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01/10/2019 | FRANCE | N°18NC01900

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 01 octobre 2019, 18NC01900


Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler les arrêtés du 29 mai 2018 par lesquels le préfet de Meurthe-et-Moselle, d'une part, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans, d'autre part, l'a assigné à résidence dans le département de la Meurthe-et-Moselle pour u

ne durée de trente jours, renouvelable une fois.

Par un jugement n° 1801463, ...

Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler les arrêtés du 29 mai 2018 par lesquels le préfet de Meurthe-et-Moselle, d'une part, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans, d'autre part, l'a assigné à résidence dans le département de la Meurthe-et-Moselle pour une durée de trente jours, renouvelable une fois.

Par un jugement n° 1801463, 1801464 du 5 juin 2018, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy a admis M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et a rejeté le surplus des conclusions de ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 juillet 2018, M. B... A..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1801463, 1801464 du magistrat désigné du tribunal administratif de Nancy du 5 juin 2018 ;

2°) d'annuler les arrêtés du préfet de Meurthe-et-Moselle du 29 mai 2018 ;

3°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et de surseoir à statuer dans l'attente de la décision d'aide juridictionnelle ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement au bénéfice de son conseil d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- le jugement du 5 juin 2018 est entaché d'irrégularité, dès lors que le tribunal était tenu de surseoir à statuer dans l'attente de la décision du bureau d'aide juridictionnelle ;

- les décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ont été prises par une autorité incompétente ;

- les décisions en litige sont insuffisamment motivées ;

- elles sont entachées d'un défaut d'examen sérieux de sa situation ;

- elles ont été prises à l'issue d'une procédure méconnaissant le principe du contradictoire et le droit d'être entendu consacré à l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- elles méconnaissent les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elles méconnaissent également les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire a été prise par une autorité incompétente ;

- la décision en litige est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation ;

- elle est dépourvue de base légale dès lors que, d'une part, du fait de l'invocation par le préfet de dispositions concurrentes, il est difficile d'en connaître le fondement juridique, d'autre part, la notion de risque de fuite, telle que définie au II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'est pas compatible avec les articles 1, 3 et 7 de la directive n° 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, dès lors que la preuve d'un risque de fuite n'est nullement rapportée en l'espèce ;

- la décision portant fixation du pays de destination a été prise par une autorité incompétente ;

- la décision en litige a été prise à l'issue d'une procédure méconnaissant le principe du contradictoire ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'illégalité, dès lors que, d'une part, la durée de l'interdiction n'est pas spécialement motivée, d'autre part, qu'il n'existe aucun risque objectif de fuite ;

- la décision portant assignation à résidence a été prise par une autorité incompétente ;

- la décision en litige est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen sérieux et particulier de sa situation ;

- elle a été prise à l'issue d'une procédure ne respectant pas les droits de la défense ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 561-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 avril 2019, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au non-lieu à statuer et, subsidiairement, au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le requérant a été effectivement éloigné vers l'Albanie le 3 avril 2019 ;

- les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.

Par une décision du 25 avril 2019, notifié à l'intéressé le jour même, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nancy a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle, présentée le 5 juillet 2018, par M. A....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la directive n° 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A... est un ressortissant albanais, né le 6 septembre 1997. Il a déclaré être entré régulièrement en France, le 25 avril 2015, sous couvert d'un passeport en cours de validité. Il a présenté une demande d'asile, qui a été successivement rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le 13 décembre 2015, puis par la Cour nationale du droit d'asile, le 5 octobre 2016. En conséquence du refus opposé par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le préfet de Meurthe-et-Moselle, par un arrêté du 20 janvier 2016, dont la légalité a été confirmée par un jugement n°1601632 du tribunal administratif de Nancy du 13 octobre 2016, a refusé d'admettre le requérant au séjour et a pris à son encontre une mesure d'éloignement, à laquelle il n'a pas déféré. L'intéressé ayant été convoqué par les services de police, le 29 mai 2018, à la suite de son interpellation pour détention de produits stupéfiants, le préfet, par un nouvel arrêté du 29 mai 2008, lui a fait obligation de quitter le territoire français, sans délai de départ volontaire, et a prononcé une interdiction de retour pendant trois ans. Enfin, par un autre arrêté du même jour, M. A... a été assigné à résidence dans le département de Meurthe-et-Moselle pour une durée de trente jours, renouvelable une fois. Par deux requêtes, enregistrées le 30 mai 2018, le requérant a saisi le tribunal administratif de Nancy d'une demande tendant à l'annulation des arrêtés du 29 mai 2018. Il relève appel du jugement n° 1801463, 1801464 du 5 juin 2018 qui rejette ses demandes.

