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02/07/2019 | FRANCE | N°18NC02966-18NC02967

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 02 juillet 2019, 18NC02966-18NC02967


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... C...et Mme D...A...épouse C...ont demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler les arrêtés du 16 novembre 2017 par lesquels le préfet des Vosges a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination et leur a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1800591 du 9 mai 2018, le tribunal administratif de Nancy a rejeté le

ur demande.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 5 novembre ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... C...et Mme D...A...épouse C...ont demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler les arrêtés du 16 novembre 2017 par lesquels le préfet des Vosges a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination et leur a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1800591 du 9 mai 2018, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 5 novembre 2018 sous le n° 18NC02966, M. C..., représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 9 mai 2018 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet des Vosges du 16 novembre 2017 ;

3°) d'enjoindre, à titre principal, au préfet des Vosges de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois suivant la notification du jugement à intervenir ;

4°) d'enjoindre, à titre subsidiaire, au préfet des Vosges de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour pour la durée de l'instruction de son dossier, dans le délai d'un mois suivant la notification du jugement à intervenir ;

5°) d'enjoindre au préfet de retirer le signalement dont il fait l'objet aux fins de non-admission dans le système Schengen ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1990.

Il soutient que :

S'agissant de la régularité du jugement :

- il n'est pas motivé ;

- il est entaché d'un défaut d'examen ;

S'agissant de la décision de refus de séjour :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur de droit, d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et elle porte atteinte à l'intérêt supérieur de ses enfants garanti par l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation du refus de séjour ;

- elle est entachée d'erreur de droit au regard des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 6 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008, le préfet s'étant cru en compétence liée pour prendre cette mesure d'éloignement ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation, dès lors qu'elle comporte pour sa situation personnelle des conséquences d'une exceptionnelle gravité ;

S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :

- elle doit être annulée en conséquence de l'illégalité des précédentes décisions ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est contraire à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, à l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant de la décision lui interdisant le retour sur le territoire :

- elle doit être annulée en conséquence de l'illégalité des précédentes décisions ;

- elle est insuffisamment motivée en droit et en fait ;

- elle est entachée d'une erreur de droit à défaut d'examen des quatre critères retenus par

la loi ;

- le préfet s'est estimé à tort en situation de compétence liée ;

- la décision est entachée d'une erreur de fait et d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 juin 2019, le préfet des Vosges conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 septembre 2018.

II. Par une requête enregistrée le 5 novembre 2018 sous le n° 18NC02966, Mme C..., représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 9 mai 2018 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet des Vosges du 16 novembre 2017 ;

3°) d'enjoindre, à titre principal, au préfet des Vosges de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois suivant la notification du jugement à intervenir ;

4°) d'enjoindre, à titre subsidiaire, au préfet des Vosges de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour pour la durée de l'instruction de son dossier, dans le délai d'un mois suivant la notification du jugement à intervenir ;

5°) d'enjoindre au préfet de retirer le signalement dont elle fait l'objet aux fins de non-admission dans le système Schengen ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros, sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1990.

Elle soutient que :

S'agissant de la régularité du jugement :

- il n'est pas motivé ;

- il est entaché d'un défaut d'examen ;

S'agissant de la décision de refus de séjour :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur de droit, d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et elle porte atteinte à l'intérêt supérieur de ses enfants garanti par l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation du refus de séjour ;

- elle est entachée d'erreur de droit au regard des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 6 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008, le préfet s'étant cru en compétence liée pour prendre cette mesure d'éloignement ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation, dès lors qu'elle comporte pour sa situation personnelle des conséquences d'une exceptionnelle gravité ;

S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :

- elle doit être annulée en conséquence de l'illégalité des précédentes décisions ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est contraire à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, à l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant de la décision lui interdisant le retour sur le territoire :

- elle doit être annulée en conséquence de l'illégalité des précédentes décisions ;

- elle est insuffisamment motivée en droit et en fait ;

- elle est entachée d'une erreur de droit à défaut d'examen des quatre critères retenus par

la loi ;

