Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SARL Paradisio a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2007 à 2009, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2009, et des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1302616 du 5 décembre 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 6 février 2018, et un mémoire complémentaire, enregistré le 22 mai 2018, la SARL Paradisio, représentée initialement par Me D..., puis par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 5 décembre 2017 ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions ainsi que des pénalités et des intérêts de retard y afférent ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 20 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que l'administration a rejeté sa comptabilité ;
- l'administration fiscale, qui utilise des données de l'entreprise limitées à une période de deux mois, emploie des termes de comparaison inadaptés et mobilise des méthodes inadaptées, enfin a choisi une méthode de reconstitution du chiffre d'affaires sommaire et radicalement viciée, conduisant à des résultats imprécis et incohérents ;
- les majorations et intérêts de retard sont contestés par voie de conséquence ;
- la motivation de la pénalité prévue par l'article 1759 du code général des impôts fait défaut sur l'avis de mise en recouvrement, entachant la régularité de la procédure afférente à cette pénalité.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 juin 2018, et un mémoire complémentaire, enregistré le 23 avril 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut d'une part, à ce que la cour prononce un non-lieu partiel et d'autre part, au rejet du surplus des conclusions de la requête.
Il soutient que :
- les intérêts de retard et l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts ont fait l'objet d'une remise, sur le fondement de l'article 1756 du code général des impôts, de sorte que la cour pourra prononcer un non-lieu partiel sur ce point ;
- les autres moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A... B...,
- et les conclusions de Mme Peton, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Paradisio, qui exerce une activité de restauration traditionnelle, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2009, étendue jusqu'au 28 février 2010 en matière de taxe sur la valeur ajoutée. Après avoir rejeté sa comptabilité, l'administration fiscale a procédé à la reconstitution du chiffre d'affaires de chacun des exercices vérifiés et notifié à la société, dans le cadre de la procédure de rectification contradictoire, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des années 2007, 2008 et 2009 ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2007 au 28 février 2010. L'administration a, par ailleurs, mis à la charge de la SARL Paradisio l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts faute pour cette dernière d'avoir désigné le ou les bénéficiaires de ce qu'elle regardait comme des revenus distribués. La SARL Paradisio relève appel du jugement du 5 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions, des pénalités correspondantes et de l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts.
Sur l'étendue du litige :
2. A la suite de son placement en redressement judiciaire le 28 février 2019, la SARL Paradisio a obtenu, en application de l'article 1756 du code général des impôts, la remise des intérêts de retard et de l'amende prévue par les dispositions de l'article 1759 du code général des impôts en litige. Dans cette mesure, les conclusions de la requête sont sur ce point devenues sans objet.
Sur le surplus des conclusions aux fins de décharge :
En ce qui concerne la charge de la preuve et le rejet de la comptabilité :
3. Aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 du livre des procédures fiscales est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge (...) ".
4. Il résulte de l'instruction que la SARL Paradisio, qui ne saurait utilement justifier la situation de sa comptabilité par le seul fait que sa caisse enregistreuse aurait été volée peu avant les opérations de contrôle, n'a présenté, au cours des opérations de contrôle, aucun élément comptable, en version informatique ou papier, permettant le contrôle des recettes encaissées, ainsi que leur ventilation en fonction des taux de taxe sur la valeur ajoutée applicables, pour la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2009, ni aucune facture d'achats pour la période du 1er juin au 31 décembre 2007. Par ailleurs, les recettes n'étaient enregistrées globalement en comptabilité qu'une fois par mois, sans ventilation entre les ventes à emporter et celles consommées sur place, et sans aucune autre ventilation entre les règlements en espèces, en chèques et en cartes bleues qu'une écriture annuelle, à la date du 31 décembre 2007, sans présentation d'aucun brouillard ou agenda de caisse, de sorte qu'il n'était pas possible de suivre les opérations réalisées en espèces. Ces différentes constatations ont à elles seules permis à l'administration fiscale de considérer la comptabilité de l'entreprise comme non probante. Dès lors, à la supposer même avérée, la circonstance que, de manière surabondante, le vérificateur aurait tiré des conséquences, au regard de la variation du coefficient de sa marge, qui semblent incohérentes aux yeux de la société, est sans incidence sur la possibilité pour l'administration fiscale de considérer sa comptabilité comme non probante. C'est donc à bon droit que le service a écarté la comptabilité de l'entreprise et procédé par suite à la reconstitution extra-comptable du chiffre d'affaires de l'entreprise pour l'ensemble de la période vérifiée.