Sur les conclusions à fin d'admission à l'aide juridictionnelle provisoire et à fin du prononcé d'un sursis à statuer :

2. Par une décision du 25 avril 2019, notifié à l'intéressé le jour même, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nancy a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle, présentée le 5 juillet 2018 par M. A..., au motif que celui-ci n'avait pas fourni, dans le délai qui lui était imparti, les documents ou renseignements sollicités. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant aurait déposé un nouveau dossier d'aide juridictionnelle dûment complété. Par suite, ses conclusions à fin d'admission à l'aide juridictionnelle provisoire et à fin du prononcé d'un sursis à statuer ne peuvent qu'être rejetées.

Sur l'exception de non-lieu à statuer opposée en défense par le préfet de Meurthe-et-Moselle :

3. Contrairement aux allégations du préfet de Meurthe-et-Moselle, la seule circonstance que M. A... a été effectivement éloigné vers l'Albanie, le 3 avril 2019, n'a pas pour effet de priver le présent recours de son objet. Par suite, l'exception de non-lieu à statuer ainsi opposée doit être écartée.

Sur la régularité du jugement :

4. Aux termes du premier alinéa de l'article 20 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée (...) par la juridiction compétente ou son président ". Aux termes de l'article 43-1 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 : " Sans préjudice de l'application des dispositions relatives à l'admission provisoire, la juridiction avisée du dépôt d'une demande d'aide juridictionnelle est tenue de surseoir à statuer dans l'attente de la décision statuant sur cette demande. / Il en est de même lorsqu'elle est saisie d'une telle demande, qu'elle transmet sans délai au bureau d'aide juridictionnelle compétent. / Les dispositions des alinéas précédents ne sont pas applicables en cas d'irrecevabilité manifeste de l'action du demandeur à l'aide, insusceptible d'être couverte en cours d'instance. ". Aux termes de l'article 62 du même décret : " L'admission provisoire est demandée sans forme au président du bureau ou de la section ou au président de la juridiction saisie. (...). / L'admission provisoire peut être prononcée d'office si l'intéressé a formé une demande d'aide juridictionnelle sur laquelle il n'a pas encore été définitivement statué ". Aux termes de l'article 64 du même décret : " S'il y a lieu, la décision d'admission accompagnée, le cas échéant, des pièces produites est transmise sans délai au bureau ou à la section du bureau compétent. ". Enfin, aux termes de l'article 65 du même décret : " La décision qui refuse l'aide juridictionnelle après une admission provisoire produit les effets d'une décision de retrait. ".

5. En prononçant, dans les circonstances de l'espèce, l'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle de M. A... et en rejetant, par voie de conséquence, les conclusions de l'intéressé tendant à ce qu'il soit sursis à statuer jusqu'à la décision du bureau d'aide juridictionnelle, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy, contrairement aux allégations de M. A..., n'a pas entaché son jugement d'irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne les moyens dirigés contre la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

6. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de Meurthe-et-Moselle n'a pas opposé à M. A... un refus de délivrance de titre de séjour, que, du reste, l'intéressé n'a nullement sollicité. Par suite, les moyens dirigés contre cette décision, tirés respectivement de l'incompétence de l'auteur de l'acte, de l'atteinte portée au caractère contradictoire de la procédure et au droit d'être entendu, de l'insuffisance de motivation, du défaut d'examen sérieux, de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que de l'erreur manifeste d'appréciation, ne peuvent qu'être écartés.

