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02/07/2019 | FRANCE | N°19NC00209

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 02 juillet 2019, 19NC00209


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...B...a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler les décisions du 24 avril 2018 par lesquelles le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il serait renvoyé.

Par un jugement n° 1801268 du 18 octobre 2018, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 janvier 2019, M. A...B..., r

eprésenté par Me Colin - Elphège, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal admini...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...B...a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler les décisions du 24 avril 2018 par lesquelles le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il serait renvoyé.

Par un jugement n° 1801268 du 18 octobre 2018, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 janvier 2019, M. A...B..., représenté par Me Colin - Elphège, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon du 18 octobre 2018 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions du 24 avril 2018 du préfet du Doubs ;

3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de procéder au réexamen de sa situation administrative dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour dans le même délai sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 200 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

S'agissant de la décision de refus de titre de séjour :

- elle méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 de ce code ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision quant à sa situation personnelle ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision quant à sa situation personnelle ;

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 avril 2019, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable dès lors que les moyens d'appel sont identiques à ceux présentés en première instance ;

- les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. A... B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 décembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention franco-ivoirienne relative à la circulation et au séjour des personnes du 21 septembre 1992 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Michel, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A...B..., ressortissant ivoirien né le 16 avril 1982, a déclaré être entré en France au cours du mois de juillet 2015. Le 17 novembre 2016, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article L. 313-14 de ce code. Par des décisions du 24 avril 2018, le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il serait renvoyé. M. A... B...fait appel du jugement du 18 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la recevabilité :

2. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative, applicable en appel : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge (...) ". La requête de M. B...tend à l'annulation du jugement du tribunal administratif du 18 octobre 2018 et contient un exposé précis des faits et des moyens pour contester les décisions du 24 avril 2018 prises à son encontre par le préfet. Elle est ainsi suffisamment motivée et dans ces conditions, la fin de non-recevoir opposée par le préfet du Doubs doit être écartée.

Sur la légalité des décisions du 24 avril 2018 :

3. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui est applicable aux ressortissants ivoiriens en vertu de l'article 14 de la convention franco-ivoirienne du 21 septembre 1992 : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée (...) " et aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

4. Il ressort des pièces du dossier que la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées a, les 29 janvier 2016 et 13 mai 2016, attribué respectivement au père de M. A... B..., de nationalité française, et à sa mère, en situation régulière sur le territoire français, une carte d'invalidité mention " cécité " pour un taux d'incapacité égale ou supérieure à 80 %. En outre, selon notamment le certificat médical du médecin généraliste de ses deux parents du 11 septembre 2018, ces derniers présentent une cécité complète, nécessitant l'aide d'une tierce personne pour les actes de la vie quotidienne. Dans les circonstances de l'espèce, et alors que M. A... B...réside effectivement chez ses parents auxquels il fournit déjà cette assistance, selon les attestations produites, la décision de refus de titre de séjour en litige doit être regardée comme ayant porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise en méconnaissance des dispositions précitées du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

5. Les décisions du 24 avril 2018 obligeant M. A...B...à quitter le territoire français et fixant le pays de destination doivent être annulées par voie de conséquence de l'annulation de la décision refusant de lui accorder un titre de séjour.

6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A...B...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 24 avril 2018 lui refusant un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination.

Sur l'injonction et l'astreinte :

7. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administration : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure ".

8. Eu égard au motif d'annulation retenu et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que des éléments de fait ou de droit nouveaux justifieraient que l'autorité administrative oppose une nouvelle décision de refus, le présent arrêt implique nécessairement la délivrance à M. A... B...d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet du Doubs de délivrer ce titre dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Durant cette période, M. A... B...sera muni, dans un délai de huit jours à compter de la même date, d'une autorisation provisoire de séjour. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés à l'instance :

9. M. A... B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Colin - Elphège, conseil de M. A... B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante à l'instance, le versement à cet avocat d'une somme de 1 500 euros.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1801268 du 18 octobre 2018 du tribunal administratif de Besançon et les décisions du 24 avril 2018 par lesquelles le préfet du Doubs a refusé de délivrer à M. A... B...un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il serait renvoyé sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Doubs de délivrer à M. A...B...une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours à compter de la même date.

Article 3 : L'Etat versera à Me Colin - Elphège, avocat de M. A...B..., une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Colin - Elphège renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Doubs.

2

N° 19NC00209


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 19NC00209
Date de la décision : 02/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. KOLBERT
Rapporteur ?: M. Alexis MICHEL
Rapporteur public ?: M. LOUIS
Avocat(s) : COLIN-ELPHEGE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-07-02;19nc00209 ?
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