La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/07/2019 | FRANCE | N°19NC00149

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 02 juillet 2019, 19NC00149


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...F...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 16 avril 2018 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il serait renvoyé.

Par un jugement n° 1803136 du 4 octobre 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 janvier 2019, M.F..., représenté p

ar Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...F...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 16 avril 2018 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il serait renvoyé.

Par un jugement n° 1803136 du 4 octobre 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 janvier 2019, M.F..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 4 octobre 2018 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 16 avril 2018 pris à son encontre par le préfet du Bas-Rhin ;

3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour, sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

S'agissant de la régularité du jugement attaqué :

- le mémoire en défense du préfet ne lui a pas été communiqué ;

S'agissant de la décision de refus de titre de séjour :

- elle a été prise par une autorité incompétente ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 de ce code ;

- elle méconnaît les dispositions du 7° de cet article ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision quant à sa situation personnelle ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle a été prise par une autorité incompétente ;

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 de ce code ;

- elle méconnaît les dispositions du 11° du même article ;

- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision quant à sa situation personnelle ;

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- elle a été prise par une autorité incompétente ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est autorisé à séjourner en France pendant l'examen de sa demande d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 juin 2019, le préfet du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il s'en remet à ses écritures de première instance.

M. F...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 décembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention franco-camerounaise relative à la circulation et au séjour des personnes, signée à Yaoundé le 24 janvier 1994 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Michel, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.F..., ressortissant camerounais né le 11 novembre 1984, a déclaré être entré en France le 5 janvier 2016. L'intéressé a sollicité le 11 octobre 2017 la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade. Par un arrêté du 16 avril 2018, le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il serait renvoyé. M. F...fait appel du jugement du 4 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction alors applicable : " (...) La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-3, R. 611-5 et R. 611-6 (...) ". Selon l'article R. 613-3 de ce code : " Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication, sauf réouverture de l'instruction ". Il résulte de ces dispositions que lorsque, postérieurement à la clôture de l'instruction, le juge est saisi d'une production, mémoire ou pièce, émanant de l'une des parties à l'instance, il lui appartient de prendre connaissance de cette production avant de rendre sa décision, ainsi que de la viser sans l'analyser, mais qu'il ne peut la prendre en compte sans avoir préalablement rouvert l'instruction afin de la soumettre au débat contradictoire.

3. Il ressort des pièces de la procédure devant le tribunal administratif que le premier mémoire en défense du préfet du Bas-Rhin, enregistré au greffe du tribunal le 5 septembre 2018, après la clôture de l'instruction fixée au 27 août 2018, n'a pas été communiqué au requérant, pas plus que les pièces qui y étaient jointes, alors même qu'il résulte des motifs du jugement attaqué que le tribunal s'est fondé sur ces pièces pour rejeter la demande de M.F.... Ce dernier est par suite fondé à soutenir que le jugement est intervenu en méconnaissance du principe du contradictoire et qu'il est entaché d'une irrégularité qui en justifie l'annulation.

4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. F... devant le tribunal administratif de Strasbourg tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Bas-Rhin du 16 avril 2018.

Sur la décision de refus de titre de séjour :

5. En premier lieu, la décision en litige a été signée par Mme Nadia Idiri, secrétaire générale adjointe de la préfecture du Bas-Rhin, qui disposait, en vertu d'un arrêté du préfet du Bas-Rhin du 18 octobre 2017, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le 20 octobre 2017, d'une délégation à l'effet de signer tous arrêtés ou décisions relevant des attributions de l'Etat dans le département à l'exception de certains actes au nombre desquels ne figurent pas les décisions prises en matière de police des étrangers. Selon l'article 2 de cet arrêté, en cas d'absence ou d'empêchement de M. Yves Seguy, secrétaire général de la préfecture, la délégation dont il dispose en vertu de l'article 1er est exercée en premier rang par Mme Nadia Idiri, sous-préfète, secrétaire générale adjointe. En l'espèce, il n'est pas établi ni d'ailleurs allégué que M. C... n'aurait pas été absent ou empêché, et par suite le moyen tiré de l'incompétence de Mme B... pour signer la décision en litige doit être écarté.

6. En deuxième lieu, aux termes du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France, dont les dispositions sont applicables aux ressortissants camerounais en vertu de l'article 14 de la convention franco-camerounaise du 24 janvier 1994, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est, sous réserve d'une menace pour l'ordre public, délivrée de plein droit à " l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé (...) ".

