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02/07/2019 | FRANCE | N°18NC03026

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 02 juillet 2019, 18NC03026


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 27 décembre 2017 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1801709 du 4 juillet 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 novembre 2018, M.

A..., représenté par Me Chebbale, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal ad...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 27 décembre 2017 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1801709 du 4 juillet 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 novembre 2018, M. A..., représenté par Me Chebbale, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 4 juillet 2018 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet du Bas-Rhin du 27 décembre 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour temporaire, subsidiairement de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter d'un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

S'agissant de la décision de refus de séjour :

- elle est entachée d'un vice de procédure en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour ;

- elle est entachée d'un vice de procédure, l'absence de mention du nom du médecin instructeur sur l'avis émis par le collège de médecins de l'OFII ayant empêché le préfet de s'assurer de la composition régulière de ce collège, ce qui l'a privé d'une garantie ;

- l'avis du collège de médecins de l'OFII ne se prononce pas sur la possibilité de bénéficier effectivement d'un suivi en Turquie, en méconnaissance des dispositions de l'arrêté du 27 décembre 2016 ;

- la décision méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les dispositions du 11° du même article ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- cette décision est également entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- cette décision sera annulée par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- elle est entachée d'erreur de droit dès lors qu'il aurait dû bénéficier de plein droit d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° et du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du même code ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

La requête a été communiquée au préfet du Bas-Rhin qui n'a pas produit de mémoire.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 octobre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Wallerich, président assesseur a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.A..., de nationalité turque, est entré irrégulièrement sur le territoire français en 2012 et y a sollicité l'asile. Sa demande a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides le 24 janvier 2013 et la Cour nationale du droit d'asile le 22 juillet 2013. L'intéressé a été autorisé provisoirement à séjourner en France pour raison médicale le 24 mai 2016. Par un arrêté du 27 décembre 2017, le préfet du Bas-Rhin a cependant refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A...relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

2. Aux termes du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est, sous réserve d'une menace pour l'ordre public, délivrée de plein droit à " l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé (...) ".

3. L'article R. 313-22 du même code dispose : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / Les orientations générales mentionnées à la quatrième phrase du 11° de l'article L. 313-11 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé ".

4. Aux termes de l'article R. 313-23 de ce code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. Le médecin de l'office peut solliciter, le cas échéant, le médecin qui suit habituellement le demandeur ou le médecin praticien hospitalier. Il en informe le demandeur. (...). / Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...). / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège (...) / (...). / L'avis est transmis au préfet territorialement compétent, sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ".

5. Enfin, l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".

6. S'il ne résulte d'aucune de ces dispositions, non plus que d'aucun principe, que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration devrait comporter la mention du nom du médecin qui a établi le rapport médical, prévu par l'article R. 313-22, qui est transmis au collège de médecins, en revanche ces dispositions prévoient que le médecin rapporteur ne siège pas au sein de ce collège. En cas de contestation devant le juge administratif portant sur ce point, il appartient à l'autorité administrative d'apporter les éléments qui permettent l'identification du médecin qui a rédigé le rapport et, par suite, le contrôle de la régularité de la composition du collège de médecins. Le respect du secret médical s'oppose toutefois à la communication à l'autorité administrative, à fin d'identification de ce médecin, de son rapport, dont les dispositions précitées de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne prévoient la transmission qu'au seul collège de médecins et, par suite, à ce que le juge administratif sollicite la communication par le préfet ou par le demandeur d'un tel document.

7. Le préfet du Bas-Rhin qui pouvait, dans le respect du secret médical, obtenir les indications nécessaires auprès des services de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, n'apporte pas à la cour les éléments permettant d'identifier le médecin, auteur du rapport médical sur l'état de santé de M.A..., et d'établir ainsi que celui-ci n'a pas siégé au sein du collège des médecins qui a, le 22 août 2017, émis l'avis au vu duquel a été pris le refus de séjour opposé à M. A.... Dans ces conditions, cette décision doit être regardée comme intervenue en méconnaissance des dispositions des articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ce vice de procédure ayant privé l'intéressé d'une garantie, M. A... est, par suite, fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce refus.

8. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 décembre 2017 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Le présent arrêt implique nécessairement que l'administration statue à nouveau sur la demande de l'intéressé. Dès lors, il y a lieu d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin, en application de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, de réexaminer cette demande dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours.

Sur les frais liés à l'instance :

10. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Chebbale, avocat de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de le préfet de la région du Grand Est le versement à Me Chebbale de la somme de 1 500 euros.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1801709 du 4 juillet 2018 du tribunal administratif de Strasbourg et l'arrêté du 27 décembre 2017 du préfet du Bas-Rhin sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Bas-Rhin de procéder au réexamen de la demande de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours.

Article 3 : L'Etat versera à Me Chebbale, avocat de M. A..., une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Chebbale renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.

2

N° 18NC03026


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18NC03026
Date de la décision : 02/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. KOLBERT
Rapporteur ?: M. Marc WALLERICH
Rapporteur public ?: M. LOUIS
Avocat(s) : CHEBBALE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-07-02;18nc03026 ?
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