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20/06/2019 | FRANCE | N°19NC00099-19NC00100

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 20 juin 2019, 19NC00099-19NC00100


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...et Mme C...A...née D...ont demandé au tribunal administratif d'annuler les arrêtés du 7 septembre 2018 par lesquels le préfet des Vosges a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n°1802715,1802716 du 18 décembre 2018, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

I.) Par une requête, enreg

istrée le 15 janvier 2019 sous le n°19NC00099, M.A..., représenté par MeE..., demande à la cour ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...et Mme C...A...née D...ont demandé au tribunal administratif d'annuler les arrêtés du 7 septembre 2018 par lesquels le préfet des Vosges a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n°1802715,1802716 du 18 décembre 2018, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

I.) Par une requête, enregistrée le 15 janvier 2019 sous le n°19NC00099, M.A..., représenté par MeE..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 18 décembre 2018 du tribunal administratif de Nancy ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Vosges du 7 septembre 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Vosges de lui délivrer un titre de séjour, à défaut de réexaminer sa situation et dans l'intervalle de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la procédure suivie est irrégulière ; l'avis rendu par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ne mentionne pas le nom du médecin instructeur ; le préfet n'a pu s'assurer de la régularité de la composition du collège ;

- l'arrêté du préfet méconnaît les dispositions de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; son fils n'aura pas accès au traitement approprié dans son pays d'origine.

II.) Par une requête, enregistrée le 15 janvier 2019 sous le n° 18NC00100, Mme A..., représentée par MeE..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 18 décembre 2018 du tribunal administratif de Nancy ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Vosges du 7 septembre 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Vosges de lui délivrer un titre de séjour, à défaut de réexaminer sa situation et dans l'intervalle de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle se prévaut des mêmes moyens que ceux articulés dans la requête n°19NC00099.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 2 mai 2019, le préfet des Vosges conclut au rejet des requêtes.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par M. et Mme A...ne sont fondés.

M. et Mme A...ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décisions du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Nancy du 4 février 2019.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bauer,

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes de M. et Mme A...visées ci-dessus sont dirigées contre un même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

2. M. et MmeA..., ressortissants kosovars nés respectivement les 9 janvier 1982 et 19 juin 1989, sont entrés en France irrégulièrement le 14 avril 2015 en compagnie de leur fils mineur pour solliciter l'octroi du statut de réfugiés. Leurs demandes d'asile ont été rejetées par décisions du 30 novembre 2016 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmées par décisions de la Cour nationale du droit d'asile du 19 septembre 2017. Les requérants ont sollicité la délivrance d'une autorisation de séjour sur le fondement de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en raison de l'état de santé de leur fils. Par des arrêtés du 7 septembre 2018, le préfet des Vosges a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Les requérants relèvent appel du jugement du 18 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs conclusions à fin d'annulation de ces décisions.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. D'une part, aux termes de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si leur présence constitue une menace pour l'ordre public, une autorisation provisoire de séjour est délivrée aux parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions mentionnées au 11° de l'article L. 313-11 (...) sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. / L'autorisation provisoire de séjour mentionnée au premier alinéa, qui ne peut être d'une durée supérieure à six mois, est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues au 11° de l'article L. 313-11 (...) ". L'article L. 313-11 du même code dispose que : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention 'vie privée et familiale' est délivrée de plein droit :(...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat ".

4. D'autre part, aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre (...) Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège (...) ". Aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Au vu du certificat médical et des pièces qui l'accompagnent ainsi que des éléments qu'il a recueillis au cours de son examen éventuel, le médecin de l'office établit un rapport médical (...) ". Aux termes de l'article 5 de cet arrêté : " Le collège de médecins à compétence nationale de l'office comprend trois médecins instructeurs des demandes des étrangers malades, à l'exclusion de celui qui a établi le rapport (...) ". Aux termes de l'article 6 de cet arrêté : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis (...) précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure (...) ".

5. En premier lieu, il résulte de la combinaison de ces dispositions que la régularité de la procédure implique, pour respecter les prescriptions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que les documents soumis à l'appréciation du préfet comportent l'avis du collège de médecins et soient établis de manière telle que, lorsqu'il statue sur la demande de titre de séjour, le préfet puisse vérifier que l'avis au regard duquel il se prononce a bien été rendu par un collège de médecins tel que prévu par l'article L. 311-11. L'avis doit, en conséquence, permettre l'identification des médecins dont il émane. L'identification des auteurs de cet avis constitue ainsi une garantie dont la méconnaissance est susceptible d'entacher l'ensemble de la procédure.

