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23/07/2019 | FRANCE | N°19NC00464

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 23 juillet 2019, 19NC00464


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...B...épouse C...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 17 avril 2018 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait renvoyée.

Par un jugement n° 1804134 du 14 novembre 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enr

egistrée le 17 février 2019, MmeC..., représentée par Me A...de la SELARL Axio Avocats, demande à l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...B...épouse C...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 17 avril 2018 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait renvoyée.

Par un jugement n° 1804134 du 14 novembre 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 février 2019, MmeC..., représentée par Me A...de la SELARL Axio Avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 14 novembre 2018 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 17 avril 2018 pris à son encontre par le préfet de la Moselle ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer un titre de séjour ou de réexaminer sa situation administrative à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 30 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 700 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

S'agissant de la décision de refus de titre de séjour :

- la communauté de vie a cessé à la suite des violences conjugales dont elle a été victime ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle a été prise en méconnaissance du droit d'être entendu notamment garanti par le droit de l'Union européenne

- elle ne lui a pas été notifiée dans une langue qu'elle comprend ;

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle n'a pas été mise à même de présenter ses observations en méconnaissance du principe du contradictoire ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 mai 2019, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.

Il s'en remet à ses écritures de première instance.

Mme B...épouse C...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 janvier 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention franco-camerounaise relative à la circulation et au séjour des personnes signée à Yaoundé le 24 janvier 1994 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Michel, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B...épouseC..., ressortissante camerounaise née le 30 septembre 1972, est entrée régulièrement en France le 27 janvier 2017, munie d'un visa de long séjour valable jusqu'au 13 octobre 2017, délivré à la suite de son mariage, le 20 août 2010, avec un ressortissant français. Le 6 octobre 2017, elle a sollicité le renouvellement de son titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement des dispositions du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 17 avril 2018, le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait renvoyée. Mme B...épouse C...fait appel du jugement du 14 novembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la décision de refus de titre de séjour :

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont les dispositions sont applicables aux ressortissants camerounais en vertu de l'article 14 de la convention franco-camerounaise du 24 janvier 1994 : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français (...) " et aux termes de l'article L. 313-12 de ce code : " (...) Le renouvellement de la carte de séjour délivrée au titre du 4° de l'article L. 313-11 est subordonné au fait que la communauté de vie n'ait pas cessé, sauf si elle résulte du décès du conjoint français. Toutefois, lorsque l'étranger a subi des violences familiales ou conjugales et que la communauté de vie a été rompue, l'autorité administrative ne peut procéder au retrait du titre de séjour de l'étranger et en accorde le renouvellement. En cas de violence commise après l'arrivée en France du conjoint étranger mais avant la première délivrance de la carte de séjour temporaire, le conjoint étranger se voit délivrer, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier et notamment de l'ordonnance de non conciliation du 12 mars 2018 du juge des affaires familiales près le tribunal de grande instance de Metz que la communauté de vie entre Mme B...épouse C...et M. C...a cessé. Si la requérante soutient qu'elle a été victime de violences conjugales, ni la main courante déposée le 13 juin 2017 ni la plainte du 20 juin 2017 ne permettent de l'établir. De même, le certificat médical du 22 juin 2017 de l'unité de consultation médico-judiciaire du centre hospitalier régional Metz-Thionville qui mentionne une angoisse et un climat de violence psychologique exercée sur l'intéressée ne repose que sur ses seules déclarations. En l'absence de tout autre élément produit par la requérante tant en première instance qu'en appel, le moyen tiré de ce que le préfet aurait, en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, fait une inexacte application des dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

4. En premier lieu, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Ce droit implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Toutefois, dans le cas prévu au 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du refus de titre de séjour. Le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu avant que n'intervienne la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour.

5. Lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement. A l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour.

6. Il résulte de ce qui précède que la circonstance invoquée par Mme B...épouse C...selon laquelle le préfet de la Moselle ne l'aurait pas expressément informée qu'en cas de rejet de sa demande de titre de séjour, elle serait susceptible d'être contrainte de quitter le territoire français en l'invitant à formuler ses observations sur cette éventualité, n'est pas de nature à permettre de regarder l'intéressée comme ayant été privée de son droit à être entendue.

7. En second lieu, les conditions de notification de l'obligation de quitter le territoire français n'ont d'incidence que sur les voies et délais de recours devant le juge de l'excès de pouvoir et non sur sa légalité. Par suite, le moyen tiré par la requérante de ce que la décision en litige ne lui a pas été notifiée dans une langue qu'elle comprend doit être écarté.

Sur la décision fixant le pays de destination :

8. En premier lieu, la décision en litige, après avoir visé l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers du droit d'asile et mentionné la nationalité camerounaise de l'intéressée, indique qu'elle n'a pas démontré que sa vie ou sa liberté seraient menacées si elle était éloignée à destination de son pays d'origine et qu'elle n'a pas justifié être exposée à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cette décision comporte les éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement et est ainsi suffisamment motivée.

9. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux ci-dessus exposés, le moyen tiré de ce que Mme B...épouse C...n'a pas été mise à même de présenter ses observations préalablement à la décision en litige doit être écarté.

10. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " et selon l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

11. Mme B...épouse C...n'établit pas le caractère réel, personnel et actuel des risques allégués en cas de retour au Cameroun. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.

12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B...épouse C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...B...épouse C...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.

2

N° 19NC00464


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 19NC00464
Date de la décision : 23/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. KOLBERT
Rapporteur ?: M. Alexis MICHEL
Rapporteur public ?: M. LOUIS
Avocat(s) : MERLL

Origine de la décision
Date de l'import : 30/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-07-23;19nc00464 ?
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