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02/07/2019 | FRANCE | N°18NC02106

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 02 juillet 2019, 18NC02106


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société SANEF a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de condamner l'Etat à lui verser la somme de 13 539,31 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 1er février 2017 et de la capitalisation de ces intérêts, en réparation du préjudice que lui a causé un attroupement de manifestants les 25 et 26 mai 2016.

Par un jugement no 1700844 du 7 juin 2018, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :


Par une requête enregistrée le 25 juillet 2018, et un mémoire complémentaire, enregistré le 27...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société SANEF a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de condamner l'Etat à lui verser la somme de 13 539,31 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 1er février 2017 et de la capitalisation de ces intérêts, en réparation du préjudice que lui a causé un attroupement de manifestants les 25 et 26 mai 2016.

Par un jugement no 1700844 du 7 juin 2018, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 25 juillet 2018, et un mémoire complémentaire, enregistré le 27 mai 2019, la société SANEF, représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 7 juin 2018 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 13 539,31 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 1er février 2017 et de la capitalisation des intérêts, en réparation de son préjudice ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la responsabilité de l'Etat, du fait des attroupements ou des rassemblements armés ou non armés, est engagée sur le fondement de l'article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure en ce que les agissements en litige constituaient un délit d'entrave à la circulation et à la liberté du travail commis à force ouverte par un rassemblement précisément identifié ;

- contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, le groupe à l'origine de ces agissements ne s'était pas constitué à seule fin de commettre ce délit d'entrave à la circulation ;

- en tout état de cause, le caractère prémédité et concerté de l'action ne permet pas d'exclure la responsabilité de l'Etat en cas de recours d'une victime collatérale ;

- elle a subi des préjudices directement liés aux agissements des manifestants ;

- ses frais de personnels s'élèvent à 602,56 euros HT et sa perte de recette à 12 936,75 euros HT.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 octobre 2018, le préfet de la Marne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la société requérante soutenait elle-même, en première instance, que la volonté des manifestants était de commettre un délit d'entrave à la circulation en instaurant un barrage ;

- en tout état de cause, à supposer qu'ils n'aient pas eu la volonté d'organiser le rassemblement en vue de bloquer la circulation, les dispositions de l'article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure ne trouveraient pas à s'appliquer ;

- dès lors que seuls les poids lourds étaient bloqués après la sortie vers Vatry, la société n'établit pas l'existence de bouchons sur son réseau ni l'obligation dans laquelle elle se trouvait de mettre en place une déviation pour l'ensemble des véhicules ;

- aucun usager n'a pu utiliser les infrastructures routières concédées gratuitement à la SANEF et ni elle, ni ses clients n'ont été dans l'impossibilité d'utiliser le réseau autoroutier ;

- la manifestation en litige, qui était organisée par un groupe structuré, ne pouvait être regardée comme le fait d'un attroupement ou d'un rassemblement au sens des dispositions de l'article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure ;

- faute de préjudice spécial et anormal, la demande de la société SANEF doit être rejetée ;

- la société requérante n'apporte aucun élément relatif à la marge nette réalisée permettant de s'assurer de manière certaine de son préjudice ;

- l'activité économique et la circulation routière était fortement ralentie au moment de la manifestation, de sorte que la comparaison des chiffres de la fréquentation du réseau avec celle de l'année antérieure n'est pas probante.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la sécurité intérieure ;

- le code de la route ;

- le code pénal ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Di Candia, premier conseiller,

- les conclusions de M. Louis, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., pour la société SANEF, et les observations de M. A..., pour le préfet de la Marne.

Une note en délibéré, enregistrée le 18 juin 2019, a été présentée pour la société SANEF.

Considérant ce qui suit :

1. Dans le cadre d'un mouvement national de contestation contre le projet de loi relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, un groupe de manifestants du syndicat CGT a organisé, les 25 et 26 mai 2016, une action de protestation ayant conduit la société SANEF, concessionnaire de la gestion des autoroutes du Nord et de l'Est de la France, à fermer à la circulation les bretelles du diffuseur de Vatry, sur l'autoroute A26 et à mettre en place des itinéraires de déviation. La SANEF relève appel du jugement du 7 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant, sur le fondement de l'article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure, à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 13 539,31 euros hors taxes, outre intérêts et capitalisation des intérêts, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis à la suite de ce blocage.

2. Aux termes de l'article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure : " L'Etat est civilement responsable des dégâts et dommages résultant des crimes et délits commis, à force ouverte ou par violence, par des attroupements ou rassemblements armés ou non armés, soit contre les personnes, soit contre les biens (...) ".

3. Il résulte de l'instruction, notamment des divers articles de presse produits par les parties, mais également des termes mêmes du courrier du 1er février 2017, par lequel la SANEF a adressé sa demande indemnitaire au préfet de la Marne, que la manifestation en litige a consisté, à hauteur du carrefour giratoire situé à la sortie n° 19 de l'autoroute A26, à organiser un piquet de grève afin d'instaurer des barrages filtrants dans le but d'empêcher les poids lourds d'accéder au dépôt pétrolier de Vatry. Ainsi, eu égard à la nature même d'un piquet de grève, dont le but est précisément de bloquer l'accès à une zone grâce à la présence massive de manifestants, le groupe de manifestants en litige, nonobstant l'absence de matériels empêchant le passage des véhicules, doit être regardé comme s'étant constitué et organisé à la seule fin de commettre le délit d'entrave à la circulation puni par l'article L. 412-1 du code de la route. La mise en oeuvre de tels moyens dans le cadre d'un mouvement national au cours duquel ont eu lieu des actions similaires en divers points du territoire national, révèle une action préméditée et organisée par un groupe structuré et par suite, les conséquences dommageables de cette manifestation, ne peuvent être regardées comme imputables à un attroupement ou un rassemblement au sens de dispositions de l'article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure, ni par suite, et quand bien même la société SANEF n'était pas directement la cible des auteurs de ces agissements, comme engageant à son égard la responsabilité de l'Etat sur ce fondement.

4. Il résulte de tout ce qui précède que la société SANEF n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à l'indemniser de ses préjudices sur le fondement de l'article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure.

5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société SANEF demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société SANEF est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société SANEF et au ministre de l'intérieur.

2

N° 18NC02106


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NC02106
Date de la décision : 02/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-01-05-01 Responsabilité de la puissance publique. Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. Responsabilité régie par des textes spéciaux. Attroupements et rassemblements (art. L. 2216-3 du CGCT).


Composition du Tribunal
Président : M. KOLBERT
Rapporteur ?: M. Olivier DI CANDIA
Rapporteur public ?: M. LOUIS
Avocat(s) : CARBONNIER LAMAZE RASLE ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 17/09/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-07-02;18nc02106 ?
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