Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 30 janvier 2018 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 1800598 du 12 juin 2018, le tribunal administratif a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés le 10 juillet 2018, les 24 et 29 mai 2019, M. C... D..., représenté par Me A... B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral contesté ;
3°) d'enjoindre à l'administration de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de huit jours à compter de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de cinquante euros par jour de retard ou, à défaut, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de se prononcer sur sa situation administrative dans un délai d'un mois dans les mêmes conditions d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à son conseil d'une somme de 2 000 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- il n'est pas établi qu'un rapport a été établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et a été transmis au collège des médecins ;
- il n'est pas établi que le collège des médecins a été régulièrement nommé par le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;
- il ne peut être vérifié que le médecin rapporteur n'a pas siégé au collège de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;
- il n'apparaît pas que le préfet du Doubs ait pris en considération les particularités de son état de santé ;
- le refus de titre de séjour méconnaît l'article L. 313 -11 11 ° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il devra nécessairement subir une opération, que le traitement dont il a besoin n'est pas disponible en Arménie, que ses capacités à marcher et donc à voyager sont limitées, qu'il ne pourra payer les médicaments nécessaires ;
- il méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- il méconnaît l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît le droit d'être entendu, protégé par l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- elle est illégale dès lors que le refus de titre de séjour est illégal ;
- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale en raison des risques encourus en raison de l'impossibilité de bénéficier de soins.
Par un mémoire en défense et des pièces, enregistrés le 22 octobre 2018 et le 20 mai 2019, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 août 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Stefanski, président, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissant arménien, est entré irrégulièrement en France avec son épouse le 25 novembre 2013 selon ses déclarations. Après le rejet de ses demandes d'asile, il a sollicité un titre de séjour pour raisons de santé dont le refus du 7 septembre 2015 a été annulé le 9 mars 2017 par la cour administrative d'appel de Nancy qui a enjoint au préfet de réexaminer la situation du requérant. Dans ce cadre et après avoir saisi le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, le préfet du Doubs a refusé, par l'arrêté contesté du 30 janvier 2018, de délivrer un titre de séjour à M. D..., a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français dans les trente jours et a fixé le pays de destination. M. D... forme appel du jugement du 12 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande dirigé contre ces décisions.
Sur le refus de titre de séjour :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ".
3. Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 31311, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". Aux termes de l'article R. 313-23 : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. (...) / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. (...) ".
4 . En vertu de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016, le collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration désigné afin d'émettre un avis doit préciser : " a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays (...) ".
5. En premier lieu, il résulte de l'instruction que par décision du 21 août 2017, le directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a désigné les médecins qui ont émis l'avis du 8 janvier 2018 comme membres du collège des médecins et nommé le médecin instructeur. Par suite le moyen tiré de l'irrégularité de la nomination de ces médecins doit être écarté.
6. En deuxième lieu, il ne résulte d'aucune de ces dispositions ni d'aucun principe que l'avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration doit mentionner qu'il a été pris à la suite d'un rapport médical, ni à quelle date celui-ci lui a été transmis. En tout état de cause, il est établi par les pièces produites par le préfet en appel que le rapport a été établi et régulièrement transmis au collège des médecins.
7. En troisième lieu, il ressort des pièces produites en appel par l'administration que le médecin qui a établi le rapport médical prévu par l'article R. 313-22 n'a pas siégé au sein du collège de médecins qui s'est prononcé le 9 janvier 2018 sur l'état de santé de M. D....
8. En quatrième lieu, l'avis émis le 9 janvier 2018 par le collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration précise que l'état de santé de M. D... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'il peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine vers lequel il peut voyager sans risque.
