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02/07/2019 | FRANCE | N°18NC03144

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 02 juillet 2019, 18NC03144


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...D...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 22 décembre 2017 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait renvoyé.

Par un jugement n° 1801319 du 14 juin 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enre

gistrés les 19 novembre 2018 et 27 mai 2019, M. D..., représenté par MeA..., demande à la cour :

1°...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...D...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 22 décembre 2017 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait renvoyé.

Par un jugement n° 1801319 du 14 juin 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 19 novembre 2018 et 27 mai 2019, M. D..., représenté par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 14 juin 2018 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 22 décembre 2017 pris à son encontre par le préfet de la Moselle ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation administrative dans un délai déterminé, au besoin sous astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

S'agissant de la décision de refus de titre de séjour :

- elle est intervenue au terme d'une procédure irrégulière, qui l'a privé d'une garantie, dès lors que l'absence de mention du nom du médecin instructeur dans l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ne permet pas de s'assurer que ce dernier n'a pas siégé au sein de ce collège en méconnaissance des dispositions de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est intervenue au terme d'une procédure irrégulière, qui l'a privé d'une garantie, dès lors qu'il n'est pas établi que l'avis du collège de médecins a été rendu à l'issue soit d'une réunion, soit d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle en vertu des dispositions de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 ;

- elle méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- le préfet s'est estimé à tort en situation de compétence liée pour prononcer une mesure d'éloignement ;

- celle-ci méconnaît le principe général du droit de l'Union européenne du droit d'être entendu ;

- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- elle est insuffisamment motivée ;

- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision au regard de son état de santé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 mai 2019, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.

Il s'en remet à ses écritures de première instance et soutient, en outre, que :

- l'avis du collège de médecins français de l'immigration et de l'intégration n'a pas été rendu au terme d'une procédure irrégulière ;

- l'obligation de quitter le territoire français ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision quant à la situation personnelle de M.D....

M. D...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 octobre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Michel, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.D..., ressortissant de la République démocratique du Congo né le 12 janvier 1992, est entré en France le 23 octobre 2015, selon ses déclarations. Sa demande tendant à la reconnaissance de la qualité de réfugié a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides par une décision du 27 mars 2017, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 4 septembre 2017. L'intéressé avait également sollicité, le 13 mars 2017, la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade. Par un arrêté du 22 décembre 2017, le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait renvoyé. M. D...fait appel du jugement du 14 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la décision de refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est, sous réserve d'une menace pour l'ordre public, délivrée de plein droit à " l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé (...) ".

3. L'article R. 313-22 du même code dispose : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / Les orientations générales mentionnées à la quatrième phrase du 11° de l'article L. 313-11 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé ".

4. Aux termes de l'article R. 313-23 de ce code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. Le médecin de l'office peut solliciter, le cas échéant, le médecin qui suit habituellement le demandeur ou le médecin praticien hospitalier. Il en informe le demandeur. Il peut également convoquer le demandeur pour l'examiner et faire procéder aux examens estimés nécessaires. Le demandeur présente au service médical de l'office les documents justifiant de son identité. A défaut de réponse dans le délai de quinze jours, ou si le demandeur ne se présente pas à la convocation qui lui a été fixée, ou s'il n'a pas présenté les documents justifiant de son identité le médecin de l'office établit son rapport au vu des éléments dont il dispose et y indique que le demandeur n'a pas répondu à sa convocation ou n'a pas justifié de son identité. Il transmet son rapport médical au collège de médecins. / Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. En cas de défaut de présentation de l'étranger lorsqu'il a été convoqué par le médecin de l'office ou de production des examens complémentaires demandés dans les conditions prévues au premier alinéa, il en informe également le préfet ; dans ce cas le récépissé de demande de première délivrance de carte de séjour prévu à l'article R. 311-4 n'est pas délivré. Lorsque l'étranger dépose une demande de renouvellement de titre de séjour, le récépissé est délivré dès la réception, par le service médical de l'office, du certificat médical mentionné au premier alinéa. / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège (...) / Le collège peut demander au médecin qui suit habituellement le demandeur, au médecin praticien hospitalier ou au médecin qui a rédigé le rapport de lui communiquer, dans un délai de quinze jours, tout complément d'information. Le demandeur en est simultanément informé. Le collège de médecins peut entendre et, le cas échéant, examiner le demandeur et faire procéder aux examens estimés nécessaires. Le demandeur présente au service médical de l'office les documents justifiant de son identité. Il peut être assisté d'un interprète et d'un médecin. Lorsque l'étranger est mineur, il est accompagné de son représentant légal. / L'avis est rendu par le collège dans un délai de trois mois à compter de la transmission par le demandeur des éléments médicaux conformément à la première phrase du premier alinéa. Lorsque le demandeur n'a pas présenté au médecin de l'office ou au collège les documents justifiant son identité, n'a pas produit les examens complémentaires qui lui ont été demandés ou n'a pas répondu à la convocation du médecin de l'office ou du collège qui lui a été adressée, l'avis le constate. / L'avis est transmis au préfet territorialement compétent, sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ".

5. Enfin, l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 pris pour l'application des dispositions qui précèdent dispose : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".

