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23/07/2019 | FRANCE | N°18NC01334

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 23 juillet 2019, 18NC01334


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision par laquelle le préfet de l'Aube a implicitement rejeté son recours gracieux formé le 17 décembre 2015 contre les titres exécutoires émis à son encontre pour la somme totale de 7 719,67 euros, ainsi que la décision du 2 juin 2015 par laquelle le préfet de l'Aube l'a informé qu'un taux de réduction de 100 % serait appliqué sur la totalité des aides qui lui avaient été versées dans le cadre de la Politique

agricole commune (PAC) au titre de la campagne 2014.

Par un jugement n° 1600741...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision par laquelle le préfet de l'Aube a implicitement rejeté son recours gracieux formé le 17 décembre 2015 contre les titres exécutoires émis à son encontre pour la somme totale de 7 719,67 euros, ainsi que la décision du 2 juin 2015 par laquelle le préfet de l'Aube l'a informé qu'un taux de réduction de 100 % serait appliqué sur la totalité des aides qui lui avaient été versées dans le cadre de la Politique agricole commune (PAC) au titre de la campagne 2014.

Par un jugement n° 1600741 du 5 mars 2018, le tribunal administratif a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 27 avril 2018, les 27 février et 2 avril 2019, M.C..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;

2°) d'annuler les décisions contestées du préfet de l'Aube ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif a retenu qu'il avait empêché la réalisation des contrôles sur place, alors que la réalité des faits n'est pas démontrée ;

- l'autorité administrative a commis une erreur de fait et une erreur d'appréciation ; le contrôleur ne s'est pas déplacé jusqu'à son exploitation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 octobre 2018, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la demande de première instance était irrecevable, M. C...n'ayant pas contesté dans le délai de recours la décision du 22 juillet 2015 retirant les aides en litige, et ne pouvant donc pas demander l'annulation de cette décision, ni exciper de son illégalité à l'encontre des titres exécutoires émis par l'Agence de services et de paiement le 20 novembre 2015 ;

- le refus de contrôle est établi.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement CE n° 73/2009 du 19 janvier 2009 ;

- le règlement CE n° 1122/2009 du 30 novembre 2009 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Stefanski, président,

- et les conclusions de M. Favret, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M.C..., exploitant agricole à Rumilly-les-Vaudes a demandé le bénéfice des aides de la politique agricole commune pour la campagne 2014. Par décision du 22 juillet 2015, le préfet de l'Aube a prononcé la suppression de ces aides au motif que M. C... s'était, dans le cadre d'un contrôle dit de conditionnalité, opposé à un contrôle sur place le 11 décembre 2014. Le 20 novembre 2015, l'Agence de services et de paiement a notifié à l'intéressé dix ordres de reversement pour un montant total de 7 719,67 euros. M. C... a présenté un recours gracieux à l'Agence de services et de paiement le 17 décembre 2015, qui n'a pas fait l'objet d'une décision explicite. Par le jugement attaqué du 5 mars 2018, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté la demande de première instance de M. C...qu'il a regardée comme dirigée contre le rejet implicite par le préfet de l'Aube du recours gracieux du 17 décembre 2015 et contre une lettre du 2 juin 2015 par laquelle le préfet avait informé l'intéressé qu'il envisageait d'appliquer un taux de réduction de 100 % des aides qu'il avait perçues et qui l'invitait à présenter ses observations dans le cadre de la procédure contradictoire. M. C...forme appel de ce jugement.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

2. En premier lieu, la lettre du 2 juin 2015 par laquelle le préfet de l'Aube a informé M.C..., dans le cadre de la procédure contradictoire, qu'il était susceptible de faire l'objet d'un retrait des aides européennes sollicitées au titre de la campagne 2014 et l'invitait à présenter ses observations, constituait une simple mesure préparatoire à la décision du 22 juillet 2015 et non une décision faisant grief susceptible de recours contentieux. Par suite, la demande de première instance de M. C...est irrecevable en tant qu'elle demande l'annulation d'une décision mentionnée dans la lettre du 2 juin.

3. En second lieu, l'illégalité d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure que si cette dernière décision a été prise pour l'application du premier acte ou s'il en constitue la base légale. S'agissant d'un acte réglementaire, une telle exception peut être formée à toute époque, même après l'expiration du délai du recours contentieux contre cet acte. S'agissant d'un acte non réglementaire, l'exception n'est, en revanche, recevable que si l'acte n'est pas devenu définitif à la date à laquelle elle est invoquée, sauf dans le cas où l'acte et la décision ultérieure constituant les éléments d'une même opération complexe, l'illégalité dont l'acte serait entaché peut-être invoquée en dépit du caractère définitif de cet acte.

4. Les ordres de reversement émis par l'Agence de services et de paiement ne pouvaient être pris qu'après intervention de la décision du 22 juillet 2015 par laquelle le préfet de l'Aube a prononcé la suppression des aides communautaires sollicitées par M. C... au titre de la campagne 2014 et constituaient avec elle une opération complexe. Par suite, l'intéressé était fondé à invoquer l'exception d'illégalité de cette décision à l'appui de sa demande dirigée contre le rejet de son recours gracieux formé contre ces ordres de reversement dont il conteste le bien-fondé.

