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18/06/2019 | FRANCE | N°18NC00371

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 18 juin 2019, 18NC00371


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme (SA) Laugel et Renouard a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner le centre hospitalier de Pfastatt à lui verser, dans le cadre du règlement de son marché, la somme de 76 057,86 euros hors taxes (HT), la somme de 36 695,51 euros, la somme de 22 618,79 euros HT, ainsi que la somme de 24 162,61 euros, toutes étant assorties des intérêts au taux légal majoré et de la capitalisation de ces intérêts.

Par un jugement n° 1405815-1405856 du 14 décembre 2017, le

tribunal administratif de Strasbourg a prononcé un non-lieu à statuer sur les concl...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme (SA) Laugel et Renouard a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner le centre hospitalier de Pfastatt à lui verser, dans le cadre du règlement de son marché, la somme de 76 057,86 euros hors taxes (HT), la somme de 36 695,51 euros, la somme de 22 618,79 euros HT, ainsi que la somme de 24 162,61 euros, toutes étant assorties des intérêts au taux légal majoré et de la capitalisation de ces intérêts.

Par un jugement n° 1405815-1405856 du 14 décembre 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions tendant à la condamnation du centre hospitalier de Pfastatt à verser les sommes de 36 695,51 euros et de 24 162,61 euros, a condamné le centre hospitalier à verser à la SA Laugel et Renouard la somme de 22 618,79 euros, augmentée des intérêts au taux de 2,04 % à compter du 10 septembre 2014, ces intérêts étant eux-mêmes capitalisés à chaque échéance annuelle à compter du 10 septembre 2015. Il a également condamné le centre hospitalier à verser à la SA Laugel et Renouard les intérêts moratoires au taux de 2,04 % pour la période allant du 9 février 2014 au 10 janvier 2015 sur les sommes de 24 162,61 euros et de 36 695,51 euros, ainsi, pour cette dernière somme, que les intérêts moratoires complémentaires. Il a enfin rejeté le surplus des demandes de la SA Laugel et Renouard.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 février 2018, la SA Laugel et Renouard, représentée par Me Cuny, demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 1405856 du 14 décembre 2017 du tribunal administratif de Strasbourg en ce qu'il rejette le surplus de ses conclusions ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Pfastatt à lui verser la somme de 76 057,86 euros, au titre des pénalités indûment retenues, assorties des intérêts au taux légal majoré ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Pfastatt la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a considéré que seul le planning du 19 décembre 2011 lui est opposable alors que la société ne pouvait pas se dispenser de respecter le planning d'exécution du 23 février 2012 modifiant le planning initial et qu'il appartient au juge du contrat d'interpréter et d'appliquer un contrat en tenant compte, le cas échéant, de la commune intention des parties et du principe de loyauté contractuelle ;

- c'est à tort que le tribunal a estimé que le marché comportait des délais partiels alors que si l'article 7-1 évoque l'hypothèse de dépassement de délai partiel, aucune autre stipulation ne vient définir et fixer précisément ces délais partiels et qu'il est constant qu'elle n'accusait pas de retard à la réception partielle de l'ouvrage ;

- elle n'accusait pas davantage de retard à la réception finale de l'ouvrage ;

- subsidiairement, à supposer même que ce planning lui soit seul opposable, seul un retard de 58 jours calendaires, intempéries déduites, serait constaté au 7 février 2013, date de réception effective et la pénalité maximale encourue ne pouvait en tout état de cause pas excéder la somme de 34 195,64 euros ;

- le décompte général notifié ne comporte aucun détail ni aucune précision quant au calcul des pénalités appliquées ;

- les pénalités ne sont pas justifiées alors que la référence au planning du 19 décembre 2011 ne permet pas de constater 129 jours de retard, mais uniquement 70 jours et que la note OPC du 11 mars 2014 n'est pas probante en l'absence de chemin critique ;

- aucun jour de retard n'a jamais pu être constaté sur l'exécution du lot n° 5a conformément aux stipulations de l'article 7.1 du CCAP ;

- aucun délai de retard partiel n'a été contractuellement défini ;

- le calendrier détaillé est élaboré par l'OPC et approuvé par le maître de l'ouvrage en cours de marché et il n'a pas valeur contractuelle ;

- le non-respect des délais partiels n'a pas eu d'impact sur les autres entreprises ;

- le centre hospitalier ne peut lui opposer les avenants 1 et 2 ;

- le centre hospitalier a commis un détournement de procédure ;

- le montant des pénalités est excessif et doit être modulé ;

