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28/05/2019 | FRANCE | N°19NC00143-19NC00144

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 28 mai 2019, 19NC00143-19NC00144


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...C...a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 19 février 2018 par lequel le préfet du Doubs l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait renvoyé.

Mme A...C...a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour en qualité d'étrangère malade et d'annuler l'arrêté du 19 fé

vrier 2018 par lequel ce préfet l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...C...a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 19 février 2018 par lequel le préfet du Doubs l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait renvoyé.

Mme A...C...a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour en qualité d'étrangère malade et d'annuler l'arrêté du 19 février 2018 par lequel ce préfet l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait renvoyée.

Par un jugement nos 1800948 - 1800949 du 27 septembre 2018, le tribunal administratif de Besançon a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête et un mémoire, enregistrés les 17 janvier 2019 et 26 février 2019, sous le n° 19NC00143, Mme C..., représentée par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler, en ce qui la concerne, ce jugement du tribunal administratif de Besançon du 27 septembre 2018 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision implicite par laquelle le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour en qualité d'étranger malade ;

3°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 19 février 2018 pris à son encontre par le préfet du Doubs ;

4°) d'enjoindre au préfet du Doubs, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à défaut sur le fondement des dispositions du 7° du même article ou au titre des dispositions de l'article L. 313-14 de ce code dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou, à titre subsidiaire, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, à renouveler dans l'attente du réexamen de son droit au séjour ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

S'agissant de la décision implicite portant rejet de sa demande de titre de séjour :

- elle méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 de ce code ;

- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du même code ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision quant à sa situation personnelle ;

S'agissant de l'arrêté du 19 février 2018 :

- il est intervenu au terme d'une procédure irrégulière, qui l'a privée d'une garantie, dès lors que l'absence de mention dans l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du nom du médecin rapporteur ne permet pas de s'assurer que ce dernier n'a pas siégé au sein de ce collège en méconnaissance des dispositions des articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 de ce code ;

- il méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du même code ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision quant à sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale en raison de l'illégalité des décisions de refus de titre de séjour et portant obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 février 2019, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 décembre 2018.

II. Par une requête et un mémoire, enregistrés les 17 janvier 2019 et 26 février 2019, sous le n° 19NC00144, M. C..., représenté par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler, en ce qui le concerne, ce jugement du tribunal administratif de Besançon du 27 septembre 2018 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 19 février 2018 pris à son encontre par le préfet du Doubs ;

3°) d'enjoindre au préfet du Doubs, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à défaut au titre des dispositions de l'article L. 313-14 de ce code dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou, à titre subsidiaire, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, à renouveler dans l'attente du réexamen de son droit au séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- il s'associe aux conclusions et moyens présentés par son épouse ;

- l'annulation des décisions prises à l'encontre de son épouse implique l'annulation des décisions prises à son encontre, lesquelles méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 février 2019, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 décembre 2018.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Michel, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes n° 19NC00143 et n° 19NC00144 portent sur la situation d'un même couple de ressortissants étrangers et sont dirigées contre un même jugement. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un même arrêt.

2. M. et MmeC..., ressortissants arméniens nés respectivement le 15 février 1956 et le 20 juillet 1958, sont entrés en France le 31 décembre 2011 sous couvert d'un visa de court séjour afin de rendre visite à leur fille. Leurs demandes au titre de l'asile ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides par des décisions du 19 avril 2012, confirmées par la Cour nationale du droit d'asile le 20 décembre 2012. Le 27 juin 2012, Mme C...a obtenu une carte de séjour temporaire en raison de son état de santé, laquelle a été renouvelée jusqu'au 25 juillet 2014. Afin de lui permettre de rester auprès de son épouse, M. C...a été autorisé à se maintenir provisoirement sur le territoire français pour une durée d'un an à compter du 10 juillet 2013. Par deux arrêtés du 27 août 2014, le préfet du Doubs a refusé de renouveler ces titres de séjour et a fait aux intéressés obligation de quitter le territoire français à destination de leur pays d'origine. Le 18 août 2015, M. et Mme C...ont de nouveau sollicité la délivrance d'un titre de séjour auprès du préfet du Doubs qui, par deux arrêtés du 2 octobre 2015, a rejeté leurs demandes, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, leur a interdit le retour en France pour une durée de deux ans et a fixé leur pays de destination. La cour administrative d'appel de Nancy, par un arrêt du 6 avril 2017, a annulé ces arrêtés en tant qu'ils comportent obligation de quitter le territoire français et interdiction de retour et a enjoint au préfet du Doubs de réexaminer la situation des intéressés. Ce dernier, par deux arrêtés du 19 février 2018, les a de nouveau obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils seraient renvoyés. M. et Mme C...font appel du jugement du 27 septembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés et Mme C...fait également appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre une décision implicite de rejet d'une demande de titre de séjour qu'elle aurait précédemment présentée.