5. Les impositions supplémentaires en litige ont été établies conformément à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires du 23 mai 2012. Il en résulte qu'en application des dispositions précitées de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, la SARL Paradisio supporte la charge de la preuve de l'exagération des bases d'imposition issues des rappels litigieux. La société requérante peut, dès lors qu'elle n'est pas en mesure d'établir le montant exact des bases d'imposition en s'appuyant sur une comptabilité régulière et probante, soit critiquer la méthode d'évaluation que l'administration a suivie et qu'elle doit faire connaître au contribuable, en vue de démontrer que cette méthode aboutit à une exagération des bases d'imposition, soit encore, aux mêmes fins, soumettre à l'appréciation du juge une nouvelle méthode d'évaluation permettant de déterminer les bases d'imposition avec une précision meilleure que celle qui pouvait être atteinte par la méthode utilisée par l'administration.
En ce qui concerne la reconstitution du chiffre d'affaires :
6. Il résulte de l'instruction que l'administration a d'abord reconstitué le chiffre d'affaires de la SARL Paradisio en effectuant la moyenne des chiffres d'affaires issue de quatre méthodes différentes. La première, dite du coefficient de marge globale par comparaison, a consisté à appliquer aux achats revendus de la société un coefficient de marge moyen réalisé par des établissements fonctionnant dans des conditions similaires. Selon la deuxième, dite " méthode de rendement du personnel ", le service a appliqué aux charges de personnels supportées par la société le rapport observé entre ces mêmes charges et le chiffre hors taxes réalisés par des établissements fonctionnant dans des conditions similaires. La troisième, dite des sets de tables, a tiré les conséquences de la corrélation existant entre les sets de tables achetés par la société et le chiffre d'affaires réalisé. Enfin, la dernière, dite " méthode des vins ", a consisté à établir les coefficients de marge sur les vins et champagnes en comparant les factures d'achats et les prix de vente sur la période du 1er janvier 2010 au 28 février 2010, à reconstituer les recettes de vins par application d'un coefficient multiplicateur, à déterminer le pourcentage moyen du prix des vins entrant dans la composition du montant des notes de restaurant après dépouillement d'un nombre significatif de notes entre le 1er janvier 2010 et le 28 février 2010, et à déterminer le total des recettes par application de ce rapport. Toutefois, l'administration, a, le 14 octobre 2011, accepté d'abandonner la méthode de rendement du personnel, notifiant à la société les conséquences financières du rehaussement après cet abandon.
7. En premier lieu, si la méthode globale retenue par le vérificateur pour reconstituer le chiffre d'affaires de la société comporte, faute notamment de pouvoir se fonder sur une comptabilité probante, inévitablement une part d'approximation, cette seule circonstance ne saurait suffire à établir que la méthode de l'administration serait radicalement viciée ou excessivement sommaire.
8. En deuxième lieu, la circonstance que la période du 1er janvier 2010 au 28 février 2010, utilisée comme période de référence par le vérificateur dans le cadre des méthodes des sets de table et des vins, est postérieure à la période vérifiée, est par elle-même sans incidence sur le bien-fondé des bases reconstituées par l'administration dès lors que la société appelante, qui se borne à soutenir que cette période comporterait un week-end de plus que toute autre période de deux mois, n'établit pas que cette période ne serait pas significative ou ne reflèterait pas ses conditions réelles d'exploitation. Si la SARL Paradisio fait valoir que ses conditions d'exploitation étaient différentes au cours de l'année 2009, dès lors que l'exploitation du restaurant s'est faite sous un chapiteau après un acte de vandalisme ayant engendré des dégradations dans l'établissement, elle n'établit pas que le vérificateur, qui a accepté de tenir compte de ce changement en retranchant 10 000 sets susceptibles de correspondre au stock de sets perdus lors de ce sinistre, aurait insuffisamment pris en compte les conséquences d'un tel changement. Par ailleurs, la circonstance que la fréquentation du restaurant ait pu changer en 2009, à la supposer établie, est sans incidence sur les résultats obtenus dans le cadre de la méthode des vins, celle-ci tenant compte des achats de vins au cours de cette période.
