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06/06/2019 | FRANCE | N°17NC02281

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 06 juin 2019, 17NC02281


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 1er octobre 2015 par laquelle le directeur de la direction du service courrier colis (DSCC) Meuse Champagne-Ardenne de La Poste a procédé à une retenue de 8/30e sur son traitement du mois de septembre 2015.

Par un jugement n° 1502472 du 4 juillet 2017, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, des pièces et des mémoires enregistrés le 19 s

eptembre 2017, le 10 octobre 2017, le 23 février 2018 et le 9 mars 2018, M A...B..., représen...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 1er octobre 2015 par laquelle le directeur de la direction du service courrier colis (DSCC) Meuse Champagne-Ardenne de La Poste a procédé à une retenue de 8/30e sur son traitement du mois de septembre 2015.

Par un jugement n° 1502472 du 4 juillet 2017, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, des pièces et des mémoires enregistrés le 19 septembre 2017, le 10 octobre 2017, le 23 février 2018 et le 9 mars 2018, M A...B..., représenté par la SCP Ducharme-Belleville-Levert, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;

2°) d'annuler la décision contestée ;

3°) d'enjoindre à La Poste de lui verser la somme correspondant à la fraction retenue sur son traitement, de procéder à la reconstitution de sa carrière et de ses droits à la retraite ainsi que de s'acquitter du montant des cotisations sociales correspondantes, sous astreinte de 600 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de La Poste une somme de 500 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision contestée n'est pas suffisamment motivée ;

- elle est entachée d'erreur de fait en ce qu'elle retient qu'il aurait refusé de distribuer du courrier ;

- elle est entachée d'une erreur de droit.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 5 janvier et le 11 mai 2018, la SA La Poste, représentée par la SCP Sammut Croon Journé-Léau conclut :

- au rejet de la requête ;

- à ce que soit mise à la charge de M. B...une somme de 2 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision contestée n'avait pas à être motivée et est, en tout état de cause, suffisamment motivée ;

- la décision n'est pas entachée d'illégalité interne.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi nº 61-825 du 29 juillet 1961 ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;

- le décret n° 2010-191 du 26 février 2010 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Stefanski, président,

- et les conclusions de M. Favret, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M.B..., agent professionnel exerçant les fonctions de facteur au centre de distribution courrier de Troyes, n'a pas distribué, à l'issue de ses heures de service, l'intégralité des plis qui lui avaient été confiés les 31 août, 1er, 8, 9, 14, 16, 22 et 23 septembre 2015, soit durant huit jours. Le 1er octobre 2015, le directeur de l'établissement de Troyes a décidé qu'une retenue de 8/30ème serait appliquée sur le traitement mensuel de M. B.... Ce dernier interjette appel du jugement du 4 juillet 2017 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté son recours pour excès de pouvoir dirigé contre cette décision.

2. Aux termes de l'article 4 dans sa version alors en vigueur de la loi n° 61-825 du 29 juillet 1961 : " (...) L'absence de service fait, pendant une fraction quelconque de la journée, donne lieu à une retenue dont le montant est égal à la fraction du traitement frappée d'indivisibilité en vertu de la réglementation prévue à l'alinéa précédent. / Il n'y a pas service fait : / 1°) Lorsque l'agent s'abstient d'effectuer tout ou partie de ses heures de services ; / 2°) Lorsque l'agent, bien qu'effectuant ses heures de service, n'exécute pas tout ou partie des obligations de service qui s'attachent à sa fonction telles qu'elles sont définies dans leur nature et leurs modalités par l'autorité compétente dans le cadre des lois et règlements. / Les dispositions qui précèdent sont applicables au personnel de chaque administration ou service doté d'un statut particulier ainsi qu'à tous bénéficiaires d'un traitement qui se liquide par mois. ".

3. En premier lieu, aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 alors applicable : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / (...) - refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ; (...) ". Selon l'article 2 de la même loi : " Doivent également être motivées les décisions administratives individuelles qui dérogent aux règles générales fixées par la loi ou le règlement. ".