Sur la légalité des ordres de reversement contestés :

5. Aux termes de l'article 4 du règlement (CE) n° 73/2009 du 19 janvier 2009 établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct en faveur des agriculteurs dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs : " 1. Tout agriculteur percevant des paiements directs est tenu de respecter les exigences réglementaires en matière de gestion énumérées à l'annexe II, ainsi que les bonnes conditions agricoles et environnementales visées à l'article 6. ". Aux termes de l'article 6 de ce règlement : " 1. Les États membres veillent à ce que toutes les terres agricoles, en particulier celles qui ne sont plus exploitées à des fins de production, soient maintenues dans de bonnes conditions agricoles et environnementales. ". Il ressort des stipulations de l'article 22 dudit règlement que les Etats membres procèdent à des contrôles sur place pour vérifier le respect des obligations mentionnées par cet article.

6. Aux termes de l'article 23 du même règlement : " Lorsque les exigences réglementaires en matière de gestion ou les bonnes conditions agricoles et environnementales ne sont pas respectées à tout moment au cours d'une année civile donnée (...) et que la situation de non-respect en question est due à un acte ou à une omission directement imputable à l'agriculteur qui a présenté la demande d'aide durant l'année civile concernée, l'agriculteur concerné se voit appliquer une réduction du montant total des paiements directs octroyés ou à octroyer (...). L'article 26 du règlement (CE) n° 1122/2009 du 30 novembre 2009 fixant notamment les modalités d'application du système intégré de gestion et de contrôle prévu par le règlement (CE) n° 73/2009 précité prévoit : " 1. Les contrôles administratifs et les contrôles sur place prévus par le présent règlement sont effectués de façon à assurer une vérification efficace du respect des conditions d'octroi des aides ainsi que des exigences et des normes applicables en matière de conditionnalité. 2. Les demandes concernées sont rejetées si l'agriculteur ou son représentant empêche la réalisation du contrôle sur place. ". Enfin, aux termes de l'article 27 du même règlement : " 1. Les contrôles sur place peuvent être précédés d'un préavis, pour autant que cela ne nuise pas à leur objectif. Le préavis (...) ne peut dépasser 48 heures, sauf dans des cas dûment justifiés (...) ".

7. Il ressort des pièces du dossier que la décision du préfet de l'Aube réduisant de 100 % le montant des aides versées à M. C...est uniquement fondée sur le refus opposé par l'intéressé à un contrôle sur place prévu le 11 décembre 2014. Le 4 décembre 2014, l'agent de la direction départementale des territoires chargé d'un contrôle sur place a adressé à M. C...une lettre recommandée lui proposant un contrôle sur son exploitation le 11 décembre 2014. Il ressort des pièces du dossier qu'un avis de passage de ce courrier a été déposé le 5 décembre 2014. Ce courrier n'a pas été retiré par M.C..., qui disposait de quinze jours pour ce faire, avant le 11 décembre. Par courriel du 12 décembre 2014 adressé à ses collègues, le contrôleur a indiqué qu'il avait téléphoné le jour même à M. C...qui lui avait indiqué qu'il ne le recevrait pas et que, le contrôle n'étant pas fait, il retournait le dossier à son administration. M. C...fait valoir que le contrôleur n'a pu le joindre par téléphone en raison d'une panne et qu'il n'a pas disposé d'un délai suffisant pour retirer la lettre du 5 décembre qui lui annonçait le contrôle du 11 décembre. Dans ces conditions, les éléments apportés par l'administration ne suffisent pas à établir, alors que le contrôleur ne s'est pas rendu sur place, que M. C...s'est effectivement opposé à tout contrôle. Par suite, en l'absence de démonstration suffisante d'un refus de contrôle sur place de l'intéressé, c'est à tort que les aides obtenues par M. C...au titre de la campagne 2014 ont été remises en cause.

8. Il résulte de ce qui précède que M. C...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à M. C...au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions à fin d'annulation de la décision de rejet implicite du recours gracieux formé le 17 décembre 2015 par M.C....

Article 2 : La décision de rejet implicite du recours gracieux formé le 17 décembre 2015 par M. C...est annulée.

Article 3 : L'Etat versera à M. C...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de M. C...est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C...et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

Copie en sera adressée au préfet de l'Aube.

2

N° 18NC01334


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18NC01334
Date de la décision : 23/07/2019
Type d'affaire : Administrative

Analyses

03-06 Agriculture et forêts. Bois et forêts.


Composition du Tribunal
Président : M. MESLAY
Rapporteur ?: Mme Colette STEFANSKI
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : LAGRANGE PHILIPPOT CLEMENT ZILLIG VAUTRIN SCP

Origine de la décision
Date de l'import : 30/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-07-23;18nc01334 ?
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