Sur la décision implicite de refus de titre de séjour :

3. MmeC..., qui soutient avoir déposé une demande de titre de séjour en qualité d'étrangère malade le 31 juillet 2017, ne produit à l'appui de cette allégation qu'un courriel du médecin instructeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration adressé à son médecin dans le cadre d'un complément d'information médicale indiquant qu'elle " a engagé une demande de titre de séjour pour raisons de santé ". Alors que sa situation était précisément en cours de réexamen à la suite de l'injonction prononcée par la cour administrative d'appel dans son arrêt du 6 avril 2017 annulant la décision du 2 octobre 2015 l'obligeant à quitter le territoire français, ce courriel ne permet pas d'établir, sans autre élément de preuve, que le préfet aurait été saisi par l'intéressée d'une autre demande de titre de séjour à la date qu'elle mentionne. Elle n'est donc pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté ses conclusions dirigées contre une prétendue décision de rejet d'une telle demande.

Sur les arrêtés du 19 février 2018 :

4. En premier lieu, pour les motifs exposés au point 3 ci-dessus, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision implicite de refus de titre de séjour doit être écarté.

5. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé ".

6. D'autre part, un étranger ne peut faire l'objet d'une mesure prescrivant à son égard une obligation de quitter le territoire français en application des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour. Aux termes du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est, sous réserve d'une menace pour l'ordre public, délivrée de plein droit à " l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé (...) ".

7. L'article R. 313-22 du même code dispose : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / Les orientations générales mentionnées à la quatrième phrase du 11° de l'article L. 313-11 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé ".

8. Aux termes de l'article R. 313-23 de ce code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. Le médecin de l'office peut solliciter, le cas échéant, le médecin qui suit habituellement le demandeur ou le médecin praticien hospitalier. Il en informe le demandeur. Il peut également convoquer le demandeur pour l'examiner et faire procéder aux examens estimés nécessaires. Le demandeur présente au service médical de l'office les documents justifiant de son identité. A défaut de réponse dans le délai de quinze jours, ou si le demandeur ne se présente pas à la convocation qui lui a été fixée, ou s'il n'a pas présenté les documents justifiant de son identité le médecin de l'office établit son rapport au vu des éléments dont il dispose et y indique que le demandeur n'a pas répondu à sa convocation ou n'a pas justifié de son identité. Il transmet son rapport médical au collège de médecins. / Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. En cas de défaut de présentation de l'étranger lorsqu'il a été convoqué par le médecin de l'office ou de production des examens complémentaires demandés dans les conditions prévues au premier alinéa, il en informe également le préfet ; dans ce cas le récépissé de demande de première délivrance de carte de séjour prévu à l'article R. 311-4 n'est pas délivré. Lorsque l'étranger dépose une demande de renouvellement de titre de séjour, le récépissé est délivré dès la réception, par le service médical de l'office, du certificat médical mentionné au premier alinéa. / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège (...) / Le collège peut demander au médecin qui suit habituellement le demandeur, au médecin praticien hospitalier ou au médecin qui a rédigé le rapport de lui communiquer, dans un délai de quinze jours, tout complément d'information. Le demandeur en est simultanément informé. Le collège de médecins peut entendre et, le cas échéant, examiner le demandeur et faire procéder aux examens estimés nécessaires. Le demandeur présente au service médical de l'office les documents justifiant de son identité. Il peut être assisté d'un interprète et d'un médecin. Lorsque l'étranger est mineur, il est accompagné de son représentant légal. / L'avis est rendu par le collège dans un délai de trois mois à compter de la transmission par le demandeur des éléments médicaux conformément à la première phrase du premier alinéa. Lorsque le demandeur n'a pas présenté au médecin de l'office ou au collège les documents justifiant son identité, n'a pas produit les examens complémentaires qui lui ont été demandés ou n'a pas répondu à la convocation du médecin de l'office ou du collège qui lui a été adressée, l'avis le constate. / L'avis est transmis au préfet territorialement compétent, sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ".