En ce qui concerne le moyen commun aux décisions portant respectivement obligation de quitter le territoire français, refus d'octroi d'un délai de départ volontaire, fixation du pays de destination et assignation à résidence :

7. Il ressort des pièces du dossier que les décisions en litige ont été signées par Mme Marie-Blanche Bernard, secrétaire générale de la préfecture de Meurthe-et-Moselle. Or, par un arrêté du 29 décembre 2017, régulièrement publié, le jour même, au recueil n° 81 des actes administratifs de la préfecture, le préfet de Meurthe-et-Moselle a consenti à l'intéressée une délégation de signature à l'effet de signer " tous les arrêtés, décisions, circulaires, rapports, documents et correspondances relevant des attributions de l'Etat dans le département de Meurthe-et-Moselle, à l'exception des arrêtés de conflits ". Par suite, le moyen commun tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte manque en fait et il ne peut, dès lors, qu'être écarté.

En ce qui concerne les autres moyens dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français :

8. En premier lieu, ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé dans ses arrêts C-166/13 et C-249/13 des 5 novembre et 11 décembre 2014, le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour. Ce droit n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations, de façon spécifique, sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français ou sur la décision le plaçant en rétention ou l'assignant à résidence dans l'attente de l'exécution de la mesure d'éloignement, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement.

9. Il ressort des pièces du dossier que, à la suite de son interpellation pour détention de produits stupéfiants, M. A... a été auditionné à Nancy par les services de police le 29 mai 2018 à 11h30. Or, il résulte du procès-verbal de cette audition que le requérant, assisté d'un interprète en langue albanaise, a été mis à même de présenter des observations, non seulement sur sa situation administrative, familiale et personnelle, mais également sur l'irrégularité de son séjour et sur la perspective de son éloignement, assorti, le cas échéant, d'un placement en rétention ou d'une assignation à résidence. Contrairement aux allégations de M. A..., ce procès-verbal a été transmis en temps utile au préfet de Meurthe-et-Moselle, qui, dans les motifs de la décision en litige, notifiée le jour même à 16h35, s'y réfère expressément et en reprend le contenu. Par suite, les moyens tirés de l'atteinte portée au principe du contradictoire, ainsi que, en tout état de cause, au droit d'être entendu consacré à l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, doivent être écartés.

10. En deuxième lieu, contrairement aux allégations de M. A..., la décision en litige comporte, dans ses visas et motifs, l'ensemble des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elle est suffisamment motivée au regard des exigences énoncées à l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait et ne peut, dès lors, qu'être écarté.

11. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, spécialement des motifs de la décision en litige, que le préfet de Meurthe-et-Moselle se serait abstenu de procéder à un examen particulier de la situation personnelle de M. A....

12. En quatrième lieu, M. A... ne saurait utilement invoquer, pour contester la légalité d'une mesure d'éloignement, les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui concernent les conditions de délivrance d'un titre de séjour. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions en cause doit être écarté comme inopérant.

13. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

14. Il ressort des pièces du dossier que M. A... n'est présent sur le territoire français que depuis le 25 avril 2015. Depuis le rejet de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 13 décembre 2015, il s'est soustrait à une mesure d'éloignement, prononcée à son encontre le 20 janvier 2016, et n'a entrepris aucune démarche en vue de régulariser sa situation. Il est célibataire et sans enfant à charge. Il n'est pas sérieusement contesté que, en dehors d'une soeur, titulaire d'une carte de séjour pluriannuelle, les autres membres de sa famille proche, présents en France, y séjournent eux aussi illégalement et ont donc vocation à regagner leur pays. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations en cause ne peut être favorablement accueilli.