- le reversement des sommes indûment retenues de 76 057,86 euros, lesquelles constituent la contrepartie des travaux effectués par la SA Laugel et Renouard, devra être majoré du taux de TVA à la somme de 90 965,20 euros TTC ;

- les sommes à verser à la SA Laugel et Renouard seront majorées de 2,38 % correspondant aux intérêts moratoires.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 février 2019, le centre hospitalier de Pfastatt, représenté par MeA..., demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, d'infirmer le jugement du tribunal administratif de Strasbourg en tant qu'il l'a condamné à verser à la SA Laugel et Renouard une somme de 22 618,79 euros augmentée des intérêts à compter du 10 septembre 2014 et la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

3°) de mettre à la charge de la SA Laugel et Renouard une somme de 3 000 euros, au titre de l'appel principal, une somme de 2 500 euros au titre de l'appel incident et une somme de 1 500 euros au titre de la procédure de première instance sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- seul le calendrier d'exécution des travaux notifié par l'ordre de service n° 3 est opposable au titulaire du marché ;

- les délais partiels ont bien été fixés par le calendrier détaillé d'exécution conformément à l'article 6 du CCAP ;

- le calcul des pénalités de retard n'est pas erroné alors que les intempéries et les retards du lot gros oeuvre ont été pris en compte ;

- les retards partiels ont été constatés par le maître d'oeuvre le 5 avril 2012 et résultent du manque d'effectifs affectés au marché par l'entreprise qui a fait l'objet de plusieurs rappels à l'ordre ;

- les pièces produites démontrent l'incidence du retard pris par la société requérante sur l'avancement des autres lots ;

- c'est à bon droit que le tribunal a écarté le moyen tiré du détournement de procédure ;

- la société ne peut prétendre à la modulation des pénalités ;

- par la voie de l'appel incident, le jugement sera réformé en tant qu'il donne partiellement satisfaction à la SA Laugel et Renouard en la déchargeant des pénalités de retard du lot n° 6 ;

- le délai partiel de la mise " hors d'air " du bâtiment était opposable à la société alors que le retard a eu une incidence manifeste sur les autres travaux de l'ouvrage ;

- les pénalités de retard appliquées à ce titre sont justifiées.

Par une lettre du 22 janvier 2019, les parties ont été informées, par application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, que l'affaire serait inscrite à une audience le premier semestre 2019 et que l'instruction est susceptible d'être close à partir du 6 février 2019.

Par une ordonnance à effet immédiat du 27 mars 2019, la clôture de l'instruction a été prononcée à cette date.

Un mémoire, enregistré le 28 mars 2019, a été présenté pour la société Laugel et Renouard.

Les parties ont été informées, par application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt de la cour était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions d'appel incident du centre hospitalier de Pfastatt qui soulèvent un litige distinct de celui résultant de l'appel principal.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Wallerich, président assesseur,

- les conclusions de M. Louis, rapporteur public,

- les observations de Me Cuny, avocat de la société Laugel et Renouard et de Me Dezempte, avocat du centre hospitalier de Pfastatt.

Considérant ce qui suit :

1. Le centre hospitalier de Pfastatt a entrepris la réalisation de travaux de restructuration d'une partie de ses bâtiments et la construction d'un nouveau bâtiment et par un acte d'engagement du 12 août 2011, il a confié à la SA Laugel et Renouard les travaux du lot n° 5a " menuiserie, aluminium, acier, volets roulants et stores " pour un montant total de 705 135, 29 euros TIC et une durée globale d'exécution de trente mois. Le solde du décompte général de ce lot, établi le 17 juin 2014, s'est élevé à 674 029,36 euros après déduction de pénalités de retard, d'un montant de 76 057,86 euros et d'une retenue de garantie s'élevant à 36 695,51 euros. La SA Laugel et Renouard a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner le centre hospitalier de Pfastatt à lui verser diverses sommes et en particulier à lui restituer les montants correspondants aux pénalités de retard et à la retenue de garantie assortis des intérêts et de leur capitalisation. Elle relève appel du jugement du tribunal administratif de Strasbourg en tant qu'il a rejeté ses demandes relatives aux pénalités de retard du lot n° 5a pour un montant de 76 057,86 euros, assorti des intérêts au taux légal majoré. Par la voie de l'appel incident, le centre hospitalier de Pfastatt demande à la cour d'infirmer ce jugement en tant qu'il l'a condamné à verser à la SA Laugel et Renouard une somme de 22 618,79 euros augmentée des intérêts à compter du 10 septembre 2014 ainsi que la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur l'appel principal de la SA Laugel et Renouard :