- le préfet s'est estimé à tort en situation de compétence liée ;

- la décision est entachée d'une erreur de fait et d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 juin 2019, le préfet des Vosges conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 septembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Wallerich, président assesseur a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. E...C...et Mme D...A...épouseC..., ressortissants kosovars respectivement nés le 20 octobre 1987 et le 5 septembre 1991, sont entrés irrégulièrement sur le territoire français le 8 avril 2013 accompagnés de leurs deux enfants mineurs. Ils ont sollicité, le 7 juin 2013, la reconnaissance de la qualité de réfugiés. Leurs demandes d'asile ayant été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 9 octobre 2014 et par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), le 20 mai 2015, le préfet des Vosges a, par deux arrêtés du 30 juin 2015, refusé d'admettre les intéressés au séjour et a assorti son refus d'obligations de quitter le territoire français, lesquelles n'ont pas été exécutées, en dépit du rejet de leurs requêtes par un jugement du tribunal administratif de Nancy du 29 décembre 2016. A la suite d'une nouvelle demande, le préfet des Vosges, par les décisions du 16 novembre 2017, leur a refusé l'admission au séjour et leur a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel ils pourront être renvoyés d'office et leur a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Par deux requêtes distinctes qu'il convient de joindre, M. et Mme C...relèvent appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande tendant à l'annulation de ces deux arrêtés.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ne résulte pas de la lecture du jugement que le tribunal aurait omis de répondre au moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni qu'il aurait insuffisamment motivé sa décision. Dans cette mesure le jugement n'est pas entaché d'irrégularité.

Sur les décisions portant refus de séjour :

3. En premier lieu, les décisions portant refus de séjour mentionnent, avec une précision suffisante pour permettre aux requérants d'en comprendre les motifs et dépourvue de caractère stéréotypé, les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Si les requérants soutiennent que le préfet n'a pas examiné leurs demandes sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'ils auraient présenté une demande de titre de séjour à ce titre. Par ailleurs, il ressort des décisions contestées que le préfet a expressément estimé que la situation personnelle des intéressés ne justifiait pas qu'il soit procédé à la régularisation à titre exceptionnel de leur séjour en France. Le moyen tiré du défaut de motivation doit, par suite, être écarté.

4. En deuxième lieu, il ressort des pièces des dossiers, et notamment des termes mêmes des décisions contestées, que le préfet a procédé à un examen attentif et particulier de la situation personnelle et familiale des requérants. Ainsi, le moyen tiré du défaut d'examen complet ne peut, qu'être écarté.

5. En troisième lieu, si les requérants soutiennent avoir présenté une demande de régularisation de leur situation au titre de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ils ne l'établissent pas. En tout état de cause, il ressort des pièces des dossiers et en particulier du contenu même des décisions portant refus de titre de séjour, que le préfet a bien examiné la demande de M. C...sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 et celui de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et qu'il a examiné celle de MmeC..., sur ces mêmes fondements ainsi que sur celui du 11° de l'article L. 313-11 de ce code. Par suite, les moyens tirés de l'erreur de droit et de l'erreur de fait qu'aurait commises le préfet en s'abstenant d'examiner les demandes des intéressés sur ces différents fondements doivent être écartés.

6. En quatrième lieu, si M. C...et Mme A...épouse C...soutiennent qu'ils se trouvent en France depuis 2012 et font des efforts d'intégration importants, il ressort toutefois des pièces des dossiers qu'ils ne sont entrés sur le territoire au plus tôt que le 8 avril 2013. M. C... n'établit pas l'existence de la promesse d'embauche dont il se prévaut et les requérants ne démontrent pas davantage être dépourvus d'attaches dans leur pays d'origine. Compte tenu du jeune âge de leurs enfants, de la durée et des conditions de leur séjour en France, rien ne s'oppose à ce que la cellule familiale puisse se reconstituer à l'étranger, ni à ce que leurs enfants puissent y poursuivre leur scolarité. Ainsi, ces éléments ne sauraient être regardés comme des circonstances humanitaires ou exceptionnelles de nature à établir que le préfet des Vosges aurait commis, en refusant de leur délivrer une carte de séjour, une erreur manifeste d'appréciation. Dans ces conditions, ce moyen doit être écarté.

7. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration./ L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé.. (...) ".

8. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte-tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle.

9. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

10. Par un avis rendu le 20 septembre 2017, le collège des médecins de l'OFII a estimé que l'état de santé de la requérante nécessite une prise en charge dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'au regard de son état de santé elle peut voyager sans difficulté.

11. Il ne ressort pas des pièces du dossier et plus particulièrement des termes mêmes de la décision de refus de titre de séjour opposée à Mme C...que le préfet des Vosges se serait estimé à tort lié par l'avis du collège de médecins de l'OFII.

12. La requérante n'apporte, en outre, aucun élément de fait ou de droit susceptible de remettre en cause l'appréciation portée sur sa situation. Par suite, le moyen tiré de l'inexacte application des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

13. En sixième lieu, aux termes du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est également délivrée de plein droit à " l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° - Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ".

14. M. et Mme C...sont arrivés en France le 8 avril 2013, âgés respectivement de vingt-cinq et vingt-et-un ans. S'ils résident en France depuis près de cinq ans, la durée de leur présence sur le territoire s'explique par les démarches entreprises au titre de l'asile et par le fait qu'ils se sont abstenus d'exécuter la mesure d'éloignement prise à leur encontre le 30 juin 2015. Si M. C...soutient bénéficier d'une promesse d'embauche, il ne l'établit pas. Ils ne justifient pas de liens personnels et familiaux en France d'une intensité, d'une ancienneté ou d'une stabilité, tels que le refus d'autoriser leur séjour porterait à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus. Enfin, ils n'établissent pas être dépourvus d'attaches dans leur pays d'origine, ne produisent aucun élément de nature à justifier d'une insertion sociale particulière. Dans ces conditions, eu égard aux conditions d'entrée et de séjour des requérants en France, le préfet ne peut être regardé comme ayant porté au droit des intéressés au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux motifs du refus de séjour. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations et dispositions précitées doit ainsi être écarté.

15. En septième et dernier lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. En l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas pris en compte l'intérêt supérieur des enfants de M. C...et Mme A...épouseC.... Les décisions contestées, qui ne portent que sur le droit au séjour des requérants, n'impliquent pas l'éloignement des enfants de l'un ou l'autre de leurs parents. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit, dès lors, être écarté.

Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français :

16. En premier lieu, les requérants n'établissent pas l'illégalité des décisions par lesquelles le préfet des Vosges a refusé de leur délivrer un titre de séjour. Par suite, ils ne sont pas fondés à soutenir que les mesures d'éloignement prises à leur encontre seraient illégales en raison de l'illégalité des décisions de refus de séjour.

17. En deuxième lieu, aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (...). La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I (...) ".

18. Il ne ressort pas des pièces du dossier, ni des mentions des décisions contestées, que le préfet se serait estimé, à tort, en situation de compétence liée pour assortir les refus de séjour opposés à M. et Mme C...des mesures d'éloignement contestées ou se serait abstenu d'examiner la possibilité de faire usage de son pouvoir discrétionnaire pour régulariser la situation des intéressés sur le territoire français. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 6 de la directive du 16 décembre 2008, qui ne peut au surplus plus être utilement invoquée du fait de sa transposition en droit interne, et des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut, dès lors, qu'être écarté.

19. En troisième lieu, il résulte de ce qui a été dit plus haut concernant les décisions de refus de titre de séjour que les moyens tirés de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés pour les motifs précédemment exposés, dès lors que rien ne s'oppose à ce que la vie privée et familiale des consorts C...se reconstitue à l'étranger avec leurs enfants. Si les requérants font état de l'état de santé de MmeC..., ils ne le démontrent pas. Ils n'établissent pas davantage avoir transféré le centre de leurs intérêts sur le territoire français.