15. En sixième et dernier lieu, compte tenu de ce qui vient d'être dit, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement sur la situation de l'intéressé doit être écarté.

En ce qui concerne les autres moyens dirigés contre la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :

16. En premier lieu, la décision en litige comporte, dans ses visas et motifs, l'ensemble des considérations de droit et de fait, qui en constitue le fondement. Elle est suffisamment motivée au regard des exigences de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.

17. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, spécialement des motifs de la décision en litige, que le préfet de Meurthe-et-Moselle se serait abstenu de procéder à un examen particulier de la situation personnelle de M. A....

18. En troisième lieu, aux termes de l'article 1er de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier : " La présente directive fixe les normes et procédures communes à appliquer dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, conformément aux droits fondamentaux en tant que principes généraux du droit communautaire, ainsi qu'au droit international, y compris aux obligations en matière de protection des réfugiés et de droits de l'homme. ". Aux termes de l'article 3 de cette même directive : " Aux fins de la présente directive, on entend par : (...) 7) " risque de fuite ": le fait qu'il existe des raisons, dans un cas particulier et sur la base de critères objectifs définis par la loi, de penser qu'un ressortissant d'un pays tiers faisant l'objet de procédures de retour peut prendre la fuite ; ". Enfin, aux termes du quatrième paragraphe de l'article 7 de cette même directive : " S'il existe un risque de fuite (...), les États membres peuvent s'abstenir d'accorder un délai de départ volontaire ou peuvent accorder un délai inférieur à sept jours. ".

19. Par ailleurs, aux termes des dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leur rédaction alors applicable : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification pour rejoindre le pays dont il possède la nationalité ou tout autre pays non membre de l'Union européenne ou avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen où il est légalement admissible. (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2. (...) ".

20. D'une part, il ressort clairement des motifs de la décision en litige que le refus d'octroi d'un délai de départ volontaire opposé à M. A... se fonde sur les dispositions du d) et du f) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. D'autre part, en estimant, dans les cas énoncés par le paragraphe II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment ceux où l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ou ne peut justifier de garanties de représentation suffisantes, qu'il existe des risques que l'intéressé se soustraie à l'obligation qui lui est faite de quitter le territoire, le législateur français a retenu des critères objectifs qui ne sont pas incompatibles avec les buts et les règles de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2018. En outre, en réservant l'hypothèse de " circonstances particulières ", les dispositions législatives en cause ont entendu garantir un examen au cas par cas de chaque situation individuelle et elles ne peuvent, dès lors, être regardées comme méconnaissant le principe de proportionnalité rappelé par la directive. Par suite, le moyen tiré du défaut de base légale doit être écarté dans ses deux branches.

21. En quatrième et dernier lieu, il est constant que M. A... s'est soustrait à une précédente mesure d'éloignement, prononcée à son encontre le 20 janvier 2016, et que, jusqu'à son interpellation pour détention de produits stupéfiants, il n'a entrepris aucune démarche pour régulariser sa situation en France. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la preuve du risque de fuite n'est pas démontrée en l'espèce et que la décision en litige serait entachée d'une erreur d'appréciation à cet égard.

En ce qui concerne les autres moyens dirigés contre la décision portant fixation du pays de destination :

22. En premier lieu, M. A..., qui a été mis à même de présenter ses observations préalablement à l'édiction de la décision portant obligation de quitter le territoire français, ne saurait utilement se prévaloir, pour contester la légalité de la décision en litige, prise le même jour, d'une méconnaissance du principe du contradictoire et du droit d'être entendu.

23. En second lieu, si le requérant fait valoir qu'il risquerait d'être exposé, en cas de retour en Albanie, à des traitements prohibés par les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ses allégations ne sont assorties d'aucune précision, ni d'aucun commencement de preuve. Par suite, et alors que, au demeurant, la demande d'asile de l'intéressé a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, puis par la Cour nationale du droit d'asile, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations en cause doit être écarté.