9. Enfin, l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".

10. S'il ne résulte d'aucune de ces dispositions, non plus que d'aucun principe, que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration devrait comporter la mention du nom du médecin qui a établi le rapport médical, prévu par l'article R. 313-22, qui est transmis au collège de médecins, en revanche ces dispositions prévoient que le médecin rapporteur ne siège pas au sein de ce collège. En cas de contestation devant le juge administratif portant sur ce point, il appartient à l'autorité administrative d'apporter les éléments qui permettent l'identification du médecin qui a rédigé le rapport et, par suite, le contrôle de la régularité de la composition du collège de médecins. Le respect du secret médical s'oppose toutefois à la communication à l'autorité administrative, à fin d'identification de ce médecin, de son rapport, dont les dispositions précitées de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne prévoient la transmission qu'au seul collège de médecins et, par suite, à ce que le juge administratif sollicite la communication par le préfet ou par le demandeur d'un tel document.

11. Il ressort des pièces versées au dossier par le préfet du Doubs, en particulier du bordereau de transmission de l'avis du collège de médecins au préfet par les services de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, que le rapport médical concernant l'état de santé de Mme C... prévu par l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été établi, le 7 janvier 2018, par un premier médecin, le docteurB..., qui n'a pas siégé au sein du collège de médecins ayant rendu l'avis du 15 janvier 2018. Il s'ensuit que l'avis a été émis dans le respect de la règle selon laquelle le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège, conformément aux dispositions des articles R. 312-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

12. Ensuite, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte-tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié.

13. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

14. Dans son avis du 15 janvier 2018, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que l'état de santé de Mme C...nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, que, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont elle est originaire, elle peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et que son état de santé peut lui permettre de voyager sans risque vers son pays d'origine.

15. Il ressort des pièces du dossier que Mme C...souffre plus particulièrement d'un diabète de type 2 insulino-dépendant, d'un syndrome d'apnée du sommeil, de difficultés cardiaques, d'hypertension, d'obésité morbide et de problèmes d'arthrose. Les pièces versées à l'instance par la requérante et notamment les certificats médicaux ainsi qu'un article relatif au système de santé arménien ne sont pas de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le préfet du Doubs, fondée sur l'avis du collège de médecins quant à la possibilité eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé en Arménie, de bénéficier effectivement d'un traitement approprié à ses pathologies. Par suite, les moyens tirés de l'inexacte application des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que de celles du 10° de l'article L. 511-4 du même code doivent être écartés.

16. En deuxième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 313-14 est inopérant à l'appui de la contestation d'une décision portant obligation de quitter le territoire français et doit dès lors être écarté.

17. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

18. Il ne ressort pas des pièces des dossiers que M. et Mme C... qui sont entrés en France le 31 décembre 2011 à l'âge respectivement de cinquante-cinq ans et cinquante-trois ans ne pourraient pas poursuivre une vie privée et familiale en Arménie où ils ont vécus la majeure partie de leur vie. Par suite, dans les circonstances de l'espèce, et alors même que leur fille majeure, qui a acquis la nationalité française, les héberge et les assiste financièrement et moralement, les décisions en litige n'ont pas porté au droit de M. et Mme C... au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elles ont été prises. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

19. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 15 et 18 ci-dessus, le moyen tiré de ce que le préfet du Doubs aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision quant à la situation personnelle de Mme C...doit être écarté.

20. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme C..., qui n'ont soulevé aucun moyen à l'appui de leurs conclusions à fin d'annulation des décisions ne leur accordant qu'un délai de départ volontaire de trente jours, ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté leurs demandes dirigées contre les arrêtés du 19 février 2018.

21. Par voie de conséquence de tout ce qui précède, les conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes de M. et de Mme C...sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E...C..., à Mme A...C...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Doubs.

2

Nos 19NC00143 - 19NC00144


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 19NC00143-19NC00144
Date de la décision : 28/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. KOLBERT
Rapporteur ?: M. Alexis MICHEL
Rapporteur public ?: M. LOUIS
Avocat(s) : BOCHER-ALLANET

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-05-28;19nc00143.19nc00144 ?
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