2. Aux termes de l'article 6-1 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) du marché applicable aux travaux du lot 5a, relatif au délai d'exécution des travaux tous corps d'état et dérogeant sur ce point au cahier des clauses administratives générales (CCAG) applicables aux marchés publics de travaux, tel qu'approuvé par l'arrêté ministériel du 8 septembre 2009 modifié : " Les dispositions des articles 19.1 et 28.2.3 du CCAG sont remplacées par les dispositions suivantes : Le calendrier prévisionnel d'exécution joint en annexe à l'acte d'engagement précise le délai d'exécution des travaux incombant au titulaire fixé par le représentant du pouvoir adjudicateur au sein du délai global d'exécution de l'ensemble des travaux allotis tous corps d'état. Le calendrier prévisionnel d'exécution est établi hors intempéries. Le calendrier détaillé d'exécution est élaboré par le responsable de la mission d'ordonnancement-pilotage-coordination (OPC) du chantier en concertation avec les titulaires des différents lots et avec le coordonnateur SPS et dans le respect du délai d'exécution des travaux incombant au titulaire tel que prévu au calendrier prévisionnel d'exécution. Le calendrier détaillé d'exécution est ensuite soumis par le maître d'oeuvre à l'approbation du représentant du pouvoir adjudicateur. Ce calendrier détaillé d'exécution précise la date à partir de laquelle démarre le délai d'exécution de chacun des lots. Ce calendrier détaillé d'exécution est ensuite notifié par ordre de service par le maître d'oeuvre aux titulaires de chacun des lots et s'impose à eux conformément aux dispositions de l'article 3.8.3 du CCAG. Ce calendrier détaillé est mis à jour en tant que de besoin dans les mêmes conditions que son élaboration. Le titulaire ne peut se prévaloir d'aucun préjudice en cas de décalage de la date à partir de laquelle démarre le délai d'exécution et il devra impérativement se conformer aux indications du calendrier détaillé d'exécution. ". Aux termes de l'article 7 de ce même cahier : " 7-1 : Pénalités pour retard : Par dérogation à l'article 20.1 du CCAG, en cas de retard dans l'exécution des travaux, y compris pour le repliement des installations et pour la levée des réserves formulées lors de la réception des travaux, le maître d'ouvrage pourra appliquer une pénalité journalière 1/1 000ème du montant du marché avec un minimum de 300 € par jour calendaire. Il est bien précisé que si le titulaire est dans l'impossibilité de démarrer ses travaux à la date prévue, il doit en informer par écrit le maître d'oeuvre, l'OPC et le conducteur d'opération au moins 48 heures à l'avance en précisant les raisons pour lesquelles il ne peut pas intervenir. Les pénalités sont encourues du simple fait de la constatation du retard par le maître d'oeuvre (...) En cas de retard sur un délai partiel et si le délai global est respecté, le représentant du pouvoir adjudicateur rembourse au titulaire les pénalités provisoires appliquées, à la condition que le retard partiel n'ait pas eu d'impact sur les autres travaux de l'ouvrage (...) ". Aux termes des stipulations de l'article 3.8.3 du CCAG travaux auxquelles renvoie l'article 6-1 précité du CCAP : " Le titulaire se conforme strictement aux ordres de service qui lui sont notifiés, que ceux-ci aient ou non fait l'objet de réserves de sa part (...) ".

3. En premier lieu, il résulte de l'instruction que le calendrier prévisionnel d'exécution annexé à l'acte d'engagement déterminait le point de démarrage des travaux au 5 septembre 2011 et que le délai global d'exécution des travaux était de 366 jours. Ces éléments ont été rappelés dans l'ordre de service n° 1 du 5 août 2011 à la société Laugel et Renouard qui en a accusé réception le 17 août 2011. Le calendrier détaillé d'exécution du 19 décembre 2011, qui fixe la date d'achèvement des travaux du lot litigieux au 7 juin 2012 et celle de réception de l'ensemble des travaux au 29 novembre 2012, a été notifié à la SA Laugel et Renouard le 22 décembre 2011 par l'ordre de service n° 3. Contrairement à ce que soutient la société requérante, il ne résulte pas de l'instruction que le calendrier détaillé d'exécution du 23 février 2012 émanant du responsable de la mission d'ordonnancement-pilotage-coordination (OPC) révèlerait une commune volonté des parties d'abandonner les délais initiaux d'exécution des travaux résultant de l'acte d'engagement qui liait contractuellement les parties, ce responsable ayant seulement été contraint de réviser le document afin de tenir compte des premiers retards, en particulier ceux qui pouvaient déjà être imputés à la société Laugel et Renouard, ainsi que cela ressort de deux correspondances du 20 janvier 2012, dans lesquelles étaient notamment relevés à son encontre l'absence de réception hebdomadaire des baies de nature à nuire à l'avancement du gros oeuvre, et le retard de présentation du prototype dont la réalisation conditionnait le démarrage de la façade rideau. En l'absence de toute difficulté d'interprétation des stipulations contractuelles, la société requérante n'est pas fondée à se prévaloir du principe de loyauté contractuelle pour contester la réalité des retards qui lui ont été imputés.