6. S'il ne résulte d'aucune de ces dispositions, non plus que d'aucun principe, que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration devrait comporter la mention du nom du médecin qui a établi le rapport médical, prévu par l'article R. 313-22, qui est transmis au collège de médecins, en revanche ces dispositions prévoient que le médecin rapporteur ne siège pas au sein de ce collège. En cas de contestation devant le juge administratif portant sur ce point, il appartient à l'autorité administrative d'apporter les éléments qui permettent l'identification du médecin qui a rédigé le rapport et, par suite, le contrôle de la régularité de la composition du collège de médecins. Le respect du secret médical s'oppose toutefois à la communication à l'autorité administrative, à fin d'identification de ce médecin, de son rapport, dont les dispositions précitées de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne prévoient la transmission qu'au seul collège de médecins et, par suite, à ce que le juge administratif sollicite la communication par le préfet ou par le demandeur d'un tel document.

7. En l'espèce, il ressort du bordereau de transmission des services de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, produit en appel par le préfet de la Moselle, que le rapport médical émis le 10 novembre 2017 sur l'état de santé de M. D...a été établi par le docteur C...qui n'a pas siégé le 30 novembre 2017 au sein du collège de médecins ayant rendu l'avis prévu à l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure à l'issue de laquelle est intervenue la décision contestée doit être écarté.

8. Par ailleurs, si le requérant fait également valoir que le préfet n'établit pas que l'avis du collège de médecins a été rendu à l'issue soit d'une réunion, soit d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle en vertu des dispositions de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016, la mention " après en avoir délibéré (...) " figurant dans cet avis implique nécessairement, à défaut d'élément susceptible d'en douter, que les membres du collège de médecins ont pu confronter leur point de vue avant de rendre leur avis, quand bien même les modalités de ce délibéré ne sont pas précisées. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté.

9. Ensuite, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte-tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié.

10. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

11. Dans son avis du 30 novembre 2017, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que l'état de santé de M. D...nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que son état de santé peut lui permettre de voyager sans risque vers son pays d'origine.

12. Les pièces versées à l'instance par M. D...et notamment les certificats médicaux des 16 janvier 2018 et 9 novembre 2019, au regard de leur contenu, ainsi que les autres documents produits telle la synthèse de la littérature scientifique réalisée par le service de santé mentale Ulysse, relatif à la relation thérapeute-patient dans le cadre d'une psychothérapie et à la thérapie du syndrome post-traumatique et le rapport de l'Organisation Suisse d'aide aux réfugiés quant aux soins psychiatriques en République démocratique du Congo, ne sont pas de nature à remettre à cause l'appréciation du préfet de la Moselle fondée sur l'avis émis par le collège de médecins quant à l'absence de conséquences d'une exceptionnelle gravité en cas de défaut de prise en charge médicale de l'intéressé. Par suite, le moyen tiré de l'inexacte application des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

13. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Moselle se serait estimé à tort en situation de compétence liée pour assortir la décision de refus de titre de séjour d'une décision portant obligation de quitter le territoire français.

14. En deuxième lieu, le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité administrative s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour. Il n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective d'un éloignement.

15. En l'espèce M. D...a pu présenter les observations qu'il estimait utiles sur sa situation dans le cadre de l'examen, en dernier lieu, de sa demande de renouvellement de titre de séjour. Il ne peut, par suite, pas être regardé comme ayant été privé de son droit d'être entendu tel que garanti par le droit de l'Union européenne.

16. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".

17. Ainsi qu'il a été dit au point 12 ci-dessus, et en l'absence de tout autre élément invoqué par le requérant, le moyen tiré de l'inexacte application des dispositions précitées du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

18. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

19. Il ressort des pièces du dossier que M. D...résidait en France depuis seulement un peu plus de deux ans à la date de la décision en litige. En outre, son mariage avec une ressortissante belge, le 16 décembre 2017, avec laquelle il a eu un enfant, le 27 décembre 2018, postérieurement au refus de séjour, est très récent. Par suite, dans les circonstances de l'espèce, la décision de refus de titre de séjour opposée à M. D...n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

Sur la décision fixant le pays de destination :

20. En premier lieu, la décision en litige, après avoir visé l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et mentionné la nationalité de M. D..., indique que l'intéressé n'a pas démontré que sa vie ou sa liberté seraient menacées s'il était éloigné à destination de son pays d'origine et qu'il n'a pas justifié être exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cette décision comporte les éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement et est ainsi suffisamment motivée.

21. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 12, ci-dessus, M. D... n'établit pas que le défaut de prise en charge de son état de santé aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de la Moselle aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision en litige au regard de son état de santé doit être écarté.

22. Il résulte de tout ce qui précède que M.D..., qui n'a soulevé aucun moyen à l'appui de sa demande d'annulation de la décision du 22 décembre 2017 ne lui accordant qu'un délai de départ volontaire de trente jours, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...D...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.

2

N° 18NC03144


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18NC03144
Date de la décision : 02/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. KOLBERT
Rapporteur ?: M. Alexis MICHEL
Rapporteur public ?: M. LOUIS
Avocat(s) : DOLLÉ

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-07-02;18nc03144 ?
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