Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... A...a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 14 septembre 2018 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office à l'expiration de ce délai.
Par un jugement n° 1801772 du 29 novembre 2018, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 20 décembre 2018, Mme A..., représentée par Me Saget, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon du 29 novembre 2018 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet du Doubs du 14 septembre 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte.
Elle soutient que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la reconnaissance de paternité effectuée par M. B...était frauduleuse.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er février 2019, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 février 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Wallerich, président assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. MmeA..., ressortissante comorienne, née le 31 décembre 1987, est entrée irrégulièrement en France en 2017, selon ses déclarations. Le 10 mai 2018, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour auprès du préfet du Doubs sur le fondement des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en qualité de mère d'un enfant français, en faisant valoir que sa fille, Layla, née le 6 février 2018, qu'elle a reconnue de façon anticipée le 6 novembre 2017, a également été reconnue, le même jour, par son père, M. D...B..., ressortissant français. Mme A...relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 septembre 2018 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office à l'expiration de ce délai.
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée (...) ".
3. Si un acte de droit privé opposable aux tiers est en principe opposable dans les mêmes conditions à l'administration tant qu'il n'a pas été déclaré nul par le juge judiciaire, il appartient cependant à l'administration, lorsque se révèle une fraude commise en vue d'obtenir l'application de dispositions de droit public, d'y faire échec même dans le cas où cette fraude revêt la forme d'un acte de droit privé. Ce principe peut conduire l'administration, qui doit exercer ses compétences sans pouvoir renvoyer une question préjudicielle à l'autorité judiciaire, à ne pas tenir compte, dans l'exercice de ces compétences, d'actes de droit privé opposables aux tiers. Tel est le cas pour la mise en oeuvre des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'ont pas entendu écarter l'application des principes ci-dessus rappelés. Par conséquent, si la reconnaissance d'un enfant est opposable aux tiers, en tant qu'elle établit un lien de filiation et, le cas échéant, en tant qu'elle permet l'acquisition par l'enfant de la nationalité française, dès lors que cette reconnaissance a été effectuée conformément aux conditions prévues par le code civil, et s'impose donc en principe à l'administration tant qu'une action en contestation de filiation n'a pas abouti, il appartient néanmoins au préfet, s'il est établi, lors de l'examen d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité française ou d'un titre de séjour, de faire échec à cette fraude et de refuser, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, tant que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'est pas acquise, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par la personne se présentant comme père ou mère d'un enfant français.
4. Pour refuser à Mme A...le bénéfice des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet du Doubs s'est fondé sur les circonstances que la requérante n'établit pas contribuer à l'entretien et à l'éducation de l'enfant depuis sa naissance ou depuis au moins deux ans et que la paternité de M. B...n'était pas avérée.
5. Il ressort du rapport établi par la police aux frontières de Pontarlier le 26 juillet 2018 ainsi que des auditions séparées de Mme A...et de M.B..., conduites le 17 juillet 2018, que MmeA..., âgée de 31 ans, et M.B..., âgé de 55 ans, se sont mariés religieusement un mois après leur rencontre et qu'ils n'avaient entretenu auparavant que des relations téléphoniques. Si lors de leurs auditions, les intéressés n'ont pas été en mesure d'apporter des réponses précises sur les date et lieu de rencontre, leurs déclarations n'ont pas révélé de réelles incohérences alors que la réalité de la résidence de Mme A...chez M. B...a été constatée, que le rapport ne relève aucunement l'absence de contribution de Mme A...à l'entretien et l'éducation de son enfant et qu'il ne remet pas en cause la paternité de M.B.... Le préfet qui n'a, au demeurant, pas saisi le procureur de la République d'un signalement sur cette question, ne peut, dans ces conditions, être regardé comme établissant que la reconnaissance de paternité souscrite par M. B... avait un caractère frauduleux. Alors qu'il résulte également des pièces du dossier que l'entretien et l'éducation de l'enfant sont assurés par les deux parents de l'enfant avec lesquels elle réside, le préfet ne pouvait par suite, légalement refuser la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par MmeA....
6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 14 septembre 2018 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office à l'expiration de ce délai.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Eu égard au motif d'annulation de l'arrêté attaqué ci-dessus retenu, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement que le préfet du Doubs délivre à Mme A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais d'instance :
8. Mme A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Saget, avocat de Mme A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Saget de la somme de 1 500 euros.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1801772 du 29 novembre 2018 du tribunal administratif de Besançon et l'arrêté du 14 septembre 2018 du préfet du Doubs sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Doubs de délivrer à Mme A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Saget, avocat de Mme A..., une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Saget renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A..., au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise au préfet du Doubs.
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N° 18NC03422