4. En deuxième lieu, il résulte des stipulations de l'article 7-1 du CCAP et du calendrier d'exécution du 19 décembre 2011 que, contrairement à ce que soutient la société requérante, le contrat conclu entre la SA Laugel et Renouard et le centre hospitalier de Pfastatt prévoit des délais partiels d'exécution des travaux en particulier pour le lot n° 5a. Ces délais partiels sont précisés dans le calendrier détaillé d'exécution du 19 décembre 2011 qui a été notifié à la société requérante le 22 décembre 2011 et qui, de ce fait, s'imposait à elle en application des stipulations combinées de l'article 3 du CCAG et de l'article 6 du CCAP. Ce document précise sous forme de tableau et pour chaque catégorie de travaux confiés à la société requérante (châssis à rupture de pont thermique, dépose soignée de menuiseries existantes, façade rideau, etc...), les niveaux et les zones concernés, la durée en nombre de jours, la date de démarrage des travaux et la date de fin des travaux, en faisant clairement apparaître dans le calendrier, les délais partiels et le chemin critique des travaux. La société Laugel et Renouard n'est ainsi pas fondée à soutenir que ces délais partiels ne lui seraient pas opposables.

5. En troisième lieu, si en application des stipulations de l'article 12 du CCAP, le marché a prévu des réceptions partielles, ces opérations ne concernent aucunement les délais partiels définis au point précédent mais la livraison du bâtiment C, celle des services restructurés des bâtiments A et B, et celle des aménagements extérieurs. En se bornant à faire valoir, sans l'établir, qu'elle n'accusait pas de retard à la réception partielle de l'ouvrage, la société Laugel et Renouard n'apporte pas les éléments utiles pour contester les dépassements des délais partiels d'exécution qui lui ont été imputés.

6. En quatrième lieu, il résulte de l'instruction, et en particulier des lettres qui lui ont été adressées les 23 mars 2012 et 5 avril 2012 par l'architecte Renouard, et le 12 avril 2012 par la SARL MP Conseil, chargée de la mission OPC et membre du groupement solidaire de maîtrise d'oeuvre, de la mise en demeure qu'elle a reçue le 27 avril 2012 et de la note OPC qui lui a été adressée le 20 juillet 2012 que la SA Laugel et Renouard a accusé un retard de 129 jours sur les délais partiels d'exécution des travaux, après déduction de 17 jours d'intempéries et remise de 65 jours par le maître d'oeuvre. La société requérante qui n'a formulé aucune contestation après la réception de ces courriers, n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause les constats de la maîtrise d'oeuvre en ce qui concerne le non respect de l'exécution des travaux dans les délais contractuels ou le décompte des jours de retard. Contrairement à ce qu'elle allègue, ces éléments lui ont été communiqués avant la notification du décompte général ainsi que le démontre, notamment, son message électronique du 15 juillet 2013 dans lequel elle demande la remise des pénalités de retard pour un montant de 76 057, 86 euros. Par ailleurs, il résulte des pièces versées au dossier de première instance que le non respect des délais partiels par la société requérante a eu un impact sur l'intervention des autres intervenants alors que son attention avait été appelée sur ce point à plusieurs reprises tant par la maîtrise d'oeuvre que par le maître d'ouvrage. Dans cette mesure la société n'est pas fondée à soutenir que les pénalités de retards qui lui ont été infligées au titre du lot n° 5a seraient injustifiées ni que leur calcul serait erroné.

7. En cinquième lieu, il résulte de l'instruction que le délai global d'exécution du lot en litige, qui avait été fixé au 7 juin 2012 ainsi qu'il vient d'être dit, n'a pas été respecté, la SA Laugel et Renouard ayant achevé ses travaux le 8 février 2013. Pour ce seul motif, le centre hospitalier de Pfastatt était, en application des stipulations de l'article 7-1 du cahier des clauses administratives particulières, fondé à mettre à la charge de la SA Laugel et Renouard des pénalités de retard. Dès lors, la société requérante n'est pas davantage fondée à faire valoir qu'elle avait respecté le calendrier global d'exécution.

