Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 2 mai 2016 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle l'a mis en demeure de déposer une demande d'autorisation concernant deux plans d'eau situés sur la commune d'Haudonville afin de rendre ces ouvrages compatibles avec le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux du bassin Rhin-Meuse et de réaliser les travaux nécessaires afin de préserver le ruisseau de la Garenne.
Par un jugement no 1602326 du 5 décembre 2017, le tribunal administratif de Nancy a annulé l'arrêté contesté.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 6 février 2018 et 22 mai 2019, le ministre de la transition écologique et solidaire demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement no 1602326 du 5 décembre 2017 du tribunal administratif de Nancy ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. C...A....
Le ministre soutient que :
- le jugement est entaché d'irrégularité en ce qu'il ne comporte, ni dans ses visas, ni dans ses motifs, l'analyse de l'ensemble des moyens soulevés par M.A... ;
- le préfet était tenu, sur la base du rapport en manquement du 3 février 2015, de prononcer la mise en demeure contestée, dès lors que M.A..., faute d'avoir transmis spontanément les informations prévues par le III de l'article L. 214-6 du code de l'environnement, ne justifiait d'aucun droit à poursuivre l'exploitation de ses ouvrages ;
- le petit plan d'eau, qui est situé en barrage sur le ruisseau de la Garenne, relève du régime d'autorisation au titre des articles L. 214-1 et L. 214-3 du code de l'environnement ;
- aucune des autres moyens soulevés par M.A... devant le tribunal n'est fondé.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 13 septembre, 4 décembre 2018 et le 7 juin 2019, M. C...A..., représenté par MeB..., conclut au rejet de la requête et à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. A...soutient qu'aucun des moyens soulevés par le ministre de la transition écologique et solidaire n'est fondé et que le préfet a pris acte de sa déclaration faite le 20 septembre 2018 sur le fondement du III de l'article L. 214-6 du code de l'environnement.
Le 3 mai 2019, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que le litige soumis à la cour, relatif à la régularisation du fonctionnement des ouvrages de M.A..., a perdu son objet en cours d'instance et que, par suite, il n'y a plus lieu de statuer sur la requête du ministre de la transition écologique et solidaire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement,
- le code des relations entre le public et l'administration,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Rees, premier conseiller,
- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., pour M.A....
Considérant ce qui suit :
1. M. C...A...est propriétaire de deux plans d'eau situés sur le territoire de la commune d'Haudonville, sur les parcelles cadastrées section OC nos 299 et 016. A la suite d'un rapport de manquement administratif établi le 3 février 2015, le préfet de Meurthe-et-Moselle a, par un arrêté du 2 mai 2016, mis en demeure M. A... de transmettre pour le 30 juillet 2016 un dossier d'autorisation rendant ces ouvrages compatibles avec le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux du bassin Rhin-Meuse et de réaliser pour le 30 juin 2017 des travaux de contournement du ruisseau de la Garenne, d'aménagement d'une prise d'eau préservant ce ruisseau et de mise en conformité à la réglementation des ouvrages de vidange.
2. Le ministre de la transition écologique et solidaire relève appel du jugement du 5 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Nancy a annulé l'arrêté contesté.
Sur l'étendue du litige :
3. Aux termes de l'article L. 214-6 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : " (...) II.- Les installations, ouvrages et activités déclarés ou autorisés en application d'une législation ou réglementation relative à l'eau antérieure au 4 janvier 1992 sont réputés déclarés ou autorisés en application des dispositions de la présente section. Il en est de même des installations et ouvrages fondés en titre. / III.-Les installations, ouvrages et activités qui, n'entrant pas dans le champ d'application du II, ont été soumis à compter du 4 janvier 1992, en vertu de la nomenclature prévue par l'article L. 214-2, à une obligation de déclaration ou d'autorisation à laquelle il n'a pas été satisfait, peuvent continuer à fonctionner ou se poursuivre si l'exploitant, ou, à défaut le propriétaire, a fourni à l'autorité administrative les informations prévues par l'article 41 du décret n° 93-742 du 29 mars 1993, au plus tard le 31 décembre 2006. / Toutefois, s'il apparaît que le fonctionnement de ces installations et ouvrages ou la poursuite de ces activités présente un risque d'atteinte grave aux intérêts mentionnés à l'article L. 211-1, l'autorité administrative peut exiger le dépôt d'une déclaration ou d'une demande d'autorisation. / Au-delà du 31 décembre 2006, les informations mentionnées au premier alinéa du présent III peuvent être reçues et examinées par l'autorité administrative. Si la preuve est apportée de la régularité de la situation de l'installation, ouvrage ou activité à la date à laquelle il s'est trouvé soumis à autorisation ou à déclaration par l'effet d'un décret pris en application de l'article L. 214-3, si l'exploitation n'a pas cessé depuis plus de deux ans et si ces opérations ne présentent pas un danger ou un inconvénient grave pour les intérêts mentionnés à l'article L. 211-1, l'autorité administrative peut accepter la continuation du fonctionnement de l'installation ou de l'ouvrage ou la poursuite de l'activité considérée (...) ".
