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23/07/2019 | FRANCE | N°19NC01126-19NC01127

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 23 juillet 2019, 19NC01126-19NC01127


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F...G...et Mme B...C...ont demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler les décisions du 15 mars 2019 par lesquelles le préfet du Bas-Rhin a décidé leur transfert vers l'Italie.

Par des jugements n° 1900625 et n° 1900626 du 1er avril 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 10 avril 2019, sous le n° 19NC01126, M. G.

.., représenté par Me D...de la SCP D...Bailleul Sottas, demande à la cour :

1°) d'annuler ce ju...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F...G...et Mme B...C...ont demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler les décisions du 15 mars 2019 par lesquelles le préfet du Bas-Rhin a décidé leur transfert vers l'Italie.

Par des jugements n° 1900625 et n° 1900626 du 1er avril 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 10 avril 2019, sous le n° 19NC01126, M. G..., représenté par Me D...de la SCP D...Bailleul Sottas, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 1er avril 2019 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 15 mars 2019 prise à son encontre par le préfet du Bas-Rhin.

Il soutient que :

- la décision de transfert en litige a été prise par une autorité incompétente ;

- le préfet n'établit pas que l'Italie a donné son accord ;

- il a quitté l'Italie depuis plus de trois mois de sorte que cet Etat n'a aucune obligation de le reprendre en charge en application des dispositions de l'article 20 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- l'Italie n'ayant donné qu'un accord implicite, il n'est pas garanti qu'il y sera accueilli en méconnaissance du droit d'asile garanti par le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, les engagements internationaux de la France et la Constitution.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 mai 2019, le préfet du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. G...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 avril 2019.

II. Par une requête enregistrée le 10 avril 2019, Mme C..., sous le n° 19NC01127, représentée par Me D...de la SCP D...Bailleul Sottas, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 1er avril 2019 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 15 mars 2019 prise à son encontre par le préfet du Bas-Rhin.

Elle soutient que :

- la décision de transfert en litige a été prise par une autorité incompétente ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'elle a déposé une demande d'asile le 15 mars 2019 de sorte que les autorités italiennes ne pouvaient avoir été saisies d'une demande de reprise en charge le 27 février 2009 ;

- le préfet n'établit pas que l'Italie a donné son accord explicite pour sa reprise en charge ;

- elle a quitté l'Italie depuis plus de trois mois de sorte que cet Etat n'a aucune obligation de le reprendre en charge en application de l'article 20 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- l'Italie se trouve confrontée à une situation exceptionnelle d'afflux de réfugiés et de difficultés significatives de prise en charge de ces derniers de sorte que la décision en litige méconnaît le droit d'asile garanti par le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, les engagements internationaux de la France et la Constitution.

- la décision en litige méconnaît les dispositions de l'article 16 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article 17 de ce règlement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 mai 2019, le préfet du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la Constitution ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Michel, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes n° 19NC01126 et n° 19NC01127 portent sur la situation d'un même couple de ressortissants étrangers. Il y a lieu de les joindre qu'elles fassent l'objet d'un même arrêt.

2. M. G...et MmeC..., de nationalité nigériane nés respectivement le 25 novembre 1986 et le 9 mars 1995, ont déclaré être entrés irrégulièrement en France et ont sollicité leur admission au séjour au titre de l'asile, mais par des décisions du 15 mars 2019, le préfet du Bas-Rhin a décidé leur transfert vers l'Italie, regardée comme l'Etat membre responsable du traitement de leurs demandes d'asile. Ils font appel des jugements du 1er avril 2019 par lesquels le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces décisions.

3. En premier lieu, les décisions de transfert en litige ont été signées par Mme E...A..., directrice des migrations et de l'intégration, qui bénéficiait, par un arrêté du préfet du Bas-Rhin du 28 décembre 2018, régulièrement publié au recueil des actes de la préfecture du même jour, d'une délégation, qui n'est ni générale ni absolue, à l'effet de signer les décisions de transfert contestées. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire des décisions en litige doit être écarté.

