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28/05/2019 | FRANCE | N°18NC03134

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 28 mai 2019, 18NC03134


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E...D...épouse F...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 22 janvier 2018 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1802217 du 10 juillet 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête n°18NC03134 enregistrée le 19 novembre 2018, Mme E...D...ép

ouseF..., représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 10 juillet 201...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E...D...épouse F...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 22 janvier 2018 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1802217 du 10 juillet 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête n°18NC03134 enregistrée le 19 novembre 2018, Mme E...D...épouseF..., représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 10 juillet 2018 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 22 janvier 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans un délai déterminé, au besoin sous astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le préfet ne justifie pas du fait que le médecin instructeur n'a pas siégé au sein du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), la privant ainsi d'une garantie ;

- il ne justifie pas du caractère collégial de la délibération du collège de médecins de l'OFII ;

- le traitement médical qui lui est dispensé n'est pas disponible au Kosovo ;

- le préfet s'est estimé à tort en situation de compétence liée pour prononcer à son encontre une obligation de quitter le territoire français ;

- cette décision méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire enregistré le 30 avril 2019, le préfet de la Moselle a conclu au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Mme D...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 octobre 2018.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Kolbert, président, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. MmeD..., ressortissante kosovare, est entrée sur le territoire français, selon ses déclarations, le 26 novembre 2014, afin d'y solliciter la reconnaissance du statut de réfugiée. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 27 février 2015, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 27 août 2015. Le 24 mars 2017, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en invoquant son état de santé. Cette demande a été rejetée par un arrêté du 22 janvier 2018 du préfet de la Moselle qui lui a également fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme D...fait appel du jugement du 10 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :

2. Aux termes du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est, sous réserve d'une menace pour l'ordre public, délivrée de plein droit à " l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé (...) ".

3. L'article R. 313-22 du même code dispose : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / Les orientations générales mentionnées à la quatrième phrase du 11° de l'article L. 313-11 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé ".

4. Aux termes de l'article R. 313-23 de ce code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. Le médecin de l'office peut solliciter, le cas échéant, le médecin qui suit habituellement le demandeur ou le médecin praticien hospitalier. Il en informe le demandeur. Il peut également convoquer le demandeur pour l'examiner et faire procéder aux examens estimés nécessaires. Le demandeur présente au service médical de l'office les documents justifiant de son identité. A défaut de réponse dans le délai de quinze jours, ou si le demandeur ne se présente pas à la convocation qui lui a été fixée, ou s'il n'a pas présenté les documents justifiant de son identité le médecin de l'office établit son rapport au vu des éléments dont il dispose et y indique que le demandeur n'a pas répondu à sa convocation ou n'a pas justifié de son identité. Il transmet son rapport médical au collège de médecins. / Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. En cas de défaut de présentation de l'étranger lorsqu'il a été convoqué par le médecin de l'office ou de production des examens complémentaires demandés dans les conditions prévues au premier alinéa, il en informe également le préfet ; dans ce cas le récépissé de demande de première délivrance de carte de séjour prévu à l'article R. 311-4 n'est pas délivré. Lorsque l'étranger dépose une demande de renouvellement de titre de séjour, le récépissé est délivré dès la réception, par le service médical de l'office, du certificat médical mentionné au premier alinéa. / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège (...) / Le collège peut demander au médecin qui suit habituellement le demandeur, au médecin praticien hospitalier ou au médecin qui a rédigé le rapport de lui communiquer, dans un délai de quinze jours, tout complément d'information. Le demandeur en est simultanément informé. Le collège de médecins peut entendre et, le cas échéant, examiner le demandeur et faire procéder aux examens estimés nécessaires. Le demandeur présente au service médical de l'office les documents justifiant de son identité. Il peut être assisté d'un interprète et d'un médecin. Lorsque l'étranger est mineur, il est accompagné de son représentant légal. / L'avis est rendu par le collège dans un délai de trois mois à compter de la transmission par le demandeur des éléments médicaux conformément à la première phrase du premier alinéa. Lorsque le demandeur n'a pas présenté au médecin de l'office ou au collège les documents justifiant son identité, n'a pas produit les examens complémentaires qui lui ont été demandés ou n'a pas répondu à la convocation du médecin de l'office ou du collège qui lui a été adressée, l'avis le constate. / L'avis est transmis au préfet territorialement compétent, sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ".

