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01/10/2019 | FRANCE | N°17NC01400

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 01 octobre 2019, 17NC01400


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Saveurs et Sauces a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner l'Etat à lui verser une indemnité totale de 74 116,71 euros en réparation du préjudice qu'elle estimait avoir subi du fait de l'illégalité dont était entachée la décision du 13 mai 2008 par laquelle l'inspecteur du travail avait autorisé le licenciement de Mme C....dans la limite du montant total de l'indemnité chiffrée en première instance, la fin de non-recevoir soulevée en défense doit être écartéedan

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Saveurs et Sauces a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner l'Etat à lui verser une indemnité totale de 74 116,71 euros en réparation du préjudice qu'elle estimait avoir subi du fait de l'illégalité dont était entachée la décision du 13 mai 2008 par laquelle l'inspecteur du travail avait autorisé le licenciement de Mme C....dans la limite du montant total de l'indemnité chiffrée en première instance, la fin de non-recevoir soulevée en défense doit être écartéedans la limite du montant total de l'indemnité chiffrée en première instance, augmentée le cas échéant des éléments nouveaux apparus postérieurement au jugement, sous réserve des règles qui gouvernent la recevabilité des demandes fondées sur une cause juridique nouvelle

Par un jugement n° 1302958 du 19 avril 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a condamné l'Etat à verser à la SAS IDHEA, venant aux droits de la société Saveurs et Sauces, une somme de 20 646 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 juin 2017, et un mémoire complémentaire, enregistré le 26 avril 2018, la société IDHEA, représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 19 avril 2017 en tant qu'il a limité le montant de son indemnité à la somme de 20 646 euros ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser, à titre principal une indemnité totale de 72 491,20 euros et, à titre subsidiaire, une indemnité de 42 524,36 euros ;

3°) de mettre à la charge l'Etat une somme de 3 000 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'illégalité dont est entachée tant la décision du 13 mai 2008 que celle du ministre du travail l'ayant implicitement confirmée est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré qu'elle avait commis une faute de nature à atténuer la responsabilité de l'Etat et qu'ils ont rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser la totalité de l'indemnité payée à la salariée sur le fondement de l'article L. 2422-4 du code du travail ;

- l'indemnité due par l'Etat doit comprendre les charges patronales d'un montant de 18 641,69 euros que le conseil des prud'hommes de Schiltigheim l'a condamnée à verser à Mme C... ; cette demande est recevable en appel dès lors qu'elle relève de la même cause juridique que celle de sa demande de première instance ;

- elle est également fondée à solliciter le remboursement de la somme de 12 557,51 euros correspondant aux des frais de procédure qu'elle a engagés.

Par un mémoire, enregistré le 9 janvier 2018, la ministre du travail conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que :

- la demande tendant au remboursement de charges patronales d'un montant de 18 641,69 euros est nouvelle en appel et, par suite, irrecevable ;

- aucun des moyens invoqués par la société requérante n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de Mme Seibt, rapporteur public,

- et les observations de Me E..., substituant Me D..., pour la société requérante.

Considérant ce qui suit :

1. La décision du 13 mai 2008, par laquelle l'inspecteur du travail du Bas-Rhin avait autorisé la société Saveurs et Sauces à licencier pour motif disciplinaire Mme C..., secrétaire comptable au sein de la société et par ailleurs déléguée du personnel, a été annulée par un jugement du 26 janvier 2012, confirmé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 8 avril 2013. Par un jugement du 12 mars 2015, le conseil de prud'hommes de Schiltigheim a condamné la société Saveurs et sauces à verser à Mme C..., qui avait été licenciée à compter du 22 mai 2008, une indemnité de 41 292 euros sur le fondement de l'article L. 2422-4 du code du travail, une somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et, enfin, une somme 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Cette société a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner l'Etat à réparer les préjudices qu'elle avait subis en raison de l'illégalité fautive dont était entachée l'autorisation de licenciement qui avait été annulée. La société IDHEA, venant aux droits de la société Saveurs et Sauces, relève appel du jugement du 19 avril 2017 en tant que le tribunal ne lui a accordé qu'une indemnité d'un montant de 20 646 euros.

Sur la fin de non-recevoir opposée par la ministre chargée du travail :

2. La personne qui a demandé en première instance la réparation des conséquences dommageables d'un fait qu'elle impute à une administration est recevable à détailler ces conséquences devant le juge d'appel, en invoquant le cas échéant des chefs de préjudice dont elle n'avait pas fait état devant les premiers juges, dès lors que ces chefs de préjudice se rattachent au même fait générateur et que ses prétentions demeurent ...dans la limite du montant total de l'indemnité chiffrée en première instance, la fin de non-recevoir soulevée en défense doit être écartéedans la limite du montant total de l'indemnité chiffrée en première instance, augmentée le cas échéant des éléments nouveaux apparus postérieurement au jugement, sous réserve des règles qui gouvernent la recevabilité des demandes fondées sur une cause juridique nouvelle.dans la limite du montant total de l'indemnité chiffrée en première instance, la fin de non-recevoir soulevée en défense doit être écartéedans la limite du montant total de l'indemnité chiffrée en première instance, augmentée le cas échéant des éléments nouveaux apparus postérieurement au jugement, sous réserve des règles qui gouvernent la recevabilité des demandes fondées sur une cause juridique nouvelle