9. En troisième lieu, la SARL Paradisio soutient que la reconstitution opérée par le service aboutit à des résultats exagérés et critique en ce sens la pertinence de certains des termes de comparaison retenus par le service. Elle soutient à cet effet que la société Italrest, qui appartient à un groupe de sociétés mutualisant les plats, disposerait d'un personnel non qualifié, que la société Figaro n'exploiterait qu'une salle comptant 80 couverts maximum, et que la société Restotime ne se situerait pas dans la même zone d'activité. Toutefois, il résulte de l'instruction que le vérificateur a tenu compte de ces éléments en admettant, à la demande de la société appelante, un abattement de 30 % par rapport aux marges de la société Figaro, qu'il a accepté de diminuer la marge globale du restaurant exploitée par la société Restotime et qu'il a, enfin, validé l'abattement de 13,76 % pour tenir compte de ce que la marge du restaurant exploitée par la société Italrest pouvait être supérieure à la sienne. Dans ces conditions, en se bornant à reprendre des critiques ayant déjà donné lieu à de tels retraitements, la SARL doit être regardée comme n'établissant pas le caractère exagéré des bases d'imposition dégagées par le service.
10. En quatrième lieu, si la SARL Paradisio critique la méthode dite des sets de tables, qui n'est pas radicalement viciée comme il a été dit plus haut, elle n'établit pas que le taux de perte de 10 % relatif aux sets non utilisés, retenu par le vérificateur, serait insuffisant. Contrairement à ce qu'elle soutient, il résulte de l'instruction que le prix moyen d'un repas par set de table vendu retenu par le vérificateur, pour un montant de 15,13 euros, n'a pas été surévalué dès lors que celui-ci ressortait à 14,45 euros en janvier 2010 et à 15,58 euros en février 2010. Enfin, si la SARL Paradisio critique la reconstitution du chiffre d'affaires par le vérificateur procédant de l'achat, sur la période de référence du 1er janvier au 28 février 2010, de sets de table au motif qu'elle disposait déjà d'un stock venant en déduction de ces achats au 31 décembre 2009, il est constant qu'elle n'a présenté aucun inventaire à cette date.
11. En dernier lieu, il résulte de l'instruction, notamment des termes mêmes de la décision de rejet du 16 avril 2013, que l'administration a accepté de retraiter les résultats auxquels aboutissait la méthode dite des vins en excluant les achats de la liqueur " Amaretto " de celle des vins et champagnes, sans que ce retraitement conduise l'administration à modifier les bases d'imposition de la société requérante. En outre, si la SARL Paradisio critique l'absence de prise en considération de stocks de vins existants au 31 décembre 2009, elle n'apporte aucun élément de nature à établir l'existence d'un tel stock. Dans ces conditions, alors que l'administration a par ailleurs retenu des coefficients tenant compte des offerts et des pertes aux clients, d'une part et de la consommation en vin du personnel, d'autre part, favorables à la société, cette dernière n'établit pas l'exagération de ces bases d'imposition.
12. Il s'ensuit que la SARL Paradisio, à qui incombe la charge de la preuve, n'établit pas que la méthode de reconstitution de ses recettes au titre des exercices clos en 2007, 2008 et 2009 serait radicalement viciée dans son principe ou excessivement sommaire ou encore aboutirait à un résultat exagéré.
13. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Paradisio n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SARL Paradisio est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Paradisio et au ministre de l'action et des comptes publics.
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No 18NC00317