4. En deuxième lieu, après avoir notamment visé le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision en litige rappelle les conditions d'entrée sur le territoire français de MmeC..., indique que la consultation du fichier Eurodac a révélé qu'elle avait sollicité l'asile en Italie, que les autorités italiennes ont été saisies d'une demande de reprise en charge sur le fondement de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 et qu'elles ont donné leur accord implicite le 14 mars 2019 en application de l'article 25 de ce règlement. Cette décision indique également que l'intéressée n'établit pas avoir quitté le territoire des Etats membres pendant une durée au moins égale à trois mois, que les autorités italiennes ont accepté de reprendre en charge son concubin, faisant également l'objet d'une décision de transfert, et qu'aucun élément exposé par l'intéressée ne permet d'établir que les conditions d'accueil des demandeurs d'asile sont insuffisantes alors que son état de grossesse n'est pas une circonstance établissant par lui-même son impossibilité de se rendre en Italie. Par suite, et alors même qu'elle n'indique pas la date de sa demande d'asile, la décision de transfert prise à l'encontre de MmeC..., est suffisamment motivée.

5. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier et notamment de la fiche d'entretien individuel versée à l'instance par le préfet, que Mme C...a présenté une demande d'asile en France le 18 février 2019 et non le 15 mars 2019, ainsi qu'elle le fait valoir en se prévalant d'une attestation de demande d'asile laquelle renseigne d'ailleurs comme date de l'enregistrement de sa demande d'asile le 18 février 2019. Dès lors, à la suite de la consultation du fichier Eurodac indiquant qu'elle avait présenté une demande d'asile en Italie le 6 octobre 2015, le préfet a pu sans erreur de droit saisir l'Italie d'une demande de reprise en charge.

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article 25 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. L'Etat membre requis procède aux vérifications nécessaires et statue sur la requête aux fins de reprise en charge de la personne concernée aussi rapidement que possible et en tout état de cause dans un délai n'excédant pas un mois à compter de la date de réception de la requête. Lorsque la requête est fondée sur des données obtenues par le système Eurodac, ce délai est réduit à deux semaines. / 2. L'absence de réponse à l'expiration du délai d'un mois ou du délai de deux semaines mentionnés au paragraphe 1 équivaut à l'acceptation de la requête, et entraîne l'obligation de reprendre en charge la personne concernée, y compris l'obligation d'assurer une bonne organisation de son arrivée ".

7. Il ressort des pièces du dossier que le préfet a saisi les autorités italiennes, le 27 février 2019, d'une demande de reprise en charge des intéressés, fondée sur les données obtenues par le système Eurodac. En l'absence de réponse de ces autorités, il résulte des dispositions précitées que l'Italie a implicitement accepté cette demande au plus tard le 14 mars 2019, ainsi qu'il ressort d'ailleurs du constat produit par le préfet de l'accord implicite adressé aux autorités italiennes.

8. En cinquième lieu, aux termes de l'article 20 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 5. L'Etat membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite pour la première fois est tenu, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, et en vue d'achever le processus de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen de la demande de protection internationale, de reprendre en charge le demandeur qui se trouve dans un autre Etat membre sans titre de séjour ou qui y introduit une demande de protection internationale après avoir retiré sa première demande présentée dans un autre Etat membre pendant le processus de détermination de l'Etat membre responsable / Cette obligation cesse lorsque l'Etat membre auquel il est demandé d'achever le processus de détermination de l'Etat membre responsable peut établir que le demandeur a quitté entre-temps le territoire des Etats membres pendant une période d'au moins trois mois ou a obtenu un titre de séjour d'un autre Etat membre. / Toute demande introduite après la période d'absence visée au deuxième alinéa est considérée comme une nouvelle demande donnant lieu à une nouvelle procédure de détermination de l'Etat membre responsable ".