7. Aux termes de l'article R. 313-23 de ce code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. Le médecin de l'office peut solliciter, le cas échéant, le médecin qui suit habituellement le demandeur ou le médecin praticien hospitalier. Il en informe le demandeur. Il peut également convoquer le demandeur pour l'examiner et faire procéder aux examens estimés nécessaires. Le demandeur présente au service médical de l'office les documents justifiant de son identité. A défaut de réponse dans le délai de quinze jours, ou si le demandeur ne se présente pas à la convocation qui lui a été fixée, ou s'il n'a pas présenté les documents justifiant de son identité le médecin de l'office établit son rapport au vu des éléments dont il dispose et y indique que le demandeur n'a pas répondu à sa convocation ou n'a pas justifié de son identité. Il transmet son rapport médical au collège de médecins. / Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. En cas de défaut de présentation de l'étranger lorsqu'il a été convoqué par le médecin de l'office ou de production des examens complémentaires demandés dans les conditions prévues au premier alinéa, il en informe également le préfet ; dans ce cas le récépissé de demande de première délivrance de carte de séjour prévu à l'article R. 311-4 n'est pas délivré. Lorsque l'étranger dépose une demande de renouvellement de titre de séjour, le récépissé est délivré dès la réception, par le service médical de l'office, du certificat médical mentionné au premier alinéa. / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège (...) / Le collège peut demander au médecin qui suit habituellement le demandeur, au médecin praticien hospitalier ou au médecin qui a rédigé le rapport de lui communiquer, dans un délai de quinze jours, tout complément d'information. Le demandeur en est simultanément informé. Le collège de médecins peut entendre et, le cas échéant, examiner le demandeur et faire procéder aux examens estimés nécessaires. Le demandeur présente au service médical de l'office les documents justifiant de son identité. Il peut être assisté d'un interprète et d'un médecin. Lorsque l'étranger est mineur, il est accompagné de son représentant légal. / L'avis est rendu par le collège dans un délai de trois mois à compter de la transmission par le demandeur des éléments médicaux conformément à la première phrase du premier alinéa. Lorsque le demandeur n'a pas présenté au médecin de l'office ou au collège les documents justifiant son identité, n'a pas produit les examens complémentaires qui lui ont été demandés ou n'a pas répondu à la convocation du médecin de l'office ou du collège qui lui a été adressée, l'avis le constate. / L'avis est transmis au préfet territorialement compétent, sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ".

8. Enfin, l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 pris pour l'application des dispositions qui précèdent dispose : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".

9. S'il ne résulte d'aucune de ces dispositions, non plus que d'aucun principe, que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration devrait comporter la mention du nom du médecin qui a établi le rapport médical, prévu par l'article R. 313-22, qui est transmis au collège de médecins, en revanche ces dispositions prévoient que le médecin rapporteur ne siège pas au sein de ce collège. En cas de contestation devant le juge administratif portant sur ce point, il appartient à l'autorité administrative d'apporter les éléments qui permettent l'identification du médecin qui a rédigé le rapport et, par suite, le contrôle de la régularité de la composition du collège de médecins. Le respect du secret médical s'oppose toutefois à la communication à l'autorité administrative, à fin d'identification de ce médecin, de son rapport, dont les dispositions précitées de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne prévoient la transmission qu'au seul collège de médecins et, par suite, à ce que le juge administratif sollicite la communication par le préfet ou par le demandeur d'un tel document.

10. Il ressort des pièces versées au dossier de première instance par le préfet du Bas-Rhin, en particulier du courriel de la directrice territoriale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration adressé au préfet, que le rapport médical concernant l'état de santé de M. F... prévu par l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été établi, le 11 décembre 2017, par un premier médecin, le docteurD..., qui n'a pas siégé au sein du collège de médecins ayant rendu l'avis du 28 janvier 2018. Il s'ensuit que contrairement à ce que soutient le requérant, un médecin rapporteur est intervenu et que l'avis a été émis dans le respect de la règle selon laquelle le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège, conformément aux dispositions des articles R. 312-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

11. Par ailleurs, il ressort de l'avis émis le 28 janvier 2018 que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que si l'état de santé de M. F... nécessite une prise en charge médicale, le défaut de prise en charge ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Dans ces conditions, le collège n'était pas tenu de se prononcer sur la possibilité pour M. F...de bénéficier d'un accès effectif à un traitement approprié dans son pays d'origine.

12. Ensuite, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte-tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié.

13. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

14. Dans son avis du 28 janvier 2018, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que l'état de santé de M. F...nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que son état de santé peut lui permettre de voyager sans risque vers son pays d'origine.