4. Il est constant que le plus grand des deux plans d'eau dont M. A...est propriétaire sur le territoire de la commune de Haudonville, et qui a été créé antérieurement à 1992, entre dans le champ d'application du III de l'article L. 214-6 précité. Il résulte de l'instruction que M. A...a, le 21 septembre 2018, transmis au préfet de Meurthe-et-Moselle une déclaration relative à ce plan d'eau, comprenant l'ensemble des informations requises par les dispositions de cet article, et que le préfet a gardé le silence à la suite de la réception de ces informations. Conformément à l'article L. 231-1 du code des relations entre le public et l'administration, dont aucun texte légal ou réglementaire n'écarte l'application dans le cadre de la procédure prévue par le III de l'article L. 214-6, le silence gardé par le préfet a fait naître, le 21 novembre 2018, une décision d'acceptation de la continuation du fonctionnement de l'ouvrage en cause.
5. La situation du plus grand des deux plans d'eau étant ainsi régularisée au regard de l'obligation d'autorisation préalable, le litige relatif à l'arrêté contesté en tant qu'il met en demeure M. A...de déposer une demande d'autorisation en ce qui concerne ce plan d'eau a perdu son objet en cours d'instance. Par suite, il n'y a plus lieu, dans cette mesure, de statuer sur la requête.
Sur la régularité du jugement :
6. Aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision (...) contient (...) l'analyse des conclusions et mémoires (...) ".
7. Il ressort de la minute du jugement que celui-ci comporte, dans ses visas, l'analyse de l'ensemble des moyens soulevés par M. A...devant le tribunal, conformément aux dispositions de l'article R. 741-2 précité. La circonstance que ces mentions ne figurent pas dans l'ampliation du jugement notifié aux parties est sans incidence sur sa régularité.
Sur les motifs d'annulation retenus par le tribunal :
8. Le tribunal a annulé l'arrêté contesté aux motifs que M. A...était fondé à se prévaloir de la continuité du fonctionnement de ses deux plans d'eau en application du 3ème alinéa du III de l'article L. 214-6 précité et que le plus petit des deux, pris isolément, n'était pas soumis à autorisation ou déclaration.
9. En premier lieu, les dispositions de l'article L. 214-6 précité permettent la régularisation du fonctionnement ou de l'exploitation des installations, ouvrages et activités concernés au regard uniquement de l'obligation de déclaration ou d'autorisation à laquelle ils sont soumis et non au regard des prescriptions techniques qui peuvent, en attendant cette régularisation, leur être imposées au titre de la continuation de leur fonctionnement ou de leur exploitation. Dès lors, le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal s'est fondé sur ces dispositions pour annuler l'arrêté contesté en tant qu'il met en demeure M. A...de réaliser des travaux au niveau du plus grand de ses plans d'eau.
10. En deuxième lieu, il est constant que le plus petit des deux plans d'eau a été créé entre 2001 et 2004 et n'entre ainsi pas dans le champ d'application de l'article L. 214-6 précité. Dès lors, le ministre est fondé à soutenir que sa situation au regard de l'obligation de déclaration ou d'autorisation ne peut être régularisée sur le fondement des dispositions de cet article.
11. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 214-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions des articles L. 214-2 à L. 214-6 les installations ne figurant pas à la nomenclature des installations classées, les ouvrages, travaux et activités réalisés à des fins non domestiques par toute personne physique ou morale, publique ou privée, et entraînant (...) une modification du niveau ou du mode d'écoulement des eaux (...) ". L'article L. 214-1 du même code dispose : " I. - Sont soumis à autorisation de l'autorité administrative les installations, ouvrages, travaux et activités susceptibles (...) de nuire au libre écoulement des eaux (...) ". Aux termes de l'article L. 215-7-1 du même code : " Constitue un cours d'eau un écoulement d'eaux courantes dans un lit naturel à l'origine, alimenté par une source et présentant un débit suffisant la majeure partie de l'année. / L'écoulement peut ne pas être permanent compte tenu des conditions hydrologiques et géologiques locales ". Par ailleurs, selon la rubrique 1.2.1.0 de la nomenclature des installations, ouvrages, travaux et activités soumis à autorisation ou à déclaration en application des articles L. 214-1 à L. 214-6, annexée à l'article R. 214-1 du code de l'environnement, sont soumis à autorisation préalable les " prélèvements et installations et ouvrages permettant le prélèvement (...), dans un cours d'eau (...): 1° D'une capacité totale maximale supérieure ou égale à (...) 5 % du débit du cours d'eau (...) ".
