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02/07/2019 | FRANCE | N°18NC03145

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 02 juillet 2019, 18NC03145


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A...a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 9 juillet 2018 par lequel le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné.

Par un jugement n° 1801641 du 16 octobre 2018, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une r

equête enregistrée le 19 novembre 2018, M. A..., représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'an...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A...a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 9 juillet 2018 par lequel le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné.

Par un jugement n° 1801641 du 16 octobre 2018, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 novembre 2018, M. A..., représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 16 octobre 2018 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet de l'Aube du 9 juillet 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Aube, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou, à défaut, une autorisation provisoire de séjour, ou de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision de refus de séjour est insuffisamment motivée ;

- elle est prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du même code ;

- elle est prise en violation des articles 3-1 et 9 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et porte atteinte de façon disproportionnée à son droit au respect à sa vie privée et familiale ;

- elle est prise en violation des articles 3-1 et 9 de la convention internationale des droits de l'enfant.

La requête a été communiquée au préfet de l'Aube qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Wallerich, président assesseur a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.A..., ressortissant de nationalité nigériane né le 18 juillet 1983, serait entré en France en 2009 selon ses déclarations. Sa demande tendant à se voir reconnaître le statut de réfugié a été rejetée tant par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides que par la Cour nationale du droit d'asile. L'intéressé a sollicité le 2 février 2018 son admission exceptionnelle au séjour qui lui a été refusée par le préfet de l'Aube par une décision du 9 juillet 2018 assortie d'une obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi. M. A...relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le refus de séjour :

2. En premier lieu, la décision en litige vise les textes dont elle fait application, notamment les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant. Elle comporte également les considérations de fait qui en constituent le fondement. Contrairement à ce que soutient le requérant, cette motivation révèle que le préfet a examiné sa situation au regard des éléments dont il se prévalait au soutien de sa demande de titre de séjour.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) ". Aux termes de l'article R. 5221-20 du code du travail : " Pour accorder ou refuser l'une des autorisations de travail mentionnée à l'article R. 5221-1, le préfet prend en compte les éléments suivants : (...) 2°L'adéquation entre la qualification, l'expérience, les diplômes de l'étranger et les caractéristiques de l'emploi auquel il postule (...) ".

4. En présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de l'article L. 313-14, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires où se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là-même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il appartient, en effet, à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.

5. D'une part, M. A...est hébergé par un ami à Troyes depuis le 16 septembre 2015. Il a reconnu par anticipation le 11 octobre 2017 un enfant, né le 21 mars 2018, conçu avec Mme C...dont il est séparé et qu'il affirme aider financièrement, mais sans établir la régularité et l'importance d'une telle contribution. D'autre part, s'il produit des bulletins de paie d'octobre 2015 à juin 2018 pour un emploi d'ouvrier du bâtiment et des travaux publics exercé auprès de la SARL Bassnett, ces pièces ne suffisent pas à établir la réalité de son emploi ni celle de l'activité de cette société au regard des éléments contradictoires recueillis par le préfet de l'Aube après une enquête sur place des services de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) et une interrogation des services de l'URSSAF. Par suite, en estimant, pour refuser le titre de séjour sollicité que ces circonstances ne constituent pas des considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels au sens des dispositions précitées, le préfet de la Marne n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation de l'intéressé.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

7. M. A...a déclaré être en France depuis 2009, y travailler depuis octobre 2015 et contribuer à l'entretien de son enfant. Il ressort des pièces du dossier et notamment de l'arrêté contesté qu'il est entré irrégulièrement sur le territoire français le 17 septembre 2009, que sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile respectivement les 26 février 2010 et 4 mai 2011 et qu'il ne s'est pas conformé à une obligation de quitter le territoire français du 5 juillet 2011. Il a formé une demande de réexamen de sa demande d'asile qui a été rejetée par l'OFPRA le 12 juillet 2011 et une demande d'admission exceptionnelle au séjour le 2 février 2018. Par ailleurs, les relations avec la mère de son enfant et celui-ci se limitent à quelques aides financières ponctuelles pour le paiement de factures de téléphone, de loyer et de dépenses courantes. Dans les circonstances de l'espèce, et eu égard tant à la durée qu'aux conditions de séjour en France de l'intéressé, le refus de séjour opposé par le préfet de l'Aube n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris. Il n'a donc pas méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, les tribunaux des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

9. En se bornant à se prévaloir de prise en charge de quelques dépenses au profit de l'enfant et de sa mère, M. A...n'établit pas contribuer de manière effective, ainsi qu'il le soutient, à l'entretien et à l'éducation de son enfant. Dans cette mesure, la décision attaquée n'a pas méconnu les stipulations précitées.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

10. En premier lieu, M.A..., qui n'établit pas l'illégalité du refus de titre de séjour qu'il conteste, n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision à l'appui de la contestation de la légalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.

11. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

12. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 7 et 9, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doivent être écartés.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M.D... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Aube.

2

N° 18NC03145


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18NC03145
Date de la décision : 02/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. KOLBERT
Rapporteur ?: M. Marc WALLERICH
Rapporteur public ?: M. LOUIS
Avocat(s) : OURIRI

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-07-02;18nc03145 ?
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