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03/10/2019 | FRANCE | N°17NC01358

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 03 octobre 2019, 17NC01358


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... C... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 9 septembre 2016 par lequel le président de l'université de Reims Champagne-Ardenne a prononcé son licenciement pour motif disciplinaire, sans préavis ni indemnité.

Par un jugement n° 1601804 du 11 avril 2017, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 8 juin 2017 et des mémoires enregistrés les 28

juillet 2017, 24 novembre 2017, 16 décembre 2017, 15 novembre 2018, Mme C..., représentée par la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... C... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 9 septembre 2016 par lequel le président de l'université de Reims Champagne-Ardenne a prononcé son licenciement pour motif disciplinaire, sans préavis ni indemnité.

Par un jugement n° 1601804 du 11 avril 2017, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 8 juin 2017 et des mémoires enregistrés les 28 juillet 2017, 24 novembre 2017, 16 décembre 2017, 15 novembre 2018, Mme C..., représentée par la SELAS Devarenne Associés Grand Est, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 11 avril 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 9 septembre 2016 par lequel le président de l'université de Reims Champagne-Ardenne a prononcé son licenciement pour motif disciplinaire sans préavis ni indemnités ;

3°) d'enjoindre à l'université de Reims Champagne-Ardenne de la réintégrer dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 500 euros par jour de retard;

4°) de mettre à la charge de l'université de Reims Champagne-Ardenne le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'université a méconnu les articles 1-2, 47 et 47-1, 44 du décret du 17 janvier 1986;

- la matérialité des faits de harcèlement sexuel et d'attitudes déplacées envers ses subordonnés n'est pas établie ;

- elle n'a pas organisé son temps de travail durant son temps partiel thérapeutique sans en référer à sa hiérarchie et n'a pas manqué à son devoir d'obéissance hiérarchique ;

- l'université ne peut lui reprocher des pratiques managériales inacceptables ;

- la sanction prononcée est disproportionnée.

Par des mémoires en défense enregistrés les 5 octobre 2017 et 22 juillet 2019, l'université de Reims Champagne-Ardenne, représentée par la SELARL CT Avocats et Associés, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme C... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Par une lettre en date du 7 mai 2019, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la solution de l'affaire était susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office.

Par une ordonnance du 8 juillet 2019, la clôture de l'instruction est intervenue le 24 juillet 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F..., présidente,

- les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant Mme C..., et de Me D..., représentant l'université de Reims Champagne-Ardenne.

Une note en délibéré a été enregistrée le 20 septembre 2019 pour l'université de Reims Champagne-Ardenne.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... a été recrutée par l'université de Reims Champagne-Ardenne en qualité de directrice adjointe des ressources humaines par un contrat à durée déterminée à compter du 1er novembre 2010. Ce contrat a été transformé en contrat à durée indéterminée à compter du 1er octobre 2011. Elle a été suspendue de ses fonctions par un arrêté du 13 mai 2016 et informée de l'ouverture d'une procédure disciplinaire à son encontre par un courrier du 4 juillet 2016. La commission consultative paritaire des agents non titulaires a, le 9 septembre 2016, émis un avis favorable à son licenciement. Mme C... relève appel du jugement du 11 avril 2017 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 septembre 2016 par lequel le président de l'université de Reims Champagne-Ardenne a prononcé son licenciement sans préavis ni indemnité.

Sur la légalité du licenciement :

En ce qui concerne la légalité externe :

2. Si Mme C... soutient que la procédure de licenciement aurait été irrégulière en raison de la méconnaissance par l'université des articles 1-2, 47 et 47-1, 44 du décret du 17 janvier 1986, ces moyens, tenant à la légalité externe de l'arrêté attaqué, n'ont été invoqués qu'après l'expiration du délai d'appel. Par suite, ils ne sont pas recevables.

En ce qui concerne la légalité interne :

3. Aux termes de l'article 43-1 du décret du 17 septembre 1986 : " Tout manquement au respect des obligations auxquelles sont assujettis les agents publics, commis par un agent non titulaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, est constitutif d'une faute l'exposant à une sanction disciplinaire, sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par le code pénal. ". Aux termes de l'article 43-2 de ce même décret : " Les sanctions disciplinaires susceptibles d'être appliquées aux agents contractuels sont les suivantes : (...) 4° Le licenciement, sans préavis ni indemnité de licenciement. (...) ". Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

S'agissant la matérialité des faits reprochés :

4. Le licenciement prononcé à l'encontre de Mme C... est fondé sur un comportement inadapté à l'égard de ses collaborateurs et d'autres services, plusieurs manquements aux obligations d'obéissance hiérarchique, des pratiques managériales inacceptables troublant la bonne organisation du service et provoquant la souffrance de plusieurs de ses collaborateurs, et enfin sur le fait d'avoir proposé en toute connaissance de cause à son administration la signature d'un acte illégal lui étant favorable.