6. Il en résulte également que, préalablement à l'avis rendu par ce collège de médecins, un rapport médical, relatif à l'état de santé de l'intéressé et établi par un médecin de l'OFII, doit lui être transmis et que le médecin ayant établi ce rapport médical ne doit pas siéger au sein du collège de médecins qui rend l'avis transmis au préfet. Aucune disposition législative ou réglementaire, ni le modèle figurant en annexe C de l'arrêté susmentionné du 27 décembre 2016 ne prévoient que l'avis rendu par le collège de médecins doive comporter l'identité du médecin ayant établi le rapport médical.

7. En cas de contestation devant le juge administratif portant sur la présence du médecin rapporteur au sein du collège ayant délibéré, il appartient à l'autorité administrative d'apporter les éléments qui permettent l'identification du médecin qui a rédigé le rapport au vu duquel le collège de médecins a émis son avis et, par suite, le contrôle de la régularité de la composition du collège de médecins. Le respect du secret médical s'oppose toutefois à la communication à l'autorité administrative, à fin d'identification de ce médecin, de son rapport, et, par suite, à ce que le juge administratif sollicite la communication par le préfet ou par le demandeur d'un tel document.

8. En l'espèce, le préfet des Vosges a produit dans le cadre de son mémoire en défense une attestation de l'Office français de l'immigration et de l'intégration portant l'indication du nom du médecin, auteur du rapport médical sur l'état de santé de l'enfant JonA..., à savoir le DrF..., lequel n'a pas siégé au sein du collège des médecins qui a, le 13 juillet 2018, émis l'avis au vu duquel ont été pris les refus de titre de séjour opposés aux requérants. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que ces décisions doivent être regardées comme intervenues en méconnaissance des dispositions des articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

9. En second lieu, les requérants soutiennent que leur enfant Jon, atteint d'autisme, présente un taux d'incapacité compris entre 50 et 80% et nécessite un suivi spécialisé qui n'est pas disponible au Kosovo. Il bénéficie en France par décision de la MDPH (maison départementale des personnes handicapées) du 15 mars 2018 d'une allocation d'éducation enfant handicapé valable jusqu'au 31 juillet 2020 et d'une prise en charge socio-éducative dans la mesure où il est actuellement scolarisé dans le cadre du dispositif ULIS (Unité localisée pour l'inclusion scolaire) en école TED (troubles envahissants du développement) et, enfin est inscrit sur liste d'attente pour intégrer un institut médico-éducatif en internat modulable ou semi-internat. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que, dans son avis du 13 juillet 2018, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que si l'état de santé de l'enfant Jon nécessitait une prise en charge médicale, dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, l'intéressé pouvait bénéficier des soins appropriés à son état de santé dans son pays d'origine et voyager sans risque. Le seul rapport du 6 mars 2017 établi par l'organisation suisse d'aide aux réfugiés produit par les requérants, décrivant de manière générale les insuffisances du système de santé et de soins du Kosovo, ne suffit pas à remettre en cause l'avis du collège de médecins sur l'accès effectif de leur enfant à un traitement approprié à son état au Kosovo. Par ailleurs, en se bornant à produire les attestations des autorités de deux municipalités du Kosovo, Lipjar et Ferizaj, indiquant ne pas disposer sur leur territoire d'école spécialisée pour l'éducation des enfants autistes, les requérants n'établissent pas que leur enfant ne pourrait bénéficier d'un suivi adapté dans une autre ville du Kosovo. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes en annulation.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

11. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions tendant à l'annulation des arrêtés attaqués, n'implique aucune mesure particulière d'exécution. Par suite, les conclusions susvisées ne peuvent être accueillies.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

12. Il résulte des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner la partie perdante à lui verser la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait pas eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit, en cas de condamnation, le recouvrement de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

13. L'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, ne saurait être condamné à verser à l'avocat de M. et Mme A...une somme en application de ces dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête présentée par M. A...et celle présentée par Mme A...sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A..., à Mme C...A...née D...et au ministre de l'intérieur.

Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet des Vosges.

2

N° 19NC00099,19NC00100


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 19NC00099-19NC00100
Date de la décision : 20/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Sandra BAUER
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : ZOUAOUI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-06-20;19nc00099.19nc00100 ?
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