3. En l'espèce, si la société IDHEA demande pour la première fois en appel le remboursement des charges patronales afférentes à l'indemnité qu'elle a dû verser en application de l'article L. 2422-4 du code du travail, ce nouveau chef de préjudice se rattache aux conséquences dommageables du fait générateur invoqué dans la demande de première instance. Par suite et dès lors que les prétentions de la société demeurent ...dans la limite du montant total de l'indemnité chiffrée en première instance, la fin de non-recevoir soulevée en défense doit être écartéedans la limite du montant total de l'indemnité chiffrée en première instance, augmentée le cas échéant des éléments nouveaux apparus postérieurement au jugement, sous réserve des règles qui gouvernent la recevabilité des demandes fondées sur une cause juridique nouvelle.dans la limite du montant total de l'indemnité chiffrée en première instance, la fin de non-recevoir soulevée en défense doit être écartéedans la limite du montant total de l'indemnité chiffrée en première instance, augmentée le cas échéant des éléments nouveaux apparus postérieurement au jugement, sous réserve des règles qui gouvernent la recevabilité des demandes fondées sur une cause juridique nouvelle

Sur la responsabilité de l'Etat :

4. En application des dispositions du code du travail, le licenciement d'un salarié protégé ne peut intervenir que sur autorisation de l'autorité administrative. L'illégalité de la décision autorisant un tel licenciement constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la puissance publique, quelle que puisse par ailleurs être la responsabilité encourue par l'employeur lui-même. Ce dernier est alors en droit d'obtenir la condamnation de l'Etat à réparer le préjudice direct et certain résultant pour lui de cette décision illégale.

5. Par un arrêt du 18 mars 2013 la cour administrative de Nancy a confirmé le jugement du 26 janvier 2012 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 13 mai 2008 de l'inspecteur du travail accordant à la société Saveurs et Sauces l'autorisation de licencier Mme C... pour motif disciplinaire, ainsi que la décision implicite du ministre chargé du travail confirmant cette décision sur recours hiérarchique, au motif que l'enquête de l'inspecteur du travail n'avait pas revêtu un caractère contradictoire. L'illégalité de ces décisions constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat.

Sur les préjudices :

6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2422-4 du code du travail : " Lorsque l'annulation d'une décision d'autorisation est devenue définitive, le salarié investi d'un des mandats mentionnés à l'article L. 2422-1 a droit au paiement d'une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et sa réintégration (...). L'indemnité correspond à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et l'expiration du délai de deux mois s'il n'a pas demandé sa réintégration. Ce paiement s'accompagne du versement des cotisations afférentes à cette indemnité qui constitue un complément de salaire ".

7. Par son jugement du 12 mars 2015, le conseil des prud'hommes de Schiltigheim a condamné la société requérante à verser à Mme C... la somme de 41 292 euros au titre de l'indemnité prévue par ces dispositions. Il résulte de l'instruction et notamment des termes de ce jugement que la juridiction prud'homale a considéré que le licenciement de Mme C... était sans cause réelle et sérieuse. Elle a estimé que la salariée n'avait pas commis de faute de nature à justifier son licenciement. Dans ces conditions la société IDHEA, qui s'est désistée le 28 novembre 2016 de l'appel qu'elle avait formé contre ce jugement, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a considéré qu'en sollicitant l'autorisation de licenciement ultérieurement annulée, elle avait commis une faute de nature à exonérer l'Etat de la moitié de sa responsabilité. En outre, si la société soutient que l'Etat devrait être condamné à lui verser la totalité des sommes qu'elle a été condamnée à verser sur le fondement de l'article L. 2422-4 du code du travail, sans que ce partage de responsabilité puisse trouver à s'appliquer, la faute de l'Etat ne peut être regardée comme la cause exclusive de la condamnation de la société à verser ladite indemnité, dès lors qu'en sollicitant l'autorisation de licencier Mme C..., la société a également contribué au dommage. Par suite et alors même qu'elle a également versé à la salariée une indemnité en raison de l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif n'a condamné l'Etat qu'à lui verser une somme correspondant à la moitié de l'indemnité prévue à l'article L. 2422-4 du code du travail.

8. En revanche, ainsi que l'indique la société en appel, le paiement de cette indemnité devait s'accompagner, en vertu des dispositions précitées, du versement des cotisations afférentes. La société IDHEA justifie avoir versé, outre la somme de 41 292 euros, des charges patronales d'un montant de 18 641,69 euros. Compte tenu de la part de responsabilité lui incombant, la société est uniquement fondée à ce que l'Etat soit condamné à verser la moitié des cotisations patronales qu'elle a acquittées, soit la somme de 9 320,85 euros.

9. En second lieu, la société justifie en appel avoir versé la somme de 12 557,51 euros à son conseil " en rémunération des diligences effectuées pour défendre les intérêts des sociétés Saveurs et Sauces et IDHEA dans le cadre du litige les opposant à Mme A... C... ". Toutefois, alors notamment que les frais et honoraires correspondant à la procédure initiée par Mme C... devant le tribunal administratif ou devant le conseil des prud'hommes auraient pu rester à la charge des sociétés Saveurs et Sauces et IDHEA dans l'hypothèse où les demandes de Mme C... auraient été rejetées, la société requérante n'établit pas que les sommes en cause sont en lien direct avec la faute de l'administration.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la société IDHEA est seulement fondée à demander que l'indemnité que le tribunal administratif lui a allouée soit fixée à la somme de 29 966,85 euros.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société IDHEA et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La somme que l'Etat a été condamné à verser à la société IDHEA par le jugement du 19 avril 2017 est fixée à 29 966,85 euros.

Article 2 : Le jugement n° 1302958 du tribunal administratif de Strasbourg du 19 avril 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à la SAS IDHEA une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS IDHEA et à la ministre du travail.

2

N° 17NC01400


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NC01400
Date de la décision : 01/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

66-07-01-045 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Responsabilité.


Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: Mme Guénaëlle HAUDIER
Rapporteur public ?: Mme SEIBT
Avocat(s) : REYNAUD VALÉRIE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-10-01;17nc01400 ?
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