En ce qui concerne les moyens dirigés contre la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

24. Aux termes des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leur rédaction alors applicable : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".

25. D'une part, il ressort des pièces du dossier, spécialement des motifs de la décision en litige, que, pour justifier sa décision de prononcer à l'encontre de M. A... une interdiction de retour sur le territoire français de trois ans, le préfet de Meurthe-et-Moselle a retenu que l'intéressé, qui est célibataire, sans enfant à charge, et qui n'établit pas être démuni d'attaches dans son pays d'origine, n'a pas satisfait à une précédente obligation de quitter le territoire français, qu'il présente une faible durée de présence en France et, enfin, qu'il ne fait état d'aucune intégration particulière, ni d'aucune circonstance particulière susceptible d'expliquer son maintien irrégulier sur le territoire français. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la durée de l'interdiction qui le frappe n'aurait pas fait l'objet d'une motivation spécifique.

26. D'autre part, la circonstance qu'il n'existerait aucun risque objectif de fuite, à la supposer même établie, est sans incidence sur la légalité de la décision en litige. Par suite, le moyen doit être écarté comme inopérant.

En ce qui concerne les autres moyens dirigés contre la décision portant assignation à résidence :

27. En premier lieu, la décision en litige comporte, dans ses visas et motifs, l'ensemble des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elle est ainsi suffisamment motivée au regard des exigences de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.

28. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, spécialement des motifs de la décision en litige, que le préfet de Meurthe-et-Moselle se serait abstenu de procéder à un examen particulier de la situation personnelle de M. A....

29. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 561-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les étrangers assignés à résidence sur le fondement des articles L. 552-4 et L. 561-2 se voient remettre une information sur les modalités d'exercice de leurs droits, sur les obligations qui leur incombent et, le cas échéant, sur la possibilité de bénéficier d'une aide au retour. ".

30. Il ressort des pièces du dossier que, contrairement aux allégations de M. A..., la décision en litige était accompagnée, conformément aux dispositions invoquées, d'une information sur les droits et obligations des personnes assignées à résidence et, notamment, sur la possibilité de bénéficier d'une aide au retour. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 561-2-1 manque en fait et il ne peut, dès lors, qu'être écarté.

31. En quatrième lieu, ainsi qu'il a déjà été dit, il résulte du procès-verbal d'audition de M. A... par les services de police, qui a été transmis en temps utile au préfet de Meurthe-et-Moselle, que l'intéressé a été mis à même de présenter ses observations sur la perspective de son éloignement et sur son éventuelle assignation à résidence. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige aurait été prise à l'issue d'une procédure méconnaissant ses droits de la défense.

32. En cinquième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " I.-L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : (...) 5° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé ; (...) ".

33. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de Meurthe-et-Moselle a assigné M. A... à résidence pour une durée de trente jours, renouvelable une fois, et lui a fait obligation de se rendre chaque mardi et chaque jeudi aux services de la sécurité publique de Nancy. Le requérant, qui déclare résider à Nancy ne fait état d'aucun élément susceptible de démontrer que la restriction ainsi apportée à sa liberté d'aller et de venir et à son droit de mener une vie familiale normale serait disproportionnée. Par suite, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation dont serait entachée la décision en litige ne peut être accueilli.

34. Il résulte de tout ce que précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation des arrêtés préfectoraux du 29 mai 2018.

35. Il suit de là que le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté ses recours. Par voie de conséquence, ses conclusions fin d'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique, doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée pour information au préfet de Meurthe-et-Moselle.

2

N° 18NC01900


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NC01900
Date de la décision : 01/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: Mme SEIBT
Avocat(s) : SELARL GUITTON et GROSSET BLANDIN

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-10-01;18nc01900 ?
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