4. D'une part, hormis dans le cas où elle révèlerait par elle-même un refus opposé à une demande tendant à la reconnaissance d'un droit à rémunération malgré l'absence de service fait, la décision par laquelle l'autorité administrative, lorsqu'elle liquide le traitement d'un agent, procède à une retenue pour absence de service fait au titre de l'article 4 de la loi du 29 juillet 1961 constitue une mesure purement comptable et, dès lors, n'est pas au nombre des décisions qui refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir au sens des dispositions de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979.

5. Il est constant que durant les jours mentionnés par la décision contestée, M. B... n'a pas distribué l'ensemble du courrier qui lui avait été confié. S'il soutient avoir présenté à l'issue de ses heures de travail, une demande tendant à être payé en heures supplémentaires pour poursuivre le jour même la distribution du courrier, il ne l'établit pas. Ainsi, l'appelant ne peut utilement soutenir que la décision contestée devait être motivée sur le fondement de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979.

6. D'autre part, alors que M. B...n'avait pas distribué l'ensemble du courrier qui lui été assigné, il ne peut utilement soutenir que la décision contestée devait être motivée en application de l'article 2 de la même loi en ce qu'elle aurait dérogé à la règle de l'article 20 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 qui dispose que les fonctionnaires ont droit à rémunération après service fait.

7. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation au regard des exigences de la loi du 11 juillet 1979 ne peut être accueilli. En tout état de cause, la décision contestée comportait une motivation permettant à M. B...d'en connaître les raisons.

8. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que, pour les jours mentionnés par la décision contestée, M. B...est rentré de sa tournée sans avoir distribué l'intégralité du courrier qui lui avait été confié. Il ressort des procès-verbaux de renseignements que le supérieur hiérarchique du requérant lui a demandé des explications pour les jours concernés. Par suite, en constatant que le requérant avait refusé de distribuer une partie du courrier, le directeur d'établissement n'a pas entaché sa décision d'une erreur de fait, sans qu'aient d'influence sur ce constat, les circonstances que M. B...avait effectué ses heures de service, que sa tournée aurait, selon lui, été trop longue, que La Poste aurait considéré à tort qu'il ne travaillait pas assez vite et que La Poste aurait refusé de donner son accord pour qu'il termine chaque jour sa tournée sous couvert d'heures supplémentaires. Le requérant ne démontre d'ailleurs pas qu'il devait se voir attribuer des heures supplémentaires, l'attribution de celles-ci étant calculée en fonction des charges de travail sur plusieurs jours afin de tenir compte des variations dans le nombre de courriers et colis à délivrer.

9. En troisième lieu, en soutenant qu'il n'avait pas refusé de distribuer le courrier mais qu'il n'était pas en mesure de délivrer tout le courrier dans le temps qui lui était imparti, qu'il avait déjà dépassé ses heures normales de services lorsqu'il est rentré au dépôt avec des plis non distribués et qu'il aurait dû être payé en heures supplémentaires, M. B...n'invoque pas d'éléments de nature à démontrer que l'ordre qui lui avait été donné de distribuer ce courrier journalier, qui résultait des règles d'organisation du service instaurées en fonction du nombre moyen de plis à délivrer, de la distance à parcourir par chaque facteur et de la durée prévue pour sa tournée, était manifestement illégal ou de nature à compromettre gravement un intérêt public. Par suite, M. B...n'ayant pas respecté l'ensemble des obligations définies par les autorités responsables du service, c'est à bon droit que le directeur d'établissement a opéré une retenue sur son salaire d'un trentième par jour au cours duquel son service n'avait pas été intégralement fait. Au surplus, s'il estimait sa tournée trop lourde, M. B...pouvait demander à sa hiérarchie une réévaluation de sa tournée afin, le cas échéant, de l'alléger.

10. Il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de La Poste, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B...demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de mettre à la charge de M. B...une somme de 1 500 euros à verser à La Poste au titre des mêmes frais.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : M. B...versera à La Poste une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et à La Poste.

Copie en sera adressée au préfet de l'Aube.

2

N° 17NC02281


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17NC02281
Date de la décision : 06/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-08-02-01-01 Fonctionnaires et agents publics. Rémunération. Traitement. Retenues sur traitement. Retenues sur traitement pour absence du service fait.


Composition du Tribunal
Président : M. MESLAY
Rapporteur ?: Mme Colette STEFANSKI
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : DUCHARME - BELLEVILLE - LEVERT

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-06-06;17nc02281 ?
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