12. D'une part, il résulte de l'instruction, notamment des cartes versées au dossier, du rapport de manquement administratif du 3 février 2015 et des comptes-rendus de visite des lieux des 4 juin 2015 et 13 mai 2019, que le plus petit des deux plans d'eau est implanté en prise directe sur le ruisseau de la Garenne, lequel est alimenté par une source située en amont, s'écoule dans un lit naturel et présente un débit suffisant pour susciter la présence, le long de ce lit, d'une faune et d'une végétation aquatiques. Ces différents éléments, qui sont de nature à caractériser un cours d'eau au sens de l'article L. 215-7-1 précité, ne sont pas remis en cause par le constat d'huissier du 6 novembre 2015 que produit M.A.... En effet, en relevant qu'à cette date, le lit du ruisseau était totalement à sec, ce constat établit seulement que l'écoulement du ruisseau n'a pas un caractère permanent, tandis que les constatations dont se prévaut le ministre, effectuées à différentes autres périodes de l'année, sont de nature à établir que cet écoulement, en débit suffisant, existe la majeure partie de l'année. D'autre part, il résulte de l'instruction que le petit plan d'eau, qui comporte une digue de barrage d'une hauteur de 2,27 mètres, retient la totalité du débit du ruisseau de la Garenne et nuit ainsi à l'écoulement des eaux.
13. Dès lors, le ministre est fondé à soutenir que le ruisseau de la Garenne constitue un cours d'eau au sens des dispositions de l'article L. 215-7-1 précité, et que la totalité de son débit étant prélevée par le plus petit des deux plans d'eau, ce dernier entre dans la rubrique 1.2.1.0 de la nomenclature précitée. Par suite, et alors même que, par ailleurs, la superficie de ce plan d'eau est inférieure aux seuils fixés par la rubrique 3.2.3.0 de la même nomenclature, le ministre est fondé à soutenir que cet ouvrage est soumis à l'obligation d'autorisation préalable au titre des articles L. 214-1 et L. 214-3 du code de l'environnement précités.
14. Il résulte de ce qui précède que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler l'arrêté contesté, le tribunal s'est fondé sur les motifs qui viennent d'être analysés.
15. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M.A... tant devant le tribunal administratif de Nancy que devant elle.
Sur les autres moyens soulevés par M.A... :
16. En premier lieu, il résulte de l'instruction que, par un arrêté du 21 mars 2016, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de Meurthe-et-Moselle, MmeE..., directrice départementale des territoires, qui elle-même bénéficiait, en vertu d'un arrêté du 25 août 2015 lui aussi régulièrement publié, d'une délégation en vue de signer notamment " tous documents ou actes de procédure nécessaires à la mise en oeuvre de la procédure de police administrative de l'environnement, y compris les mises en demeure (...) ", a régulièrement subdélégué sa signature en la matière à Mme D..., adjointe au chef du service " environnement, eau, biodiversité ". Cette dernière était ainsi habilitée à signer l'arrêté contesté, lequel, par suite, n'est pas entaché d'incompétence.
17. En second lieu, il résulte de l'instruction que, comme le plus petit des deux plans d'eau, le plus grand, situé en aval, est également implanté en barrage sur le lit du cours d'eau que constitue le ruisseau de la Garenne. Dès lors, la mise en demeure litigieuse n'est pas, en tant qu'elle impose la réalisation de travaux de contournement du ruisseau de la Garenne, d'aménagement d'une prise d'eau préservant ce ruisseau, et de mise en conformité à la réglementation des ouvrages de vidange, fondée sur des faits matériellement inexacts.
18. En conclusion de tout ce qui précède, le ministre de la transition écologique et solidaire est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nancy a annulé l'arrêté contesté en tant qu'il impose à M. A...de déposer une demande d'autorisation pour le plus petit des deux plans d'eau et de réaliser des travaux. Dès lors, le ministre est fondé à demander, dans cette mesure, l'annulation du jugement et le rejet de la demande présentée par M. A...devant le tribunal.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
19. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y pas lieu à cette condamnation ".
20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. A...demande au titre des frais exposés par lui en appel et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête dans la mesure où elle concerne l'arrêté contesté en tant qu'il met en demeure M. C...A...de déposer une demande d'autorisation pour le plus grand des deux plans d'eau qu'il possède à Haudonville.
Article 2 : Le jugement no 1602326 du 5 décembre 2017 du tribunal administratif de Nancy est annulé en tant qu'il annule les autres dispositions de l'arrêté contesté.
Article 3 : La demande présentée par M. C...A...devant le tribunal est rejetée en tant qu'elle concerne les autres dispositions de l'arrêté contesté.
Article 4 : Les conclusions de M. C...A...tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de la transition écologique et solidaire et M. C...A....
Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.
N° 18NC00310 2