5. Enfin l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".

6. S'il ne résulte d'aucune de ces dispositions, non plus que d'aucun principe, que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) devrait comporter la mention du nom du médecin qui a établi le rapport médical, prévu par l'article R. 313-22, qui est transmis au collège de médecins, en revanche ces dispositions prévoient que le médecin rapporteur ne siège pas au sein de ce collège. En cas de contestation devant le juge administratif portant sur ce point, il appartient à l'autorité administrative d'apporter les éléments qui permettent l'identification du médecin qui a rédigé le rapport et, par suite, le contrôle de la régularité de la composition du collège de médecins. Le respect du secret médical s'oppose toutefois à la communication à l'autorité administrative, à fin d'identification de ce médecin, de son rapport, dont les dispositions précitées de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne prévoient la transmission qu'au seul collège de médecins et, par suite, à ce que le juge administratif sollicite la communication par le préfet ou par le demandeur d'un tel document.

7. En premier lieu, il ressort des éléments fournis en appel par le préfet de la Moselle que le rapport médical sur l'état de santé de Mme D... a été établi par le docteur B...qui n'était pas au nombre des trois médecins qui ont ensuite siégé au sein du collège des médecins de l'OFII qui a, le 21 décembre 2017, émis l'avis au vu duquel a été pris le refus de séjour opposé à Mme D.... Le moyen tiré de l'irrégularité de cet avis doit, par suite, être écarté.

8. En deuxième lieu, il ressort des termes mêmes de l'avis du collège que ses trois membres ont délibéré sur la situation de l'intéressée. Ils ont ensuite tous trois signé cet avis. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce qu'il ne serait pas établi que ce dernier ne procèderait pas d'une délibération collégiale doit être écarté.

9. En troisième et dernier lieu, il ressort de l'avis du collège que l'état de santé de Mme D..., atteinte d'un trouble anxio-dépressif, nécessite une prise en charge médicale, mais que le défaut de celle-ci ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité, alors qu'au vu des éléments du dossier, son état de santé peut lui permettre de voyager sans risque vers son pays d'origine. Les certificats médicaux produits par Mme D...sont tous antérieurs à cet avis. Celui du docteurC..., établi le 28 février 2017, se borne à mentionner la nécessité d'une prise en charge psychiatrique et médicamenteuse, mais ne comporte pas de précision suffisante sur les conséquences qui s'attacheraient à un défaut de soins. La requérante se prévaut également d'une attestation du 5 janvier 2015 établie par un médecin kosovar, indiquant que l'Alprazolam n'est pas commercialisé au Kosovo, mais sans établir que les médicaments disponibles dans son pays d'origine ne présentent pas des propriétés analogues à ce produit. Les autres documents produits telle la synthèse de la littérature scientifique réalisée par le service de santé mentale Ulysse, relatif à la relation thérapeute-patient dans le cadre d'une psychothérapie et à la thérapie du syndrome post-traumatique, ne permettent pas davantage d'établir qu'un défaut de soins entraînerait pour Mme D... des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit donc être écarté.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

10. En premier lieu, les moyens dirigés contre la décision portant refus de séjour ayant été écartés, le moyen tiré de l'illégalité de cette décision, invoquée par voie d'exception, ne peut qu'être écarté.

11. En second lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Moselle n'aurait pas procédé à l'examen de la situation particulière de la requérante avant de décider de son éloignement et dans ces conditions, le moyen tiré de ce qu'il se serait estimé en situation de compétence liée, au regard notamment des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doit être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Moselle qui lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Sur les autres conclusions :

13. Le présent arrêt de rejet n'implique aucune mesure d'exécution. Les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint sous astreinte au préfet de la Moselle de délivrer à Mme D... un titre de séjour doivent en conséquence être rejetées.

14. L'Etat n'étant pas partie perdante à l'instance, les conclusions présentées par Mme D... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme D... épouse F...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E...D...épouse F...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.

2

N° 18NC03134


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18NC03134
Date de la décision : 28/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. KOLBERT
Rapporteur ?: M. Eric KOLBERT
Rapporteur public ?: M. LOUIS
Avocat(s) : DOLLÉ

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-05-28;18nc03134 ?
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