8. En sixième lieu, les pénalités de retard prévues par les clauses d'un marché public ont pour objet de réparer forfaitairement le préjudice qu'est susceptible de causer au pouvoir adjudicateur le non-respect, par le titulaire du marché, des délais d'exécution contractuellement prévus. Elles sont applicables au seul motif qu'un retard dans l'exécution du marché est constaté et alors même que le pouvoir adjudicateur n'aurait subi aucun préjudice ou que le montant des pénalités mises à la charge du titulaire du marché qui résulte de leur application serait supérieur au préjudice subi. La circonstance que le centre hospitalier de Pfastatt a indiqué, dans un courriel adressé à la SA Laugel et Renouard le 24 juillet 2013, que les pénalités de retard permettront de couvrir des coûts supplémentaires générés par le retard accumulé par la société requérante demeure ainsi sans incidence sur la procédure mise en oeuvre qui n'est, contrairement à ce qui est allégué, affectée d'aucun détournement.

9. En septième et dernier lieu, il appartient au titulaire du marché qui saisit le juge de conclusions tendant à ce qu'il modère les pénalités mises à sa charge de lui fournir tous éléments, relatifs notamment aux pratiques observées pour des marchés comparables ou aux caractéristiques particulières du marché en litige, de nature à établir dans quelle mesure ces pénalités présentent selon lui un caractère manifestement excessif. Au vu de l'argumentation des parties, il incombe au juge soit de rejeter les conclusions dont il est saisi en faisant application des clauses du contrat relatives aux pénalités, soit de rectifier le montant des pénalités mises à la charge du titulaire du marché dans la seule mesure qu'impose la correction de leur caractère manifestement excessif. Le montant des pénalités, qui représentent environ 13 % du montant du lot en litige, n'est pas manifestement excessif. Dans ces conditions, la société requérante ne peut prétendre à la modulation des pénalités litigieuses.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la société Laugel et Renouard n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes tendant à la restitution des sommes correspondant aux pénalités de retard dont elle a fait l'objet.

Sur les conclusions d'appel incident du centre hospitalier de Pfastatt :

11. La société Laugel et Renouard demande dans le cadre de son appel principal la réformation partielle du jugement du tribunal administratif de Strasbourg en tant qu'il a rejeté ses demandes en ce qui concerne les pénalités de retard du lot n° 5a. Il résulte de ce qui précède que les conclusions d'appel incident présentées par le centre hospitalier de Pfastatt tendant à ce que la cour infirme ce jugement en tant qu'il l'a condamné à verser à la société Laugel et Renouard une somme de 22 618,79 euros, correspondant aux pénalités du lot n° 6, augmentée des intérêts à compter du 10 septembre 2014 ainsi, accessoirement, que la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative soulèvent un litige distinct du litige dont se trouve saisie la cour par l'appel principal. Ces conclusions, présentées après l'expiration du délai d'appel, sont, par suite, irrecevables.

Sur les frais liés à l'instance :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du centre hospitalier de Pfastatt, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la SA Laugel et Renouard demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de cette société le versement au centre hospitalier de Pfastatt d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SA Laugel et Renouard est rejetée.

Article 2 : La SA Laugel et Renouard versera au centre hospitalier de Pfastatt une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions d'appel incident du centre hospitalier de Pfastatt sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SA Laugel et Renouard et au centre hospitalier de Pfastatt.

Délibéré après l'audience du 7 mai 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Kolbert, président de chambre,

- M. Wallerich, président assesseur,

- M. Michel, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 juin 2019.

Le rapporteur,

Signé : M. WallerichLe président,

Signé : E. Kolbert

La greffière,

Signé : F. DupuyLa République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

F. Dupuy

2

N° 18NC00371


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18NC00371
Date de la décision : 18/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Exécution technique du contrat - Conditions d'exécution des engagements contractuels en l'absence d'aléas - Marchés - Retards d'exécution.

Marchés et contrats administratifs - Exécution financière du contrat - Rémunération du co-contractant - Pénalités de retard.


Composition du Tribunal
Président : M. KOLBERT
Rapporteur ?: M. Marc WALLERICH
Rapporteur public ?: M. LOUIS
Avocat(s) : AUDIT-CONSEIL-DEFENSE

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-06-18;18nc00371 ?
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