5. En premier lieu, s'il ressort de l'attestation du 17 juin 2016, établie par Mme B..., responsable des personnels enseignants que Mme C... lui a envoyé une photo d'elle-même portant un corset médical, un tel comportement ne peut être regardé, eu égard à l'existence, à cette époque, d'une relation familière entre les deux intéressées, établie par les différentes pièces versées au dossier alors au surplus qu'il résulte du simple examen de cette photographie qu'elle ne peut être considérée ni comme suggestive ni comme ayant un caractère sexuel. Si d'autres faits portant sur des propos inappropriés lui sont reprochés, ils ne sont établis pas aucun témoignage direct alors que les attestations produites par Mme C... établissent qu'elle a toujours adopté un comportement adapté à ses fonctions de directrice adjointe des ressources humaines. Par suite, le grief tiré d'un comportement inadapté n'est pas matériellement établi et ne pouvait valablement fonder la sanction en litige.

6. En deuxième lieu, il résulte des termes de son courrier du 13 avril 2016, adressé à la présidence de l'université, et des propos qu'elle a tenus lors d'une réunion des cadres de son service, le 11 mai 2016, que Mme C... s'est positionnée en nette opposition à sa hiérarchie du fait de l'embauche prévue d'un directeur des ressources humaines alors que ce poste lui avait, selon elle, été promis, en affirmant qu'elle continuerait à assurer l'intérim de ces fonctions en dépit des consignes du président de l'université. Contrairement à ce qu'elle soutient, ces prises de position révèlent un manquement à son devoir d'obéissance hiérarchique.

7. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossiers et notamment de nombreuses attestations de cadres et agents établies en juin 2016, que Mme C... ne soutenait pas le travail de ses équipes y compris durant ses absences, qu'elle avait un positionnement flou et cyclique lors du traitement de dossiers impactant la gestion quotidienne, qu'elle se déresponsabilisait de dossiers sensibles, qu'elle reprochait indument à ses collaborateurs de ne pas avoir fait avancer des dossiers créant un malaise au sein de son service, qu'elle remettait en cause le travail des autres services, et se positionnait en victime, ne sachant pas gérer ses rapports avec sa supérieure hiérarchique et manifestant peu d'empathie à l'égard de ses cadres. Ce comportement globalement inadapté constitue un manquement de sa part à son obligation de conscience professionnelle.

8. En quatrième lieu, Mme C... ne conteste pas sérieusement, alors qu'elle s'était elle-même chargée de suivre son dossier, ne pas avoir respecté la procédure applicable avant la signature de l'arrêté du 22 avril 2016 la plaçant en mi-temps thérapeutique, en particulier en se dispensant de produire un certificat médical et l'avis de la caisse primaire d'assurance maladie. Ce comportement, compte tenu des fonctions exercées par la requérante, constitue une faute de nature à justifier une sanction disciplinaire.

S'agissant de la gravité des faits reprochés :

9. Il résulte de ce qui précède aux points 6 à 8 que les faits reprochés à Mme C..., dont la matérialité est établie, pris dans leur ensemble, présentent un caractère fautif et sont d'une gravité suffisante pour justifier le prononcé d'une sanction à son encontre. Toutefois, alors que Mme C... n'avait jamais fait auparavant l'objet de sanction disciplinaire ni de mauvaises évaluations, la mesure de licenciement sans préavis ni indemnité prise à son encontre, qui constitue la sanction la plus grave dans l'échelle des sanctions applicables, est disproportionnée et doit donc être annulée.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté de licenciement du 9 septembre 2016.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

11. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit par la même décision cette mesure, assortie le cas échéant d'un délai d'exécution ".

12. Le présent arrêt, qui annule le licenciement dont Mme C... a fait l'objet implique nécessairement sa réintégration juridique à la date de son éviction, ainsi que la reconstitution des droits sociaux qu'elle tient de son contrat à durée indéterminée, lequel est réputé n'avoir jamais cessé. Sans préjudice de la faculté de prononcer une autre sanction à raison des fautes commises, le présent arrêt implique également, sous réserve qu'aucune circonstance de droit ou de fait n'y fasse légalement obstacle, que l'université procède à la réintégration effective de Mme C... dans un emploi équivalent à celui qu'elle occupait avant son éviction. Il y a lieu d'enjoindre à l'université de Reims Champagne-Ardenne d'y procéder dans le délai de deux mois qui suit la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme C..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont l'université de Reims Champagne-Ardenne demande le versement au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative de mettre à la charge de l'université de Reims Champagne-Ardenne le versement d'une somme de 1 500 euros à Mme C... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du 11 avril 2017 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne et l'arrêté du 9 septembre 2016 prononçant le licenciement sans préavis ni indemnité de Mme C... sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à l'université de Reims Champagne-Ardenne de réintégrer Mme C... à compter de la date de son licenciement et de reconstituer ses droits sociaux, dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'université de Reims Champagne-Ardenne versera à Mme C... une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme C... et les conclusions de l'université Reims Champagne-Ardenne tendant au versement d'une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... C... et à l'université de Reims Champagne-Ardenne.

N° 17NC01358 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 17NC01358
Date de la décision : 03/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-10-06-02 Fonctionnaires et agents publics. Cessation de fonctions. Licenciement. Auxiliaires, agents contractuels et temporaires.


Composition du Tribunal
Président : MARINO
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre STEINMETZ-SCHIES
Rapporteur public ?: Mme KOHLER
Avocat(s) : CTB AVOCATS ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-10-03;17nc01358 ?
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