9. M. G...et Mme C...n'établissent, par aucune pièce versée à l'instance, avoir quitté le territoire des Etats membres pendant une période d'au moins trois mois depuis l'enregistrement de leurs empreintes en Italie respectivement le 29 juin 2015 et le 6 octobre 2015. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article 20 du règlement (UE) n° 604/2013 doit être écarté.

10. En sixième lieu, aux termes de l'article 16 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Lorsque, du fait d'une grossesse, d'un enfant nouveau-né, d'une maladie grave, d'un handicap grave ou de la vieillesse, le demandeur est dépendant de l'assistance de son enfant, de ses frères ou soeurs, ou de son père ou de sa mère résidant légalement dans un des États membres, ou lorsque son enfant, son frère ou sa soeur, ou son père ou sa mère, qui réside légalement dans un Etat membre est dépendant de l'assistance du demandeur, les Etats membres laissent généralement ensemble ou rapprochent le demandeur et cet enfant, ce frère ou cette soeur, ou ce père ou cette mère, à condition que les liens familiaux aient existé dans le pays d'origine, que l'enfant, le frère ou la soeur, ou le père ou la mère ou le demandeur soit capable de prendre soin de la personne à charge et que les personnes concernées en aient exprimé le souhait par écrit. / Lorsque l'enfant, le frère ou la soeur, ou le père ou la mère visé au paragraphe 1 réside légalement dans un Etat membre autre que celui où se trouve le demandeur, l'Etat membre responsable est celui dans lequel l'enfant, le frère ou la soeur, ou le père ou la mère réside légalement, à moins que l'état de santé du demandeur ne l'empêche pendant un temps assez long de se rendre dans cet État membre. Dans un tel cas, l'Etat membre responsable est celui dans lequel le demandeur se trouve. Cet Etat membre n'est pas soumis à l'obligation de faire venir l'enfant, le frère ou la soeur, ou le père ou la mère sur son territoire ".

11. En se bornant à invoquer la circonstance qu'elle est enceinte de six mois à la date de la décision contestée, Mme C...n'établit pas qu'elle relèverait des dispositions précitées.

12. En dernier lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) ".

13. Si Mme C...soutient qu'un accord implicite de l'Italie ne garantit pas que cet Etat a examiné les conditions de sa prise en charge au regard de sa situation personnelle dès lors qu'elle était alors enceinte d'un peu plus de six mois, il ressort des pièces versées à l'instance que l'intéressée ne présente aucune pathologie particulière en lien notamment avec sa grossesse et qu'elle sera accompagnée de son conjoint. Par suite, et en l'absence d'autres éléments permettant de la regarder comme une personne vulnérable, Mme C...qui n'établit pas, en tout état de cause, l'insuffisance des conditions d'accueil de l'Italie, ne peut utilement soutenir que le préfet était lui-même tenu de procéder à une telle vérification avant de prendre ses décisions de transfert. Par ailleurs, M. G...et Mme C...n'établissent pas un risque sérieux que leurs demandes d'asile ne soient pas traitées par les autorités italiennes dans des conditions qui ne seraient pas conformes à l'ensemble des garanties exigées par le droit d'asile. Par suite, les moyens tirés de ce que le préfet du Bas-Rhin aurait commis une erreur de droit et une erreur manifeste d'appréciation en décidant de ne pas leur faire bénéficier des dispositions précitées de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doivent être écartés.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. G...et Mme C...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leurs demandes.

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes de M. G...et de Mme C...sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F...G..., à Mme B...C...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.

2

Nos 19NC01126 - 19NC01127


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 19NC01126-19NC01127
Date de la décision : 23/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. KOLBERT
Rapporteur ?: M. Alexis MICHEL
Rapporteur public ?: M. LOUIS
Avocat(s) : SOTTAS

Origine de la décision
Date de l'import : 30/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-07-23;19nc01126.19nc01127 ?
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