'avances sur rémunération, déduction faite d'un moins-versé de cotisations sociales, en émettant un titre de recettes à son encontre. Le 2 février 2016, le ministre de la défense a émis à l'encontre de M. A... un titre de perception de 57 648,36 euros. M. A... relève appel du jugement du tribunal administratif de Nancy en tant qu'il ne l'a déchargé que de l'obligation de payer la somme de 1 966,76 euros atteinte par le délai de prescription, et a rejeté le surplus de ses conclusions.
Sur les conclusions dirigées contre le courrier du 6 mai 2015 et le rejet implicite du recours formé contre ce courrier :
2. La lettre par laquelle l'administration informe un militaire qu'il doit rembourser une somme indument payée et qu'en l'absence de paiement spontané de sa part, un titre de perception lui sera notifié, est une mesure préparatoire de ce titre, qui n'est pas susceptible de recours. Par suite, les conclusions de M. A..., dirigées contre le courrier du 6 mai 2015, qui rappelle les difficultés rencontrées dans le paiement des soldes depuis l'entrée en fonctionnement du calculateur de solde dit Louvois et les mesures mises en oeuvre pour stabiliser la situation, et qui indique ensuite à M. A... les mesures de régularisation mises en oeuvre en lui précisant les montants qu'il a indûment perçus et en l'informant que, dès lors qu'il n'était plus lié au service, un titre de perception serait émis par la direction régionale ou départementale des finances publiques, est une mesure préparatoire du titre de perception émis et est insusceptible de recours. Tel est également le cas du refus implicite résultant du silence gardé par la commission des recours des militaires sur le recours formé par M. A... contre une telle mesure préparatoire. En conséquence, la demande de première instance était irrecevable en tant qu'elle était dirigée contre le courrier du 6 mai 2015 et le rejet implicite du recours formé par l'intéressé devant la commission des recours des militaires.
Sur les conclusions dirigées contre le titre de perception du 2 février 2016 :
En ce qui concerne la prescription :
3. Il résulte de l'article 37-1 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000, dans sa rédaction issue de l'article 94 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011, qu'une somme indûment versée par une personne publique à l'un de ses agents au titre de sa rémunération peut, en principe, être répétée dans un délai de deux ans à compter du premier jour du mois suivant celui de sa date de mise en paiement sans que puisse y faire obstacle la circonstance que la décision créatrice de droits qui en constitue le fondement ne peut plus être retirée. Sauf dispositions spéciales, les règles fixées par l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 sont applicables à l'ensemble des sommes indûment versées par des personnes publiques à leurs agents à titre de rémunération, y compris les avances et, faute d'avoir été précomptées sur la rémunération, les contributions ou cotisations sociales. En l'absence de toute autre disposition applicable, les causes d'interruption et de suspension de la prescription biennale instituée par les dispositions de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 sont régies par les principes dont s'inspirent les dispositions du titre XX du livre III du code civil. Il en résulte que la lettre par laquelle l'administration informe un agent public de son intention de répéter une somme versée indûment interrompt la prescription à la date de sa notification.
4. En l'absence d'appel incident dirigé par le ministre des armées contre le jugement du 13 juin 2017, le montant des sommes qui demeurent ...en litige après la réduction qu'ont décidée les premiers juges, s'élève à 55 681,60 euros, correspondant à des versements indus perçus par M. A... durant les mois d'août 2013 et de février 2014. Alors même que ces versements constituaient des rappels erronés de rémunérations et indemnités accessoires relatives à des périodes antérieures, le délai de prescription de l'action en répétition a commencé à courir respectivement le 1er septembre 2013 et le 1er mars 2014, premier jour suivant la date de leur mise en paiement. Cette action n'était en conséquent pas prescrite lorsque l'administration a informé M. A... de son intention de recouvrer ces sommes par son courrier du 6 mai 2015, dont l'intéressé doit être regardé comme ayant pris connaissance au plus tard le 9 juillet 2015, date de sa contestation devant la commission des recours des militaires. Ce courrier ayant valablement, à cette date, interrompu la prescription, cette dernière n'était pas davantage acquise lors de l'émission, le 2 février 2016, du titre de perception en litige.
En ce qui concerne le bien-fondé du titre litigieux :
5. Il résulte de l'instruction et notamment de l'analyse des tableaux produits par le ministre des armées, lesquels, contrairement à ce que soutient l'appelant, constituent une présentation claire et exhaustive de sa situation, que les sommes réclamées à M. A... correspondent à des rappels de rémunération qui lui ont été indûment versés, en août 2013 et en février 2014, au titre de sa solde de base, de l'indemnité pour charge militaire et de sa majoration, de l'indemnité pour temps d'activité et d'obligations professionnelles complémentaires et enfin de l'indemnité de sujétions pour services à l'étranger et de son supplément en cas d'enfant de plus de quinze ans. M. A... n'apporte pas plus en appel qu'en première instance d'éléments de nature à remettre en cause le bien-fondé du trop-perçu réclamé.
En ce qui concerne les conclusions tendant à la réduction du titre :
6. Toute faute commise par l'administration lors de l'exécution d'opérations se rattachant aux procédures d'établissement et de recouvrement de créances non fiscales est de nature à engager la responsabilité de la collectivité publique à l'égard du débiteur ou de toute autre personne si elle leur a directement causé un préjudice. Un tel préjudice, qui ne saurait résulter du seul paiement de la créance, peut être constitué des conséquences matérielles des décisions prises par l'administration et, le cas échéant, des troubles dans les conditions d'existence dont le débiteur justifie. Dans le cas du versement indu d'un avantage financier à un agent public et de la mise en oeuvre à son encontre d'une procédure de recouvrement, il appartient au juge administratif lorsqu'il en est saisi, d'apprécier s'il y a lieu, au regard de l'importance du préjudice subi et des fautes imputables à l'administration de réduire, le cas échéant, le montant du titre de perception émis en vue de recouvrer l'indu.
7. Il est constant que le versement indu au profit de M. A... d'éléments de rémunération pour la période comprise entre le 30 septembre 2013 et le 28 février 2015 alors qu'il était radié des contrôles depuis le 27 juillet 2013 est exclusivement imputable aux erreurs de liquidation des soldes liées aux dysfonctionnements du logiciel calculateur de soldes " Louvois " alors en place au ministère des armées. Toutefois, il résulte de l'instruction que le versement d'août 2013 ne dépassait pas 300 euros et que s'agissant du versement de février 2014, M. A... ne pouvait en ignorer le caractère indu dès lors qu'il est intervenu très postérieurement à sa radiation des cadres. Alors en outre que la procédure de recouvrement a été mise en oeuvre dans le délai de prescription, M. A... qui n'établit pas la réalité des troubles dans ses conditions d'existence qu'il impute à la faute de l'administration, n'est pas fondé à demander à être déchargé en tout ou en partie de l'obligation de restituer les sommes correspondantes.
8. Il résulte de tout ce qui précède, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté le surplus de ses conclusions.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont M. A... demande le versement au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre des armées.
Copie en sera adressée au préfet des Vosges.
N° 17NC01553 2