Sur les décisions fixant le pays de renvoi :

20. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que les consorts C...n'établissent pas que les décisions portant refus de séjour et leur faisant obligation de quitter le territoire français devaient être annulées. Par suite, ils ne sont pas fondés à demander que les décisions fixant le pays de destination soient annulées en conséquence de l'illégalité de ces autres décisions.

21. En deuxième lieu, que les décisions contestées, qui visent l'article L. 513-2, ainsi que l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dont il est fait application, et qui mentionnent que les requérants ne démontrent pas qu'ils seraient exposés à des traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans leur pays d'origine, énoncent les considérations de droit et de fait sur lesquelles elles se fondent. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté.

22. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " et que ce dernier texte stipule que " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ".

23. M. et Mme C...soutiennent que leur vie et leur sécurité seraient menacées en cas de retour au Kosovo. Toutefois, les requérants, dont les déclarations ont été jugées " peu substantielles " par l'OFPRA et dont la CNDA a estimé qu'elles n'étaient pas de nature à remettre en cause les motifs de la décision de l'OFPRA, n'établissent pas qu'ils se trouveraient, en cas d'éloignement, exposés à un risque réel, direct et sérieux pour leur vie ou leur liberté, ni à des traitements inhumains ou dégradants ou qu'ils ne pourraient y bénéficier d'aucune protection de la part des autorités. Par suite, le moyen tiré par les requérants de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut être accueilli.

24. Il résulte de ce qui a été dit précédemment concernant les décisions de refus de séjour que le moyen tiré de la violation de l'article 3§1 de la convention de New York doit, et dès lors que rien ne s'oppose à ce que la cellule familiale se reconstitue à l'étranger, être écarté.

Sur les décisions interdisant le retour sur le territoire français :

25. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que les consorts C...n'établissent pas que les décisions portant refus de séjour, leur faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi devaient être annulées. Par suite, ils ne sont pas fondés à demander que les décisions d'interdiction de retour sur le territoire français soient annulées en conséquence de l'illégalité de ces autres décisions.

26. En deuxième lieu, aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...)". Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifient sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace.

27. D'une part, il ressort des termes mêmes des décisions d'interdiction de retour sur le territoire français, que le préfet des Vosges ne s'est pas estimé en situation de compétence liée et qu'il a procédé à un examen particulier de la situation des requérants au regard des quatre critères prévus par le paragraphe III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. D'autre part, les décisions contestées se réfèrent à ces dispositions et font état de la situation administrative, privée et familiale des consortsC.... Le préfet a indiqué expressément que si la présence des requérants sur le territoire français ne représentait pas une menace pour l'ordre public, les intéressés se sont toutefois maintenus sur le territoire national en dépit d'une précédente mesure d'éloignement. Par suite, les décisions leur interdisant de retourner sur le territoire français comportent les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et sont donc suffisamment motivées, tant en droit qu'en fait.

28. En troisième lieu, il ressort des pièces des dossiers que si les intéressés sont arrivés en France au cours de l'année 2013, la durée de leur présence en France est liée aux démarches qu'ils ont entreprises pour solliciter l'asile, mais également au fait qu'ils n'ont pas mis à exécution une précédente mesure d'éloignement prononcée à leur encontre le 30 juin 2015. Ils ne justifient d'aucune attache privée et familiale sur le territoire français autre que leurs enfants mineurs qui ont vocation à les suivre. Par suite, en fixant à deux années la durée d'interdiction de retour sur le territoire français, le préfet des Vosges n'a pas fait une inexacte appréciation de la situation des requérants ni commis d'erreur de fait.

29. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes de M. et Mme C...sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... C..., à Mme D...A...épouse C...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Vosges.

2

N° 18NC02966-18NC02967


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18NC02966-18NC02967
Date de la décision : 02/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. KOLBERT
Rapporteur ?: M. Marc WALLERICH
Rapporteur public ?: M. LOUIS
Avocat(s) : JEANNOT

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-07-02;18nc02966.18nc02967 ?
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