15. Il ressort de la décision en litige que le préfet du Bas-Rhin s'est approprié les termes de l'avis du 28 janvier 2018 et dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le préfet se serait, au contraire, estimé lié par cet avis doit être écarté.

16. En outre, il ressort des pièces versées au dossier que M. F...souffre d'un diabète qu'il traite par metformine et d'un syndrome anxio-dépressif pour lequel il a sollicité un suivi par un psychiatre. Les éléments produits au dossier et notamment les certificats médicaux ne sont pas de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le préfet du Bas-Rhin, fondée sur l'avis rendu par le collège de médecins quant à l'absence d'exceptionnelle gravité d'un défaut de prise en charge, alors au surplus que le requérant n'établit pas que, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Dès lors, le moyen tiré de l'inexacte application des dispositions précitées de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.

17. En troisième lieu, lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser sa situation. Dès lors que la demande de titre de séjour de M. F...était fondée sur les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que le préfet n'a pas examiné son droit au séjour au titre des dispositions du 7° de cet article, le requérant ne peut soutenir que le préfet du Bas-Rhin aurait méconnu ces dernières dispositions.

18. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

19. Il ressort des pièces du dossier que si M. F...se prévaut de la présence en France d'amis et d'une relation sentimentale avec une personne en situation régulière, il est entré récemment en France et n'est pas dépourvu de toute attache dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de trente-deux ans. Par suite, dans les circonstances de l'espèce, la décision de refus de séjour n'a pas porté au droit de M. F...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

20. En dernier lieu et pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 16 et 19 ci-dessus, et en l'absence d'autre élément invoqué par le requérant, le moyen tiré de ce que le préfet du Bas-Rhin aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision en litige quant à sa situation personnelle doit être écarté.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

21. En premier lieu, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, M. F...n'établit pas l'illégalité de la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour. Dès lors, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision doit être écarté.

22. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 2 ci-dessus, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision en litige doit être écarté.

23. En troisième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...)L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".

24. D'autre part, un étranger ne peut faire l'objet d'une mesure prescrivant à son égard une obligation de quitter le territoire français en application des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour. Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 16 et 19 ci-dessus, et en l'absence de tout autre élément invoqué par M. F..., les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions du 11° et du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.

25. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 16 et 19 ci-dessus, et en l'absence de tout autre élément invoqué par M.F..., le moyen tiré de ce que le préfet du Bas-Rhin aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision en litige au regard de son état de santé doit être écarté.

Sur la décision fixant le pays de destination :

26. En premier lieu, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, M. F...n'établit pas l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Dès lors, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision doit être écarté.

27. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 2 ci-dessus, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision en litige doit être écarté.

28. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " et selon l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

29. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 16 ci-dessus, M. F...n'établit ni que le défaut de prise en charge de son état de santé aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ni, au demeurant, qu'il ne pourrait pas effectivement bénéficier au Cameroun d'un traitement approprié à son état de santé. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.

30. En dernier lieu, si M. F...s'est vu délivrer une attestation de demande d'asile à la suite d'une demande tendant à la reconnaissance de la qualité de réfugié qui a été présentée postérieurement à la date de la décision en litige, il résulte des dispositions de l'article L. 743-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que cette attestation n'abroge pas la mesure d'éloignement précédemment prise à son encontre ni, par voie de conséquence, la décision fixant le pays de destination, mais qu'elle fait seulement obstacle à son exécution dans les conditions prévues par ces dispositions. Par suite, la circonstance qu'il serait autorisé à séjourner en France au cours de l'instruction de sa demande d'asile est sans incidence sur la légalité de la décision en litige.

31. Il résulte de tout ce qui précède que M. F...n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 16 avril 2018 pris à son encontre par le préfet du Bas-Rhin.

32. Le présent arrêt de rejet n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées en appel par M. F...ne peuvent qu'être rejetées. L'Etat n'étant pas partie perdante, il en est de même s'agissant de ses conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1803136 du 4 octobre 2018 du tribunal administratif de Strasbourg est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. F...devant le tribunal administratif de Strasbourg ainsi que ses conclusions présentées en appel aux fins d'injonction et d'astreinte et tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E...F...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.

2

N° 19NC00149


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 19NC00149
Date de la décision : 02/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. KOLBERT
Rapporteur ?: M. Alexis MICHEL
Rapporteur public ?: M. LOUIS
Avocat(s) : BERRY

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-07-02;19nc00149 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award