9. Il ressort des pièces du dossier que M. D... a été victime d'un accident vasculaire cérébral en 2014 et qu'il est atteint d'artérite notamment dans les membres inférieurs. Les certificats médicaux de 2015 produits par le requérant, antérieurs de plusieurs années à l'avis mentionné ci-dessus et qui se bornent à faire état des traitements nécessaires et du risque de nouvel accident cardio-vasculaire après son AVC, ne suffisent pas à remettre en cause cet avis. Si un certificat établi par un médecin généraliste le 5 février 2018 mentionne un risque de complications, la probabilité d'une intervention chirurgicale à court ou moyen terme et la nécessité de poursuivre les traitements, il se borne à ajouter, sans autres précisions, que M. D... ne pourrait pas en bénéficier dans son pays d'origine. Par ailleurs un autre certificat médical établi par un angiologue le 20 février 2018 mentionne que l'état de santé de l'appelant ne justifie pas d'intervention chirurgicale pour l'instant, mais seulement la nécessité de poursuivre un traitement au long cours en raison de l'AVC survenu en 2014 et de l'artérite. Si un avis du 19 décembre 2015 émanant du directeur d'une clinique d'Erevan mentionne que certaines interventions chirurgicales ne se pratiquent pas en Arménie ou qu'elles se pratiquent depuis peu de temps avec des résultats incertains, cet avis n'est pas non plus de nature à remettre en cause l'avis du collège des médecins, compte tenu notamment de sa date et de ce que l'état de M. D... ne justifie pas de telles interventions. Enfin, en se bornant à faire état du caractère modeste des pensions de retraite qu'il perçoit avec son épouse, M. D... n'établit pas que le coût d'un traitement adapté à son état de santé l'empêcherait d'accéder effectivement à celui-ci. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Doubs a fait une inexacte application des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en lui refusant un titre de séjour sur ce fondement.
10. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. (...) ".
11. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. 2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
12. M. D... soutient qu'il vit en France depuis cinq ans avec son épouse, qui conteste également le refus de titre de séjour qui lui est opposé, qu'ils vivent chez leur fils qui a un titre de séjour "vie privée et familiale", est marié, a trois enfants, travaille et leur apporte un grand soutien compte tenu de la fragilité de l'état de santé du requérant et de la précarité de sa situation matérielle. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. D... n'établit pas être dépourvu de toute attache dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 66 ans et où son épouse, qui fait également l'objet d'une mesure d'éloignement, pourra l'accompagner. En outre, le caractère indispensable de l'aide apporté par leur fils n'est pas démontré. Dans ces conditions, compte tenu des conditions et de la durée de son séjour en France, l'arrêté contesté n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de M. D... une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquelles il a été pris. Il s'ensuit que les moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'article 8 précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de ce que l'arrêté contesté est entaché d'erreur manifeste d'appréciation, ne peuvent être accueillis.
13. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313 11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ".
14. En l'absence d'autres éléments que ceux mentionnés ci-dessus, M. D... ne fait pas état de conditions humanitaires ou de motifs exceptionnels au sens des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet du Doubs n'a donc pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en lui refusant l'admission exceptionnelle au séjour sur ce fondement.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
15. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que M. D... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour.
16. Aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ".
17. Lorsqu'il sollicite la délivrance d'un titre de séjour, l'étranger, du fait même de l'accomplissement de cette démarche qui vise à ce qu'il soit autorisé à se maintenir en France et ne puisse donc faire l'objet d'une mesure d'éloignement forcé, ne peut ignorer qu'en cas de refus il sera susceptible de faire l'objet d'une telle décision dans un délai déterminé. Il est donc en mesure de présenter à l'administration, durant toute la procédure d'instruction de sa demande, des observations et éléments de nature à faire obstacle à l'édiction d'une mesure d'éloignement. En outre, une atteinte au droit d'être entendu n'est susceptible d'entraîner l'annulation de la décision faisant grief que si la procédure administrative en cause aurait pu, compte tenu des circonstances de fait et de droit propres au cas d'espèce, aboutir à un résultat différent du fait des observations et éléments que l'étranger a été privé de faire valoir.
18. Pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus en ce qui concerne l'état de santé de M. D..., l'obligation de quitter le territoire français ne méconnaît pas les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui prévoit que ne peut faire l'objet d'une telle mesure l'étranger dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale indispensable et dont il ne pourrait bénéficier dans son pays d'origine.
Sur la décision fixant le pays de destination :
19. Si M. D... soutient qu'il ne peut voyager sans risque vers son pays d'origine, il ne produit que le certificat du médecin généraliste du 5 février 2018 mentionné ci-dessus qui ne comporte pas de précisions. Par suite et en tout état de cause, le moyen ne peut être accueilli.
20. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction et à fin d'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Monsieur C... D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Monsieur C... D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Doubs.
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N° 18NC01941